Chaque année, un nombre impressionnant de livres est publié et il s’agit toujours d’un exercice périlleux d’élire ceux qui se sont démarqués, au point d’être du lot de nos favoris de l’année. Périlleux, car il s’agit de nos goûts personnels et incidemment hautement subjectifs, périlleux, car il y a toujours des perles qui nous ont échappé à travers l’offre foisonnante et aussi parce que des titres attendent encore sur notre pile que nous ayons le temps d’y plonger le nez. Mais des membres de notre équipe se sont tout de même prêtés au jeu, avec plaisir. Voici donc les titres qui ont marqué notre année 2023!

Les choix d’Isabelle Beaulieu
Rédactrice pour la revue Les libraires et créatrice de contenu pour Les libraires

Mise en forme
Mikella Nicol (Le Cheval d’août)

Pour ne pas défaillir complètement et afin d’avoir l’impression de reprendre un certain contrôle sur sa vie, Mikella Nicol, à la suite d’une rupture amoureuse, s’adonne avec discipline à l’entraînement de son corps. Seule dans sa chambre, à l’aide de vidéos mises en ligne, elle semble trouver dans la pratique et la répétition d’exercices physiques une façon de se réappartenir, mais se demande dans un même temps si les raisons qui la motivent à le faire la concernent vraiment. Dans ce récit essayistique écrit avec franchise et clairvoyance, l’autrice remet en question la place de l’apparence dans notre société et examine l’impasse dans laquelle les standards placent les femmes en particulier. Elle prend soin de décortiquer ses propres idées reçues, construites conformément aux diktats imposés, en s’entourant de penseuses qui avec elle font un pas vers de nécessaires changements de paradigmes. Intelligence et acuité qualifient ce livre qui s’inscrit assurément parmi les meilleurs de l’année.

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La pieuvre

Claude Ferland Milewski (Boréal)

Hippolyte est un jeune adolescent, atypique par le fait qu’une pieuvre a élu domicile dans sa tête. Ce mollusque produit dans l’esprit des idées singulières, de douces dérives, des manières d’être, de penser et d’agir qui débordent du canevas, jusqu’à parfois faire ployer le fragile équilibre qui le fait tenir debout. Au cours d’un été, en compagnie de sa complice-ennemie Odile, il fait la rencontre de Clément, un être qui par sa seule apparition fait éclore chez Hippolyte toutes les joies. Désormais, le jour et la nuit se confondent puisque l’unique aube qui puisse encore être digne de s’appeler ainsi a pour nom Clément. Ensemble, les trois amis affrontent la canicule en se roulant dans les vagues, en honorant le répertoire de David Bowie, en faisant les quatre cents coups, buvant et fumant à la manière des véritables corsaires qu’ils sont. Mais on l’a dit, le voile est ténu entre le ciel et l’abîme, et la pieuvre continue son œuvre. Ce qui surprend avant tout dans ce premier roman est le jeu stylistique aux accents ducharmiens où nous nous sentons à la fois bercés et secoués. L’auteur déploie devant nos yeux un univers où le rêve et l’amour tentent de servir de remparts au malheur, nous donnant envie d’y croire.

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La semeuse de vents (t. 1) : La respiration du ciel

Mélodie Joseph (VLB éditeur)

Dans ce premier tome d’afro-fantasy féministe écrit par une Québécoise native de la Martinique, nous suivons la destinée d’Olive, 10 ans, qui part à la recherche de ses origines. Par chance, elle détient un caractère résolu, lui permettant de ne pas courber l’échine devant les enfants de l’orphelinat où elle aboutit. Parce qu’elle vient d’une contrée inconnue, la fillette est souvent rejetée, mais nouera des liens avec Astra, une enfant également en marge. Elles croiseront ensuite la route de Béryl, une capitaine d’aéronef qui n’a pas froid aux yeux. Olive découvrira qu’elle possède un pouvoir et peu à peu, s’exercera à le contrôler. Si les littératures de l’imaginaire mettent en scène des mondes inusités, elles peuvent établir des parallèles avec notre propre Histoire, ouvrant la voie à de nouvelles projections. En choisissant délibérément de placer une héroïne au teint mat au centre de la quête, l’autrice Mélodie Joseph veut corriger l’occultation des figures féminines des récits fondateurs et donner une visibilité aux peuples noirs à qui on a voulu enlever toute forme de déterminisme. Un roman fort à l’écriture maîtrisée annonçant une suite qu’il me tarde d’avoir entre les mains.

