Tandis que la terre sèche dans des pots mal rincés, que les pelouses jaunissent, que les nuits fraîchissent, que la noirceur s’insinue de moins en moins tard et que les premières tulipes de l’été finissent d’égrener le chapelet de leurs graines au fond des bacs à compost, la littérature, elle, fait peau neuve et refleurit comme à chaque automne. Nouveaux titres, nouveaux auteurs, nouvelles autrices, nouvelles tendances, la rentrée littéraire bat son plein et régénère enfin les vitrines estivales agonisantes des librairies. Romans, nouvelles, récits, poésie, théâtre et curiosités québécoises bourgeonnent joyeusement et n’attendent plus que de se faire cueillir. Place au printemps des étals!

À surveiller

D’enfers et d’enfants
Larry Tremblay (La Peuplade)
Les cinq histoires de ce recueil de nouvelles plongent dans les dédales de la détresse et du tourment, révélant au passage d’abrasives réalités, là où l’enfance et l’enfer semblent se lier inextricablement. Oserez-vous affronter ces fictions glaçantes, troublantes, effarantes? Sous la plume acérée de Larry Tremblay, grandir n’est pas un jeu d’enfant, mais une épreuve redoutable.

 

 

Lourdes
Catherine Lemieux (Boréal)
Lourdes, universitaire américaine, se trouve en Europe, lors d’un Symposium du Laboratoire du Néo-Moi Féminisant, où Razuvaeva, poète russe, est scrutée. Satire audacieuse et délirante des études littéraires, le deuxième roman de Catherine Lemieux manie délicieusement l’art de l’ironie malicieuse et du sarcasme astringent tout en portant un propos pertinent et ravageur sur la culture de notre époque.

 

 

La blague du siècle
Jean-Christophe Réhel (Del Busso Éditeur)
Louis partage son quotidien à Pointe-aux-Trembles avec un frère schizophrène et un père en phase terminale de cancer. Il rêve de devenir humoriste, mais travaille au Tim Hortons. Une histoire de solitude, de précarité, d’amour fraternel et de deuil. Dans l’ombre des épreuves, voici un roman touchant, sensible, parfois drôle, mais toujours porteur d’une profonde mélancolie.

 

 

Ça aurait pu être un film
Martine Delvaux (Héliotrope)
Dans la foulée d’un projet de film qui n’aura finalement jamais vu le jour, Martine Delvaux se plonge dans les vies de Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle. Au cœur de leur marivaudage se cache toutefois une jeune peintre américaine méconnue : Hollis Jeffcoat. Fascinée, l’autrice découvre les fragments d’une histoire captivante et vibre au rythme des mystères entourant cette femme.

 

Un lac le matin
Louis Hamelin (Boréal)
Comme il l’avait fait avec Jean-Jacques Audubon dans Les crépuscules de la Yellowstone, Louis Hamelin célèbre, triture et démystifie une nouvelle fois un personnage historique réel au fil d’une biographie romanesque, cette fois-ci nul autre que ce cher Henry David Thoreau, écologiste notoire, penseur de l’exil, précurseur du nature writing et philosophe du retrait. En librairie le 2 octobre

 

 

Chaque blessure est une promesse
Simon Brousseau (Héliotrope)
Dans ce récit introspectif et intime, l’auteur de Synapses se voit contraint de braver le deuil lorsque son père est diagnostiqué d’une maladie dont on ne guérit pas. Guidée par les souvenirs, les illuminations de la paternité et les livres, l’humilité de ce face-à-face avec la mort finit par déboucher sur une douloureuse clairière où l’amour s’enracine dans l’inéluctable finalité de toute vie.

 

Dissident
Jean-Pierre Gorkynian (Mémoire d’encrier)
En 2033, à Montréal, Adel, un informaticien idéaliste, se retrouve accusé de terrorisme par une intelligence artificielle. Son histoire détaille les tenants et aboutissants d’une société dystopique, corrompue par le capitalisme et dominée par la surveillance numérique. Entre révolte et paradoxes, il devra affronter les démons de son époque et les angoisses d’une génération prise au piège de l’intelligence artificielle. Un roman saisissant qui questionne notre avenir.

