1. Les rafales du carême, Zachary Richard (Libre Expression)
« Dans ce pays de danseurs, où le rigodon coule comme une rivière souterraine toujours prête à monter à la surface, le bal de maison fait partie des mœurs. On décide d’avoir un bal et, si on ne joue pas de la musique, on engage des musiciens dont le pays est farci. On envoie ses garçons parcourir les chemins. Ils arrêtent devant chaque habitation et, à l’aide d’un coup de pistolet et d’un drapeau blanc, annoncent qu’un bal aura lieu le lendemain, là où finalement on attachera le drapeau. L’arrivée de la voie ferrée n’a fait qu’amplifier l’amour de la danse en favorisant l’introduction de l’accordéon diatonique, petite bombe à dix boutons, quasiment indestructible et parfaitement adapté à ce pays rude aux gens rustres. »
2. La recette de l’amour, Léa Stréliski (Québec Amérique)
« Apprendre à danser le rigodon, non seulement devant les autres, mais en plus à deux, et pire que tout, avec le sexe opposé?! C’est quoi, c’est Ovila Pronovost qui vous monte à la tête, Madame. Faut dire qu’on était en pleine fièvre de la série Les Filles de Caleb qui passait pour la première fois chaque semaine. J’étais hypnotisée comme toutes les filles de ma classe par Roy Dupuis, nous en parlions le lendemain de chaque épisode dans l’autobus scolaire en gloussant comme si un beau prof masculin entrait en classe. ‘‘Quand elle nous a alignés contre le tableau pour préparer le rigodon, je me rappelle qu’on se tortillait comme des vieux journaux qui flambent, attendant le supplice de se faire choisir par une fille comme si on nous avait placés là pour nous fusiller.’’ »
3. La bête creuse, Christophe Bernard (Le Quartanier)
« Sicotte avait décollé dans un rigodon au bras de la Coraline. Joséphine pencha la tête pour aspirer une gorgée prudente de sa bière trop pleine et ses tresses reluirent dans la musique. Elle leva du même geste les yeux sur Monti qui, dans sa bulle, essayait de se rappeler comment vouvoyer. Skelling lui tapa du coude dans les côtes tandis que la ratoureuse à Flavienne lui embarquait dans la vareuse. — Délure-toé, cette affaire! Fais pas poireauter de même la fille au médecin. Monti allait lui dire de quoi, n’importe quoi. Il allait lui dire qu’une fois, au crépuscule, il avait fendu une chauve-souris au vol avec sa hache en coupant du bois chez Langis. Mais il se prit trop tard. Quand il se vira enfin vers Joséphine pour lui conter fleurette, l’autre plaisantin à Bradley était apparu. »
4. Victoire!, Michel Tremblay (Leméac/Actes Sud)
« Un démon s’est emparé du corps de mon frère aussitôt que l’archet a touché les cordes du violon. Un rigodon d’une vitesse folle est monté dans le salon, un tourbillon de notes délirantes qui s’éparpillaient dans l’air et vous frappaient au cœur, un air sans queue ni tête mais irrésistible, une musique qui vous happait, qui vous donnait le goût de vous lancer au milieu de la pièce et de vous perdre, de vous noyer, dans son rythme effréné, une tempête, un cyclone, un orage inattendu qui vient sauver les récoltes parce qu’il n’a pas plu depuis longtemps et qui vous apporte le bonheur tant promis mais jamais livré, une musique heureuse! Une musique heureuse qu’engendrait mon frère pourtant si facilement taciturne! »
5. Tous les oiseaux sont ici, Cynthia Girard (Le Noroît)
« Au loin, les tronçonneuses hululent rapaces diurnes et mécaniques, elles dansent un rigodon sylvestre, une révolution contre-ligneuse on coupe les têtes des résineux, rois centenaires des forêts laurentiennes et boréales habitats millénaires, là-bas la sitelle à poitrine rousse le grand pic royal et la chouette lapone. Je crains la scie dentelée, la hache aiguisée, la chemise de chasse et les bottes de travail, je crains cet animal se nourrissant de lard et de farine, un collet pour prendre le lièvre la perdrix se lève courroucée alors que la scierie coupe les planches et que le bûcheron fournit les billots qui rapetissent au loin. »