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Autoportrait d’une autre

Élise Turcotte (Alto)

Dans ce récit qui fait encore une fois la preuve de la pertinence de l’œuvre d’Élise Turcotte dans les lettres québécoises et d’ailleurs, l’écrivaine part à la recherche des traces de sa tante Denise Brosseau, aujourd’hui décédée. Elle ne souhaite pas reconstituer chronologiquement le parcours d’une vie, mais peut-être y dénicher des éclats de miroir qui refléteraient ses propres questionnements. Elle examine les archives, se rend à Paris et à Mexico, interroge l’exil, repasse les amours, les amitiés, le gouffre qui engloutit tout. Cependant, les pistes aperçues deviennent des mirages dès qu’on les approche de trop près. Mais Turcotte accepte que nous soyons des énigmes et n’essaie pas de combler les vides. Elle les voit plutôt comme des espaces où il est possible de se récréer. Elle gravite autour de l’art, en souligne les écueils, comme le travail des femmes souvent passé à la trappe. Elle assume ses idées fixes et dialoguant avec ses paires, d’autres autrices fidèles à leur quête — non pas de vérité, mais de sens —, elle fait en sorte que les échos d’une existence, en l’occurrence celle de sa tante, résonnent jusqu’à nous.

Nue
Salomé Assor (Poètes de brousse)

La narratrice de Nue fixe l’insomnie, espérant enfin qu’apparaissent les bras de Morphée, en vain. Elle décide donc de se couler dans la nuit du dehors, faisant résonner ses pas dans les rues de la ville. Qui sait ce qu’elle y rencontrera, l’apaisement des silences étoilés, l’air furtif d’une brise nocturne, à moins que ce ne soit le tourbillon des fêtes enivrantes ou la sagacité des voyous. Ce qui surviendra finalement n’aura rien pour aider au repos, bien au contraire. Elle rentre chez elle, aux prises avec la nuit interminable. En somme, peu de choses se passent dans ce roman d’introspection où il n’y a rien et il y a tout. Dans un détail se trouve une idée, une émotion, un monde et peu importe où Salomé Assor m’entraîne, je la suis avec la dévotion d’une disciple. Son écriture viscérale, évoquant celle de Beckett et Lispector, est capable d’exprimer la condition humaine dans ses plus subtils replis. Désespoir, candeur, rire, solitude, l’autrice nous rappelle que le temps se joue de nous. Mais bientôt nous nous relèverons de nos amours déçus et « aur[ons] le talent de vivre à nouveau ».

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Les choix de Josée-Anne Paradis

Rédactrice en chef de la revue Les libraires et directrice de contenu pour Les libraires

Ellipses
Philippe Chagnon et Louise Gros (Le Noroît)

Ellipses est composée d’une écriture bouleversante, faite d’images reliant le quotidien au plus grand que soi et unissant les lettres aux contradictions. Les phrases de Chagnon sont courtes, parfois même incomplètes pour mieux laisser en nous le vers s’installer. Le vertige qu’il évoque nous entraîne avec lui. Vortex littéraire. On ne veut pas tourner la page trop vite, on veut profiter encore de la brèche qu’il a ouverte avec ses mots, profiter de ces cloisons qu’il a abaissées en nommant, simplement autrement, ces petites choses d’un quotidien alangui par la responsabilité. Un livre chavirant, où on y lit : « J’abrite un labyrinthe de sous-entendus dans un nuage en faillite » ou encore « Notre patience en feu de Bengale, et pourtant. Il suffit d’une seule seconde dans un endroit en fleur. » Dans cette façon bien personnelle et si bien maîtrisée qu’il a de décortiquer le quotidien, le poète aborde les remous, la parentalité, les jours qui ressemblent aux nuits. Philippe Chagnon se situait déjà parmi les auteurs à suivre de près, mais Ellipses est assurément le livre qui marque d’une pierre blanche son parcours.