 

Autoportrait d’une autre
Élise Turcotte (Alto)
Partie à la recherche de sa tante décédée, l’autrice offre un récit singulier, entre roman et enquête, où elle explore l’art, la folie, l’exil et la mort. Fin réseau de correspondances poétiques, le livre dessine une généalogie de la tristesse et de la création, accuse l’impact de nos ancêtres sur notre imaginaire et révèle brillamment le potentiel fictionnel de la réalité.

 

 

Peau-de-sang
Audrée Wilhelmy (Leméac)
Dans un village mystérieux, la plumerie attise le désir de tous. Libre de corps et d’âme, une diablesse ensauvagée y enflamme les esprits et surtout les corps, bravant les tabous du monde de Kangoq. Ode à la véhémence des pulsions, entre conte et roman, Peau-de-sang encense le mystère et ritualise le profane tout en célébrant la jouissive incandescence des appétits qui brûlent au creux du ventre des mammifères.

 

 

Je parlerai des amélanchiers de Saint-Maxime-du-Mont-Louis
Mathieu Hachebé (La maison en feu)
Explorant l’espoir d’un monde meilleur, repensé par des modes de vie alternatifs, une communauté en quête de liberté défie les normes sociales dans un village gaspésien. Vivant au gré des saisons et faisant corps avec la nature, libéré des conventions, le groupe d’amis aspire à un idéal de vie grégaire et cherche l’harmonie, mais des tensions finiront néanmoins par émerger malgré leur bonne volonté.

 

 

Des romans
Ce seront fort probablement ceux qui vous seront d’abord présentés, en entrant à la librairie. Sur de belles grandes tables dont la blondeur patinée du bois est aussi engageante que réconfortante, trônant en petites ou grandes piles, exposés en devanture ou sobrement rangés aux murs, vous pouvez déjà ou pourrez bientôt caresser de la main leurs échines et, ce faisant, tâter le pouls de notre littérature.

Jaz (L’Interligne), de l’Ottavienne Michèle Vinet, narre la remise à flot tumultueuse d’un veuf épris d’art et de peinture. De grandes personnes (Boréal) de Mathieu Rolland et Élias et Justine (Druide) de Samuel Larochelle nous plongent dans des questionnements intimes sur l’amour, la parentalité et les choix déterminants. Dans un univers sombre et haletant, Les charognards visent toujours les yeux en premier (Fides), d’Antoine Symoens, explore la quête de vengeance et la survie face à un monde dépourvu de morale. En contraste, Sa belle mort (Hamac), de Sarah Desrosiers, dépeint avec délicatesse les liens familiaux, le deuil et la perte. L’introspection se poursuit avec Camouflé dans la chair (Héliotrope) de Mathieu Leroux et Robbie reste (Leméac) de Guillaume Bourque, où quête d’identité et extrémisme se rejoignent au sein d’univers contrastants. Tandis qu’Ahimsa (Leméac), de Ying Chen, élève le récit vers une dimension spirituelle, interrogeant la mémoire, le deuil et l’environnement, Mont Mirador (Leméac), de Myriam Beaudoin, explore la beauté et l’absurdité d’une fin de vie qui s’éternise, éclairant sous un jour nouveau des liens familiaux complexes. L’héritier (Poètes de brousse), de Michael Gouveia, nous plonge dans les questionnements identitaires des immigrants de deuxième génération, tandis que, dans la même veine, Havre Saint-Pierre (VLB éditeur), d’Abla Farhoud, offre un hommage émouvant à la famille et à l’héritage québécois. Enfin, Les oiseaux du désert (XYZ) d’Edouard Deschênes nous transporte dans un désert hostile, donnant voix aux migrants et à celles et ceux qui luttent pour la survie et le sens dans un monde contemporain impitoyable.

Des nouvelles
La nouvelle se distingue du roman par sa brièveté caractéristique, quoique de grandes nouvelles soient parfois plus longues que de petits romans. Concentré de fiction finement calibrée, ce petit joyau générique offre classiquement un récit complet en peu de mots, isolant un moment clé, une énigme existentielle, un nœud particulièrement gordien ou un point d’orgue valant à lui seul ce que les images sont aux mots. Les auteurs contemporains manient habilement cette forme littéraire, multipliant les horizons et s’alliant à l’audace pour étonner, émouvoir et frapper l’esprit des lecteurs. Au firmament des astres littéraires, la nouvelle brille, offrant une expérience littéraire concise, mais d’une puissance saisissante.