6. Les aventures de Juliette : Juliette à Québec – Juliette en Suisse, Rose-Line Brasset (Hurtubise)
« — On dirait des cheerleaders, remarque Gina. Elle a tout à fait raison et c’est vrai que ça a l’air drôlement amusant, mais moi, je préférerais monter à bord d’un char allégorique. Ils sont tellement impressionnants. Près d’une demi-douzaine d’entre eux sont déjà passés devant nous et il en arrive d’autres. Mon préféré jusqu’à présent est un char mettant en scène une sorte de cabane à sucre ambulante avec des personnages habillés de vêtements de l’époque des pionniers qui jouent de l’accordéon, du violon, des cuillères et de la guimbarde, tandis que d’autres dansent le rigodon. Tu ne sais pas ce que c’est? Demande à ta mère ou à ta grand-mère! C’est une joyeuse danse typique de l’époque de nos ancêtres. Très cool! »
7. Prisonnier à Bordeaux, Dominique Nantel Bergeron (Septentrion)
« Enfin, après huit heures le soir, rien au monde ne peut ouvrir les portes, autre qu’un minuscule passe-partout, un seul en possession du veilleur de nuit. C’est pourquoi deux braves gardiens, chaque soir, en manche de chemise, bretelles sur la hanche, jouent aux cartes, dansent parfois le rigodon, se relatent les aventures amoureuses, les pieds sur les calorifères, et surveillent les 198 détenus dans chacune des cinq ailes. Un chameau passerait mieux dans le trou d’une aiguille que dans une porte à Bordeaux. »
8. La trinité des crinquées, Anne-Marie Desbiens (Saint-Jean)
« La jeune femme en profita pour prendre dans sa poche son élément, une boîte de plastique rectangulaire mince et plate. — C’est à toi, Elsa. Montre-nous ça. Elsa ouvrit la main. La petite boîte reposait dans sa paume chaude. Elle l’ouvrit et en sortit une clé. — Tadam! La clé de l’appartement de mes rêves. Reine et Viviane tirèrent Elsa de sa chaise et l’entraînèrent dans le rigodon de la joie, une interprétation entre swing et gigue dont le Lord of the Dance lui-même, du fond de sa verte Irlande, serait jaloux. — En plus, à deux pas de mes chums. Catastrophée, Elsa se tourna vers Reine : — Tu vas déménager où? Tu vas pas aller loin, han? Reine eut un rire ému. Même son fils ne lui avait jamais témoigné autant d’attachement familial. »
9. Jours de Tourmente : Montréal au temps de la variole, Marie-Claude Boily (VLB éditeur)
« – Il n’y a pas de musique ici? Allez, vous autres, j’ai besoin de bouger, moi. Après qu’Alphonse eut sorti son violon, qu’il avait accordé durant l’avant-midi, le coup d’envoi de la veillée fut donné. Dès les premières notes de rigodon, Léandre se leva et attira Mathilde vers le centre de la cuisine, maintenant dégagé. Pour la forme, elle résista un peu, mais ses pieds furent vite entraînés dans une gigue effrénée. Ils furent rapidement rejoints par Léontine et Cléophas qui, à ce chapitre, pouvaient en remontrer à bien des jeunes. Autour d’eux, on tapait du pied en mesure avec la musique. Mathilde fut vite essoufflée et son cavalier dut l’aider à regagner un siège avant de prendre Amélia par la main et de l’entraîner à son tour vers le centre. »
10. Le roman de Julie Papineau (t. 1) : La tourmente, Micheline Lachance (Québec Amérique)
« ‘‘Je comprends qu’il est difficile de résister aux hommes, enchaîna Joseph en s’esclaffant. Surtout chez nous où il y en a tant et des plus séduisants. Regarde comme Augustin est élégant, en robe de chambre. Au lieu de passer ta vie à bourrer le crâne des sauvages de la Petite-Nation, tu aurais dû courir les hommes à marier à Montréal. Des fois que… Maintenant, il est trop tard. À ton âge, tu peux toujours danser le rigodon en semelles de bas, le sort en est jeté.’’ Nouveau rire homérique. Victoire, elle, ne bronchait pas. »
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