Mélamine méduse
Jonathan Roy (Perce-Neige)

Le très talentueux poète Jonathan Roy, qui manie le rythme et le mot juste comme peu savent le faire, offre dans ce livre une série de poèmes percutants qui n’ont pas peur d’égratigner nos contradictions contemporaines, notre société de consommation, nos masques. Ses mots, aux sonorités claquantes et aux sens puissants, sont, comme dans ses deux précédents recueils, toujours choisis avec soin pour générer l’émotion, le frisson. Il convoque Socrate aux rayons des surgelés, il demande « es-tu en feu ou juste brûlé? », il pioche dans la culture pop pour en tirer une matière à réfléchir qu’il déconstruit pour mieux reconstruire, dans des phrases poignantes. Sans surtout ne jamais oublier ce qui fait la substance de sa pensée. « La glaise sous les paupières nous / aurons été le grain de sable dans la lentille / et ces visions de perles dissoutes à mesure que nous / marchions en caniches de faïence / l’émail craquelé dans l’acide des jours / depuis ce grand four à broil / qui devait fixer nos glaçures déçues / en breloques uniques ».

Le voyage de Shuna
Hayao Miyazaki (Sarbacane)

Il y a bientôt six ans, j’ai mis la main sur cet ouvrage en langue originale japonaise. J’étais fan de l’auteur et je souhaitais ardemment comprendre ce qui était écrit aux côtés des quelque 200 magnifiques aquarelles composant cette œuvre datant de 1983 : je me suis donc mise à apprendre le japonais, dans le but bien précis de découvrir cette histoire du maître Miyazaki. Faute de traduction disponible en aucune autre langue, j’allais moi-même m’organiser pour déchiffrer ces kanjis. Force est d’avouer que, six ans plus tard, j’en suis encore aux cours élémentaires. Mais si je sais que cette histoire aborde durement les questions — malheureusement toujours actuelles — de la mainmise d’une élite sur les ressources nourricières et des sociétés qui exploitent les plus démunis, et qu’elle met en scène un prince vaillant parti à la conquête de graines non stériles dont un vieux voyageur lui a parlé pour sauver son peuple de la famine, c’est qu’entre-temps, et ce, quarante ans après la parution originale de l’œuvre, une version anglaise a vu le jour grâce à Alex Dudok de Wit (sur laquelle je me suis précipitée), mais aussi parce que le 8 décembre dernier paraissait enfin la traduction en français, chez Sarbacane.

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Hors jeu
Florence-Agathe Dubé-Moreau (Remue-ménage)

Avec Hors jeu, l’historienne de l’art Florence-Agathe Dubé-Moreau signe un essai où elle interroge les dynamiques d’(in)égalités de genre dans les ligues sportives professionnelles américaines, particulièrement dans la National Football League (NFL) qu’elle a côtoyée pendant presque une décennie alors que son amoureux, le Québécois Laurent Duvernay-Tardif, y jouait sur la ligne offensive. Elle envisage ce milieu comme l’un des « remparts du patriarcat où la discrimination de genre est exhibée, glorifiée ». Elle y analyse les rôles, ainsi que les responsabilités de chacun, parle de cas précis, notamment ceux des clauses abusives auxquelles sont confrontées les cheerleaders, de la difficulté pour les femmes d’accéder à des postes d’arbitres ou d’entraîneuses, des moules dans lesquels s’enferment les conjointes de joueurs. Elle ponctue son texte d’éléments tirés de sa vie personnelle, de réflexion de grandes autrices féministes et, avis aux amateurs de sport, de moments grandioses qui ont eu lieu sur le terrain. J’ai adoré le propos, le ton, le regard extérieur et brillant porté sur cette industrie.

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La complicité des fjords

Victor Bégin (Somme toute)

Victor Bégin propose avec La complicité des fjords une œuvre loin de tout cynisme, qui se vêt de doux, de tendre et de vibrant : le type d’œuvre parfaite pour ceux qui ont besoin d’un moment de tranquillité mentale. Il nous entraîne dans les beautés de l’Islande aux côtés de Jude, protagoniste candide qui parcourt des paysages, autant intérieurs qu’extérieurs, d’une grande beauté. Les rencontres sont nombreuses et belles entre un spectacle donné dans un champ de lave et un village de pêcheurs où les mères se tiennent debout devant l’indicible. Mais tout le sel de l’œuvre réside dans cette façon que Jude a d’absorber le tout, de grandir au contact des eaux et des autres, d’avancer dans cette brèche islandaise qui lui enseigne qu’il peut, lui aussi, se choisir. Tout est lumineux dans ce roman, autant ce soleil qui jamais ne se couche complètement que ce qui arrive au personnage.