Bonne nuit, Lucette! (Pleine lune) de Monique Le Maner décline les nuances de la vieillesse. Ce recueil doux-amer exprime habilement l’ironie parfois tragique du temps qui passe. Dans un registre tout à fait décalé, Contes bougons (Hashtag) de Stéphane Ilinski, nous plonge dans des histoires burlesques où la fantaisie se mêle à des réflexions sur la société. De même, Hors de soi (Tête première), un collectif publié sous la direction de Mattia Scarpulla comprenant des textes de Chantal Garand, Ayavi Lake, Sara Lazzaroni, Éric LeBlanc, Karine Légeron, Éric Mathieu et Félix Villeneuve, nous entraîne dans des voyages réels ou intérieurs où les personnages cherchent à se déraciner pour trouver ou retrouver leur identité.

En somme, au-delà de leurs singularités, du sombre au déjanté au touchant en passant par le tendre et l’ironique, que ce soit par l’exploration subtile du caractère contradictoire des sentiments humains, l’évocation sensible du temps et des expériences vécues, l’exubérance et le décalage ou encore la quête identitaire, ces recueils de nouvelles devraient tous valoir le détour.

Des récits
Non loin des romans, voire le plus souvent parmi eux, vous croiserez des livres étranges, dont le propos ou l’angle brouillent agréablement l’étiquetage générique, hydres d’hybridité foncièrement littéraires. Les récits contemporains se jouent habilement de la norme, multiplient les perspectives, s’allient, osent, étonnent, émeuvent et témoignent du sel des plaies de leurs protagonistes.

Une détresse contrôlée (Hamac), de Marilyse Hamelin, nous entraîne dans l’épopée étrange d’une famille québécoise à travers les souvenirs saisissants d’une femme en milieu de vie. L’histoire explore l’ascension sociale des grands-parents, la révolte des enfants baby-boomers ainsi que les affres des violences intergénérationnelles qui marquent cette famille instable, dépeignant ainsi la complexité des relations familiales et la résurgence des histoires passées sur le présent. Dans un tout autre registre, Piisim Napeu (Hannenorak), de Georges Pisimopeo, nous offre un livre constitué d’une suite de récits racontant l’histoire d’un enfant qui, devenu homme, fait un pacte avec son crayon jaune. Ces récits sont imprégnés de savoirs, de désolations, de pertes et de douleurs, mais aussi de la beauté de la nature et de la nécessité de retrouver sa langue et de vivre pleinement. L’auteur nous entraîne dans un voyage intime où se mêlent des souvenirs chargés d’émotions et de spiritualité.

Attendez de m’enterrer pour chanter (Le Noroît), de Mimi Haddam, nous invite à explorer les vécus liés à la mort et au deuil. Au fil d’une correspondance posthume, une femme interroge les fragments de son identité multiple et les violences accumulées au fil des générations. Le livre témoigne de l’indicible, de la douleur et des silences entourant ces expériences, offrant également quelques filons d’espoir pour transcender ces épreuves. Un choix d’amour (Triptyque), de Valérie Forgues, nous emmène quant à lui dans un récit mémoriel minutieusement construit autour de la non-maternité et de l’interruption de grossesse. L’autrice fouille parmi les mots d’autres femmes de même que dans ses propres souvenirs pour examiner avec finesse les émotions complexes liées à ces délicates questions. Le livre aborde la douleur, la culpabilité, mais aussi la soif de liberté qui s’exprime dans le choix de ne pas être mère, articulant une réflexion sincère et profonde sur la maternité et ses nuances. Sous la direction d’Alice Rivard, l’exploration se poursuit, cette fois à travers douze voix puissantes et courageuses qui nous immergent dans les mêmes eaux : dans Mortel-les (Triptyque), recueil où on retrouve des textes de Katy Boyer-Gaboriault, Simon Brown, Mélodie Bujold-Henri, Valérie Forgues, Roxanne Guérin, Madioula Kébé-Kamara, Maude Lafleur, Ayavi Lake, Anya Nousri, Noémie Pomerleau-Cloutier, Alice Rivard et Karianne Trudeau Beaunoyer, les récits brisent les tabous et lèvent les silences entourant ces expériences universelles et émotionnellement intenses, nous invitant à une réflexion sur la vie, la mort, le sens et la résilience.

