1. Scrapbook, Nadine Bismuth (Boréal)
« La neige continuait de tomber comme du sucre en poudre. Samuel a augmenté le volume de la télévision à l’aide de la télécommande. “Bud”, “Wei”, “Ser”, ont coassé trois grenouilles animées dans un étang. — Je regarde le Super Bowl juste pour les pubs, m’a-t-il dit sans quitter l’écran des yeux. Elles sont géniales. Il s’est rongé les ongles d’un air absorbé et il m’a dit qu’il en coûtait aux annonceurs deux millions de dollars pour trente secondes de temps d’antenne. ‘‘Bud’’, ‘‘Wei’’, ‘‘Ser’’, ont encore meuglé les bêtes, puis le spot s’est terminé sur le gros plan d’une bouteille de bière. »
2. Les aveux, Martine Latulippe (Québec Amérique)
« En fait, tous les trois allaient voir le Super Bowl à la Cage aux Sports, et Maxime m’a proposé de me joindre à eux. Ses parents ont très hâte de me rencontrer, paraît-il. Je ne connais rien au football, mais j’ai aussitôt accepté l’invitation. C’est un signe, non? Il me semble qu’on ne fait pas ça avec tous ses amis, une présentation ‘‘officielle’’ aux parents… Maxime vient m’accueillir à la porte quand j’arrive au restaurant. Il me guide vers la table où son père et sa mère nous attendent. Je découvre tout un monde! Je ne savais pas que le Super Bowl était célébré à ce point. L’ambiance est à la fête : la salle est bondée, plusieurs portent des chandails d’équipes de football, ça crie, ça rit, ça se chahute d’une table à l’autre. Au fond, l’idée est pas mal du tout pour une première rencontre […] »
3. Confessions sportives, Martin Leclerc (Hurtubise)
« Je me dis : ‘‘Je ne suis pas capable de faire face à ça! Je vais faire dans mes culottes. Je ne peux pas croire que je m’en vais jouer au Super Bowl!’’ Pendant trente secondes, je n’ai plus de repères. Je me demande si je serai à la hauteur. Je me demande si nous serons à la hauteur. Je ne sais plus. Puis, peu à peu, la raison et les vieux réflexes reprennent le dessus. ‘‘Voyons, calme-toi. Tu le sais, ce match-là ne sera pas différent des autres.’’ Nous finissons par quitter le tunnel et le match commence. Et à ma grande surprise, le Super Bowl est encore moins stressant que n’importe quel match de saison régulière. Nous sommes les Seahawks de Seattle et nous affrontons les Steelers de Pittsburgh dans un stade de Detroit. »
4. Il était une fois dans la friend zone, Martine Labonté-Chartrand (Les Éditeurs réunis)
« J’ai bien lu quelque part que l’épicerie était un endroit de prédilection pour faire une rencontre, mais de là à tenter ma chance ainsi… Impossible que ça fonctionne aussi facilement. Si c’était le cas, tous les gars célibataires le feraient. En plus, qu’est-ce que je vais faire de toute cette bouffe surgelée que j’aurai achetée? Elle s’empilera dans mon congélateur jusqu’au prochain Super Bowl. J’hésite un moment. Mon instinct me dicte que c’est complètement stupide et je suis porté à l’écouter. »
5. Pompières et pyromanes, Martine Delvaux (Héliotrope)
« C’est dimanche de Super Bowl, la soirée est finie, tout le monde est au lit. Deux parents, deux enfants, un chien. Le feu commence doucement autour du bouton d’une mijoteuse installée sur le comptoir de cuisine, directement sous la fenêtre. Il prend de l’assurance et court le long du fil électrique jusqu’à la prise de courant, attrape les rideaux, avance le long du plafond, prend la pièce au grand complet puis toute la maison. Tout le monde dehors, il y a un feu! »
6. De quels médias le Québec a-t-il besoin?, René-Daniel Dubois, Marie-France Bazzo, Nathalie Collard (Leméac)