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Les choix d’Ariane Lehoux

Coordonnatrice générale, Les libraires

Femme de Vitruve
Sara Lazzaroni (Leméac)

Tel l’Homme de Vitruve de Leonardo da Vinci, les héroïnes de ce roman visent une symétrie et des proportions parfaites, physiquement et psychiquement. Leurs ambitions les chamboulent, au point de se sentir près d’exploser ou de chercher à disparaître pour toujours. Simone et Nora sont influenceuses dans une agence spécialisée, à un extrême encore insoupçonné du métier. Leur quotidien est marqué par la promotion de marques en tous lieux, les portant à s’interroger sur les diktats de beauté, la dépendance à la technologie, l’amour, l’amitié et la famille. D’en explorer de nouvelles formes est leur souhait.

 

 

Demain, et demain, et demain
Gabrielle Zevin (Fleuve)

Ce dixième roman de Gabrielle Zevin a fait sensation aux États-Unis lors de sa parution en 2022. En 2021, Paramount Pictures a acquis les droits de Tomorrow, and Tomorrow, and Tomorrow (Penguin Canada) pour deux millions de dollars et il est entendu que l’autrice écrive le script de cette production. Il faut lire cette histoire avant de la voir à l’écran! Elle a un je-ne-sais-quoi de magique, en ce qu’elle peut toucher au cœur toute personne qui la lira, que celle-ci soit férue ou non de lecture. À juste dose, tant de thèmes en construisent la trame : l’amour, l’amitié, le drame, le handicap, la passion, l’entrepreneuriat, la famille, le deuil, le succès, la résilience… Avec Sadie Green, Sam Masur et Marx Watanabe, découvrez un univers de développement de jeux vidéo truffés de références aux années 1990. Pensez ici notamment aux jeux Donkey Kong et Pac-Man!

Yogi stripper
Marie-Claude Renaud (La Mèche)

Ce premier roman de Marie-Claude Renaud paru dans la collection « Flammèches » chez La Mèche met les pleins feux sur la réalité vécue d’une danseuse dans différentes régions, du Nouveau-Brunswick à Montréal. L’autrice partage le quotidien de son premier métier dans la plus grande transparence, en plus de se mettre à découvert comme femme dans toute sa vulnérabilité, révélant ambitions et problématiques de son enfance à aujourd’hui. Amours de soi et de l’autre, drogues, excès divers, yoga, etc. Un récit qui permet de dénoncer des préjugés en remettant en perspective ce qui peut être plus communément admis comme une réussite professionnelle et sociale; comme quoi la liberté et l’accomplissement de soi ne peuvent se définir que dans la subjectivité de tout un chacun. Pareil pour notre sentiment de bien-être, la société n’en définit ni les règles ni les paramètres.

Je parlerai des amélanchiers de Saint-Maxime-du-Mont-Louis
Mathieu Hachebé (La maison en feu)

La maison en feu ouvre ses portes à des auteurs et des autrices qui gagnent à ce qu’on les découvre tous et toutes, vite! Cette maison d’édition publie pour une seconde fois Mathieu Hachebé, dont il faut aussi absolument lire Un peu de lumière pour schlumbergera truncata. C’est encore en partie sur la pente raide du quotidien que Hachebé nous entraîne avec son nouveau roman se déroulant dans un village gaspésien dont l’intrigue se traverse de la floraison à la dormance, aussi symboliquement que réellement. Au rythme des textos et courriels formels ou plutôt passifs-agressifs reçus de la propriétaire de la maison louée par le protagoniste, on vient à doucement rire des perpétuels quiproquos sur cette maison croulant sous les objets de Diane Gendron. Sous un angle plus paisible, il y a la vie en communauté, la pépinière, le verger, l’amitié avec Solange, les changements de saisons, les arbres, leurs fruits, leurs fleurs, etc.

Je pense que j’en aurai pas
Catherine Gauthier (XYZ)

Il y a de ces auteures-illustratrices auxquelles l’on s’attache dès le premier dessin aperçu. Avec son Petit carnet de solitude (Station T) et Je pense que j’en aurai pas (XYZ), Catherine Gauthier ne peut certainement laisser personne insensible à son coup de crayon. Avec des portraits au regard si parlant, des images du quotidien fortes et des textes toujours positivement lourds de sens même dans leur douce brièveté. Son plus récent roman graphique est une autofiction poignante sur l’absence de maternité, qu’elle soit le résultat d’un choix, d’une impossibilité, d’un questionnement, voire plus. Avec empathie, on feuillette les pages de cette œuvre nuancée qui porte à réfléchir sur une question parmi tant d’autres sur le thème de la féminité : peut-on être femme sans avoir d’enfants? Voici une autre lecture suggérée sur ce sujet qui ouvre sur un lieu de l’intime : Faire la romance de Sarah-Maude Beauchesne (Cardinal).