Finalement, Tu vis à Paris, je pense (Varia), de Sarah Rocheville, nous offre le récit assumé d’une enfant dont la mère est partie sans laisser d’adresse. Par le truchement d’une recherche imaginaire sur la vie de sa mère à Paris, la jeune fille tente d’assembler les pièces d’un puzzle dépareillé. L’ouvrage explore les liens familiaux brisés, l’identité et les sentiments de perte et d’abandon dans une perspective profondément émouvante sur la force de la reconstruction et de la mémoire.

Des relations familiales à la mort, de la maternité à l’identité en passant par les questionnements sur la vie et les histoires de fantômes, ces récits offrent une diversité de vues et de réalités qui nous invitent à une exploration intime et tangible de la condition humaine, tout en nourrissant notre intellect de réflexions sur les enjeux qui traversent nos existences.

De la poésie
Entre les romans étrangers, la littérature de genre, la littérature jeunesse, la croissance personnelle et autres dictionnaires, tarots et guides, vous découvrirez, regroupés ensemble, de curieux petits livres, de toutes tailles et de toutes couleurs, dont les titres vous paraîtront évocateurs. Vous aurez le droit de les feuilleter, d’en humer les inhérences, d’y déceler un potentiel, un baume, une promesse. Vous vous trouverez alors devant la poésie et vous ne pourrez désormais nier que celle-ci vous sera dorénavant nécessaire pour vivre mieux.

Dans Nous sommes oiseaux, de Joël Pourbaix (Du passage), la ville de Montréal devient le théâtre d’une exploration poétique où la nature enchevêtre ses racines et darde de sa beauté sensible ce que l’urbanisation n’a pas su complètement gommer. Une nature qui ne murmure pas toujours si doucement, se dévoilant plutôt crûment dans les vers de Chose sensible suprasensible (Les Herbes rouges), de Mélanie Landreville, où les douleurs enfouies d’une femme blessée rejaillissent dans la foulée de la mort de son frère. Et puis demain, ne pardonne plus (Hamac), d’Olivier Labonté, décortique avec une sensibilité qui n’élude pas l’horreur des thématiques dérangeantes telles que les abus sexuels, l’alcoolisme et le suicide, sans apitoiement et tout en cultivant une lucidité chargée d’introspection, rejoignant en ceci Miroirs de l’ombre (Hashtag), de Jean-Paul Daoust, où la mort occupe une place prépondérante tout au long des réminiscences particulièrement glauques du poète de 77 ans.

La rentrée littéraire poétique n’est toutefois pas que noirceur, l’amour y faisant aussi bonne que fascinante figure. L’amour comme autant de fractures (Hamac), de Nathalie Nadeau, se déploie en s’attardant aux relations amoureuses de sept couples célèbres, composant une mosaïque où joies et difficultés s’entremêlent, à l’instar du quotidien des amours de tout un chacun. De même, Prophétie en voix off (Le lézard amoureux), de Dominic Marcil, s’aventure dans les affres de la genèse amoureuse et du désir naissant, célébrant la passion qui enivre et la tendresse qui apaise.

Nana Quinn, poète et artiste visuel.le, explore les thèmes de la disparition et de l’amour dans Le reste grandit (Le Noroît). Iel y cicatrise les blessures du deuil amoureux au cœur d’une solitude où se déploie une rencontre intime avec soi-même, dont la fébrilité s’apparente à celle d’un fruit mûr sur le point d’exploser.

Je parle de vos silences (Le Noroît) retrace l’héritage des vies passées et la préparation à la paternité de l’auteur, Simon Painchaud. Dans une écriture teintée d’accents archéologiques, le poète aborde avec profondeur l’intimité amoureuse et l’immanence de la filiation.