« Autrefois, au Canada, quand on regardait le Super Bowl à la télé, on n’avait pas accès aux super publicités américaines, dont tout le monde est apparemment tellement friand. Qu’est-ce qui arrivait? Tout le monde partait en courant pour la Cage aux sports, qui possédait une soucoupe et captait directement le signal américain. Comme ça, on pouvait donc, ô joie, se taper les foutues pubs de Pepsi et de Budweiser. Or, le CRTC vient de changer ses règles : vous pouvez désormais les voir du Canada, les pubs en question. Réaction des détenteurs canadiens des droits de diffusion des matchs de la NFL : ‘‘Le party est fini. Parce que si nous, nous diffusons le Super Bowl avec des annonces d’Au bon marché et de Dormez-vous, pas un chat ne va nous écouter.’’ Autrement dit, pour les diffuseurs canadiens du Super Bowl, ce qui donnait de la valeur à leur marché, c’était…? »
7. Quand le corps n’en fait qu’à sa tête, Louise Thibault (L’Homme)
« Par un beau dimanche de Super Bowl, Wansink avait convié une cinquantaine d’étudiants à regarder le match sur l’écran géant d’un bar local. La promesse d’ailes de poulet et de boissons gazeuses gratuites tout au long de la soirée a assuré une participation monstre. Aucun sujet ne s’est désisté! Les étudiants ayant pris place à différentes tables pouvaient commander des boissons gazeuses aux serveuses, mais ils devaient se lever pour aller chercher les ailes de poulet à un buffet. »
8. Sauf quand je suis un aréna, Frédérique Marseille (Ta Mère)
« Je jette les os des ailes de poulet 911 que j’ai fait cuire pour le Super Bowl que je ne regarde pas. Je mange le Super Bowl, je regarde mon tarot. Des milliers de Verseau écoutent Ramblin Mike et se reconnaissent dans mon histoire. Des millions de gens mangent des ailes de poulet. Vingt-deux mille, pour être exacte, qui écoutent Ramblin Mike. Quatre-vingt-dix-huit millions écoutent le Super Bowl. Tous les Verseau de la terre vont être surpris par février, un twin flame et le changement. Tous les gens normaux vont être surpris par les annonces de Budweiser, le show de la mi-temps et le touchdown d’un tel. Je suis heureuse de faire partie de la grande famille des Verseau. Les Verseau et moi on se comprend, on passe nos soirées ensemble devant Ramblin Mike. »
9. Dis-moi qui doit vivre…, Marc-André Chabot (Libre Expression)
« La dernière fois que François Trudel avait pleuré, c’est quand les Seahawks avaient échappé le Super Bowl XLIX dans les dernières secondes du match, alors que c’était dans la poche pour eux, mais que Pete Carroll, le coach de Seattle, avait décidé qu’il s’immortalisait comme l’imbécile le plus monumental de tous les temps en commandant le jeu le plus débile de l’histoire du sport professionnel. Avant cet après-midi du mois de mai où il avait épousé Elizabeth, il y avait eu des fiançailles tout aussi mémorables. »
10. Cette petite lueur, Lori Lansens (Alto)
« Il avait laissé grande ouverte la porte à deux battants de leur chambre et, cachée derrière celle de la mienne, au bout du couloir, je l’ai vu prendre ses effets personnels sur la table de chevet : sa montre, son téléphone, deux ou trois flacons de pilules, de la petite monnaie et quelques billets de banque fripés, des gouttes pour les yeux et du baume pour les lèvres. Il a presque tout fourré dans ses poches. Sauf la photo de famille qu’il gardait de son côté du lit – un cliché stupide, pris par le père de Zara lors d’une fête de Super Bowl, sur lequel mes parents, hilares, feignent de m’écraser entre eux. Sherm disait que c’était le plus génial portrait de famille de tous les temps. Il l’a laissé sur la table. »
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