Les choix d’Alexandra Mignault

Adjointe à la rédaction de la revue Les libraires

Ce que je sais de toi
Éric Chacour (Alto)

Ce premier roman d’Éric Chacour nous chavire et reste longtemps imprégné en nous. Dans les années 1980, un jeune médecin, qui a jusque-là suivi le destin qu’on avait tracé pour lui, fuit Le Caire lorsque son monde s’écroule, parce qu’il est tombé amoureux de la mauvaise personne, entraînant la haine autour de lui ainsi que le rejet de sa famille conservatrice. Il n’aura d’autre choix que de s’exiler à Montréal. Un narrateur raconte son histoire, raconte ce qu’il sait de lui, et cette structure – dont on ne vous en dévoile pas davantage afin de ne pas gâcher votre plaisir – est fignolée avec brio. Cette œuvre sur l’absence, les rendez-vous manqués, les non-dits et les secrets de famille appelle les sens. C’est un grand roman écrit avec sensibilité, justesse, pudeur et finesse.

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Ça aurait pu être un film
Martine Delvaux (Héliotrope)

Martine Delvaux devait plancher sur un scénario de film sur la relation amoureuse entre Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle. Mais c’est plutôt à une troisième personne qu’elle s’intéresse, à une jeune peintre américaine, Hollis Jeffcoat, qui s’est retrouvée au milieu du célèbre couple, qu’on associe d’ailleurs à leur séparation. Laissant tomber le scénario, Delvaux plonge dans l’histoire de cette femme. « Je ne te connais pas. Je ne t’ai jamais rencontrée. Ta vie est un mystère. Pourtant, je me sens chargée de la raconter. » Comme si elle avait éprouvé un coup de foudre pour cette artiste méconnue, reléguée au second plan, voire oubliée, l’écrivaine enquête sur elle, fouille son histoire, s’éprend de son personnage. Les fragments de cette quête personnelle – passionnante et vibrante – esquissent un portrait impressionniste de cette femme, comme un tableau qui nous hypnotise.

La version qui n’intéresse personne
Emmanuelle Pierrot (Le Quartanier)

Après avoir quitté Montréal, Sacha et son meilleur ami Tom ont élu domicile à Dawson City, au Yukon. Là, ils se créent un clan, vivent ici et là, consomment beaucoup, se plaisent à errer en marge. Sacha croyait que cette façon de vivre librement lui permettait d’être elle-même, sans compromis. Mais un jour, elle n’aura plus sa place au sein de la bande, ce qui la laissera isolée et plus seule que jamais. Cette histoire cruelle nous serre le cœur, mais l’écriture nous happe et nous empêche de nous défiler avant le dernier mot. Ce premier roman au souffle singulier s’avère une lecture bouleversante, puissante.

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Galumpf
Marie Hélène Poitras (Alto)

Onze nouvelles et une réflexion sur l’acte d’écrire (et de monter à cheval) forment ce recueil, dont le titre Galumpf fait référence aux derniers mots du Livre des mots de Richard Scarry. Dans ces textes où il est question de vivre-ensemble, des liens qui nous unissent aux animaux, d’empathie et de création, une fillette laissée à elle-même tente d’apprivoiser un chien trop gros pour elle; une cavalière renoue avec sa passion après des années d’absence; un animateur de radio prend sa retraite et une écrivaine retourne sur les traces de son enfance. Nous retrouvons avec bonheur l’élégance et la finesse de la plume de Marie Hélène Poitras, cette écriture qui nous envoûte et qui nous plonge dans des univers riches, empreints d’humanité.

 

Rose à l’île
Michel Rabagliati (La Pastèque)

Quel beau livre! Michel Rabagliati nous éblouit avec Rose à l’île, le petit dernier de la série Paul, même s’il n’en porte pas le nom, dont chaque page est une véritable œuvre d’art. Cette fois sous la forme d’un roman graphique, on explore notamment la relation père-fille tandis que Paul et sa fille Rose passent des vacances – juste tous les deux pour la première fois – sur l’île Verte. Alors que la vie insulaire appelle un autre rythme, un nouveau chapitre s’amorce pour Paul. Même si on effleure la solitude, la fatigue professionnelle et les deuils, il y a beaucoup d’humour, d’esprit et de perles du quotidien dans ce livre touchant. Les illustrations sont majestueuses, à l’image de la beauté de l’île.

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