De l’intime à l’universel, la poésie québécoise ouvre aussi des portes sur des mondes insoupçonnés. Dans YUL-Saturne (La maison en feu), de Dolce Saint-Arnold, une jeune femme voyage dans un cosmos intérieur, se servant des mots à la manière d’un arsenal conçu pour combattre la mélancolie. Tandis que Kau Minuat · Une fois de plus (Mémoire d’encrier), de Joséphine Bacon, se déploie dans une relation mère-enfant d’envergure hautement spirituelle, où les traces laissées par la disparition de ceux que nous aimons se gravent dans une poésie dont l’édition bilingue innu-français magnifie le magnétisme, des thèmes plus profanes s’épanouissent dans Folklorismes (Perce-Neige), de Louis-Martin Savard, dont la mise en valeur des traditions orales du Québec et de l’Acadie questionne et ravive les sucs de la fibre identitaire.

Par-delà une tendance marquée pour l’introspection et la subjectivité, la poésie néanmoins se lie sans peine à ces espaces de vécu plus ou moins communs partagés par tout un chacun, ne serait-ce que conceptuellement. Puberté (Le Quartanier), d’Annie Lafleur, ressasse en sépia les aléas de l’amitié entre deux jeunes filles et détresse la chevelure de l’enfance tout en s’émerveillant du gaufré des cahots de l’adolescence.

Chienmoon suivi de Gloussinistre (L’Hexagone), de Rémi Och, offre un regard sombre et inventif sur le monde, où s’entremêlent les ombres de Gauvreau et d’Edgar Allan Poe. Consacrant une soûlerie pérenne aux volutes oniriques, le narrateur, sous le joug d’une brume capiteuse, se voit pourchassé par le mystérieux chienmoon, créature avide aussi féroce que consolante. Écrit sous pseudonyme, ce premier recueil se rapproche des narrations poétiques déconcertantes de Daniel Leblanc-Poirier.

Enfin, Tricératopcanon (Ta Mère), de Baron Marc-André Lévesque, vient en quelque sorte conclure une trilogie poétique amorcée à L’Écrou avec Chasse aux licornes et Toutou tango. Usant des symboles de la culture populaire pour malicieusement colorier hors des lignes tout en érigeant un univers singulier où fusionnent maturité et naïveté sous des angles inattendus, ce triptyque se clôt ainsi avec l’évocation aussi médusante que ludique d’une foule de dinosaures.

Du côté franco-canadien, trois recueils rivalisent d’intensité. Exhumez-moi Je vous appartiens (L’Interligne), d’Alexandre Yergeau, aborde l’abattement du poète à la suite du suicide de son père en 2011. Sur le même thème, Des ados sur les sentiers du deuil (Éditions David), par Huguette Ducharme, se concentre sur l’accompagnement d’adolescents en deuil par le biais du haïku. J’aurais dû m’envoler (Perce-Neige) de Fernande Chouinard se penche quant à lui sur un couple marqué par des blessures intérieures.

Du pain pour les planches
Le théâtre, tant à lire qu’à voir sur scène, permet de vivre des expériences uniques, de ressentir les passions et les tourments des personnages et d’enrichir sa perception du monde. Pièces créées ou à créer, jubilations déclamatoires, élans centrifuges : des aventures intellectuelles et émotionnelles vous attendent, que vous choisissiez de les lire dans le calme de votre imaginaire ou de les voir prendre vie sous les projecteurs.

Wajdi Mouawad se fait, dans Racine carrée du verbe être (Leméac), l’ingénieur d’une mathématique théâtrale où les vies possibles de Talyani Waqar Malik se déclinent en un kaléidoscope tourbillonnant, tout comme Marie-Pier Audet dans Pleurer la tête sous l’eau (Planète rebelle), où la souffrance intime se transforme en quête d’identité profonde.

Dans une ambiance de combat artistique et intellectuel, Une conjuration (Somme toute), d’Alexis Martin, évoque une guerre poétique contre un monde oppressant, la révolte contre l’ordre établi s’insinuant au cœur de la rencontre entre deux grands esprits, Georges Bataille et André Masson, lesquels s’allient pour accoucher d’un manifeste devant signifier leur opposition à la manufacture de vies étuvées que constitue le monde. Dans une optique plus mémorielle, le livre Théâtre en direct (Somme toute / Le Devoir), de Michel Bélair, offre un survol captivant de cinquante ans de théâtre au Québec, montrant comment cet art a joué un rôle majeur dans notre affirmation collective.

Enfin, Sarah Berthiaume propose Wollstonecraft (Ta Mère), où elle taraude les abysses de la création et de la procréation par le truchement d’une comédie gothique, féministe et dystopique librement inspirée de la vie de Mary Shelley, mais campée au cœur d’un monde où les poèmes s’écrivent à l’aide d’algorithmes et où les fœtus se conservent au congélateur.

Des sagas
Indéniablement tenancières de la faveur populaire, les nombreuses séries à caractère historique occuperont certainement une bonne place en librairie. Plusieurs d’entre elles poursuivent ainsi leur élan, côtoyées par de nouvelles venues qui s’ajouteront à l’impressionnante offre gonflant les rangs de ce créneau littéraire très apprécié des lectrices d’un certain âge et des lecteurs d’un âge certain.

Dans le plus récent opus de Richard Gougeon, Les amants du moulin fleuri (Les Éditeurs réunis), campé au début des années 1830, le village de Saint-Césaire est frappé par le choléra, laissant des cicatrices indélébiles sur les vies d’Antoine et Angélique, eux-mêmes pris dans une toile d’amour et de tragédie. En octobre 1966, le personnage principal de Marguerite (Fides), de Mélanie Calvé, échappe à un accident meurtrier, bousculant ses projets d’avenir, tandis que dans le très attendu deuxième tome de la nouvelle série de Louise Tremblay D’Essiambre, À la croisée des chemins (Saint-Jean), une famille bilingue sera confrontée à des conflits inattendus. Au cœur du deuxième et dernier volet d’Adeline (Saint-Jean), de France Lussier, une jeune femme en quête de rédemption fuit son passé traumatisant pour une nouvelle vie à Montréal, pendant que le second volume de Lignes brisées (Saint-Jean), de Michelle Rompré, expose la généalogie de François Leduc, revenu de la guerre avec un fils illégitime, et de son arrière-petite-fille, Emilie, plongeant dans l’histoire de ses ancêtres et de leurs enfants, les répercussions des frasques de ceux-ci alimentant celles de ceux-là.

Par ailleurs, la deuxième partie d’Entre le lys et le lion (Hurtubise), d’Erik Leduc, nous transporte en 1689, où, frustré d’une vengeance inassouvie, Akian accepte de conduire Jeanne-Geneviève chez ses frères dans une Nouvelle-France ravagée par la guerre avant de prendre le chemin d’Albany pour délivrer Alouki.

Maryse Rouy publie le troisième volume de La maison d’Hortense (Hurtubise), où on verra Justine et Germaine, désormais respectivement mariées à Étienne et à Antoine, découvrir les charmes discrets de la vie conjugale des années 1930, tandis que Célina emménage dans la maison éponyme de la série.

Dans Le portrait (Libre Expression), de Suzanne Aubry, Clémence Deschamps, ancienne institutrice devenue gouvernante chez le docteur Levasseur, découvre des secrets troublants en lien avec la mort de la femme de celui-ci. Parallèlement, le trente et unième livre de Denis Monette, Ignacio et ses femmes (Logiques), nous plonge dans l’univers sombre d’Ignacio Caras, manipulateur sans scrupules qui exploite des femmes plus âgées, laissant un sillage de destruction derrière lui.

Marivaudage
Côté badineries, le coin détente vous proposera moult délassements, équivalents littéraires de ces comédies romantiques que nous regardons tous peu ou prou, avec toutefois cette petite touche supplémentaire d’originalité qui les différencie du convenu de nos voisins américains.

Dans Chicanes de coachs (Les Éditeurs réunis), de Martine Labonté-Chartrand, une enseignante passionnée de sport se retrouve confrontée à des rivalités et des obstacles lors de sa première journée d’école. Sa détermination à mettre en place un club de vélo malgré les difficultés reflète sa quête de réalisation personnelle, tout comme le personnage d’Éveline dans La responsable des berlingots de lait (Saint-Jean), de Catherine Cloutier-Charette, où une femme au foyer en apparence comblée ressent un malaise grandissant et se questionne sur ses choix de vie, exprimant un désir d’émancipation et de liberté. Dans La prise de l’alligator (JCL), de Julie Audet, Karolane, trompée par son copain, décide de reprendre le contrôle de sa vie en cessant de se morfondre, suivant les conseils de sa coloc Helena et de mystérieux signes lui parvenant via les réseaux sociaux. A contrario, Les lits empruntés (Québec Amérique), de Lily Pinsonneault, suit le cheminement intérieur de l’autrice lors de sa rupture avec un amoureux, une période de changement qui a fini par mener à une exploration franche et sincère des émotions vécues.

Enfin, dans L’éveil des érables (Hurtubise), la très appréciée Marie-Christine Chartier reprend le fil de l’histoire de Jake et Émilie, les personnages principaux du roman Le sommeil des loutres se retrouvant après quatre ans d’absence. Leur relation interrompue, teintée de regrets et d’interrogations, trouvera dans ce nouveau chapitre de leur vie un tout nouvel élan.

Des curiosités
Finalement, épars parmi les rayons, difficilement classables, souvent mégenrés, catégoriquement uniques, vous dénicherez au hasard des ouvrages dont la dénomination ou l’appellation de prime abord vous échappera. Ce seront des livres surprenants, inattendus, jovialement composites, délibérément iconoclastes. Vous aurez entre les mains des objets que vous ne pourrez qu’évoquer confusément, ne décrire qu’incomplètement, n’apprécier qu’en vous y plongeant un peu. Il en ira de votre curiosité comme de votre déroute, elles vous seront salutaires et chanceuses.

Errances (Du passage), issu de l’heureuse juxtaposition des textes de Joséphine Bacon, Élise Turcotte, Laure Morali, David Goudreault, Rodney Saint-Éloi, Catherine Mavrikakis, Alex Noël, Perrine Leblanc, Jean Barbe, Mauricio Segura et Marie-Andrée Gill et du travail graphique de Suzanne Cloutier, se propose d’explorer, au carrefour de la littérature, du design et des arts visuels, la thématique de l’errance sous toutes ses formes, du vagabondage à l’aveuglement, de la misère à l’opulence et de l’évidence des inégalités grimpantes au scandale de leur perpétuation.

Les ombres familières (Héliotrope), de Vincent Brault, rassemble le fruit de plus de trois cents témoignages liés à l’univers mystérieux des fantômes, dont quatre-vingt-dix nous sont présentés ici.

Dans une autre dimension émotionnelle, Épines et pierres précieuses (Leméac), écrit à six mains par Valérie Lebrun, Alice Michaud-Lapointe et Chloé Savoie-Bernard, célèbre l’amitié indéfectible liant le passé et le présent au fil d’une mosaïque généalogique relationnelle hétéroclite, enthousiaste et franche.

Tandis que Sonya Malaborza remonte aux origines pour mieux saisir son identité avec Prendre racine (Prise de parole), au cœur de l’appartenance et de la préservation de l’environnement, le patrimoine littéraire québécois se révèle avec éclat dans Autour du poêle à bois (Québec Amérique), où Matante Poêle (Catherine St-Laurent) revisite le croustillant de l’Histoire avec un grand H. Larmes d’Ukraine (Station T) délivre un cri du cœur pour un peuple meurtri, établissant un lien puissant entre les émotions face à la guerre et la quête universelle de paix dans un recueil écrit et illustré par Vava Sibb.

Le pouvoir de la littérature se déploie dans Canons : Onze déclarations d’amour littéraire (VLB éditeur), où, sous la direction de Virginie Blanchette-Doucet, Akos Verboczy, Pattie O’Green, Marie-Célie Agnant et plusieurs autres témoignent de l’impact de textes québécois marquants sur leur propre écriture.

Enfin, Les arcanes (XYZ), lui aussi écrit à six mains, transcende le temps et les générations séparant Tristan Malavoy, Paul-André Fortier et Étienne Pilon en élaborant une réflexion poétique sur la mémoire et la transmission reliant les énigmes de la vie, de l’amour et de la mort.

Et maintenant?
En poussant la porte de votre chambre, au retour de la librairie, il vous semblera que le spectre des possibilités était immense, que l’éventail se dépliait à l’infini, qu’il se trouvait en ce lieu quelque chose s’apparentant au rythme d’un cœur qui bat.

Vous aurez raison.

Il s’agit de celui du monde, et vous en faites encore partie.

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