À la manière des short stories, les nouvelles qu’on retrouve dans les collectifs sont des œuvres qui permettent de dévoiler l’univers d’une diversité d’auteurs et d’autrices. Que ce soit en poésie, en prose, en essai, en théâtre, tous les genres littéraires peuvent être servis sous la formule du collectif. Par ailleurs, il s’agit également d’une façon pour les auteurs et autrices d’aborder des sujets qui diffèrent parfois de leur œuvre, mais aussi qui leur permet d’aller toucher un nouveau lectorat.

Selon Marie-Eve Leclerc-Dion et Geneviève Janelle, les directrices du collectif Comme la fois où, les collectifs sont publiés pour transmettre une morale, capturer un moment et montrer l’aspect de fraternité qui règne entre les différents auteurs et autrices. On peut également dire que ce type de publication offre un résultat commun : mis ensemble, les propos des écrivains et écrivaines permettent d’aborder une même question sous des angles multiples et variés, poussant le lecteur à s’interroger encore plus. En guise d’exemple, voici cinq œuvres collectives qui méritent votre attention.

Folles frues fortes
Collectif sous la direction de Marie Demers (Tête première)
Cet amalgame de nouvelles féministes aborde plusieurs aspects de l’oppression vécue par les femmes. Il propose de voir le positif et de trouver l’inspiration dans les principales critiques que reçoivent les femmes. En usant de l’autofiction, du récit, de l’essai ou de la poésie, ces autrices, toutes des têtes fortes, partagent leur point de vue sur l’importance de reconnaître le manque de diversité dans la société. C’est avec un texte percutant que chacune donne son avis sur des sujets qui ont longuement été dictés et influencés par des hommes, tels que « la folie hystérique », « les femmes frustrées », « les féministes radicales », la culture du viol et l’inégalité des sexes. À la fois frustrant et rassembleur, le recueil encourage les femmes à s’assumer pleinement et avec toute leur authenticité. Dans la nouvelle « J’essaye fort » de Marjolaine Beauchamp ou même dans « La prophétie paternelle » de Maude Lafleur, on nous présente l’insulte qui devient moteur de création, génératrice d’idées et d’innovation.

Wapke
Collectif sous la direction de Michel Jean (Stanké)
Avec le Mois national de l’histoire autochtone qui se déroule en juin, Wapke est un recueil de nouvelles dystopiques parfait pour découvrir la littérature autochtone dans toute sa diversité. Les différents textes nous plongent dans des mondes futuristes extrêmes. Dans l’un, il est question de puces électroniques pour éliminer tout signe de présence autochtone; dans l’autre, la violence policière et gouvernementale est à un niveau rarement atteint. Oui, ce recueil ose chambouler nos prédispositions à voir l’histoire autochtone comme un long fleuve tranquille. Mais derrière ces métaphores futuristes se cachent des textes soutenus par un désir de changement pour le futur proche. Si ces métaphores sont parfois d’une grande intensité et peuvent d’autres fois donner froid dans le dos, elles enseignent de belles leçons de vie. Dans la nouvelle « 2091 » d’Elisapie Isaac, la chanteuse écrit sur les reconnexions avec la terre et la méfiance envers le gouvernement : « Mais gardez à l’esprit que ce territoire ne nous appartient pas. C’est nous qui appartenons au territoire. Laissez-vous accueillir par cette immensité et séduire par toutes les surprises qu’elle a pour vous. » Les quatorze auteurs de ce recueil ont de 32 à 76 ans, proviennent de différentes nations et livrent tous leur rapport aux blessures du passé et leurs réflexions quant à l’évolution de celles-ci. Ayant dû se battre au fil des décennies pour leur territoire, les membres des Premières Nations prennent maintenant la plume pour offrir une lueur d’espoir qui leur permet d’imaginer un avenir meilleur pour les générations futures.

Cruelles
Collectif sous la direction de Krystel Bertrand et Fanie Demeule (Tête première)
Ce collectif de nouvelles s’inspire de la fameuse méthode de George W. Bush et de son dicton « Ne jamais s’excuser, ne jamais s’expliquer ». Passant de la colère à la fougue, ce recueil tente de défaire les stéréotypes selon lesquels les femmes sont forcément naïves, inoffensives et sincères. Pour Fanie Demeule, codirectrice du projet, « [r]éhabiliter la cruauté des femmes à travers les récits, c’est témoigner de leur humanité. C’est leur redonner leurs sentiments, leurs vécus, leurs identités. Parce que les femmes sont elles aussi parfois amorales, dangereuses, enragées, non fiables, imprévisibles et menaçantes. Elles aussi savent écraser les chenilles au printemps ». Toutes les nouvelles racontent à leur manière des histoires où les personnages prennent de mauvaises décisions. Par exemple, la nouvelle « Dawessou » d’Anya Nousri nous dévoile la vie d’une femme à la voix révoltée et qui essaie de libérer ses semblables du sentiment de peur qui les empêche de parler : « Ce trou que tu veux contrôler, je vais sans cesse le déconstruire. »

Face à face
Collectif sous la direction de Sonia Sarfati (Druide)
Face à face collige des nouvelles de vos écrivains préférés mettant en scène leurs personnages les plus populaires. Dans une forme d’écriture autoréférentielle, les écrivains se retrouvent dans un univers où ils doivent coexister avec leur personnage, fruit de leur imagination. Dans la nouvelle « Révisionnisme » de Patrick Senécal, on plonge dans la suite de 5150, rue des Ormes, où le personnage de Yannick Bérubé tourmente l’auteur, car celui-ci est la raison pour laquelle il est enfermé dans un hôpital psychiatrique. À travers plusieurs histoires autant rassurantes que mouvementées, les auteurs — qui se mettent eux-mêmes en scène — devront découvrir comment réagir à cette cohabitation qui sort de l’ordinaire. Il s’agit d’un vrai combat contre eux-mêmes et leur psyché, car le personnage est une partie de leur subconscient. Ce collectif est également le parfait prétexte pour voyager dans différents univers créatifs d’auteurs et d’autrices reconnus, avant de plonger dans leurs autres publications.

Stalkeuses : 16 nouvelles indiscrètes
Collectif sous la direction de Fanie Demeule et Joyce Baker (Québec Amérique)
Voilà un recueil de nouvelles où les protagonistes réussissent à nous rendre aussi mal à l’aise que quelqu’un qui nous fixerait intensément sans raison. Les signataires de ces nouvelles s’inspirent d’une infraction dont plusieurs femmes sont victimes : le voyeurisme. Ainsi, ils utilisent le thème de la perversion du regard, mais transforment l’idée, voire la pousse à l’extrême. Ce sont des nouvelles où l’amour joue sur la fine ligne qui le sépare de l’obsession, à la limite du comportement erratique. Dans la nouvelle « Diane ne dort presque plus » de Catherine Côté et « Le jet » de Fanie Demeule, le lecteur sera épaté par le cran dont font preuve les personnages principaux qui osent zieuter leur voisin. Par le fait même, les textes de ce recueil parviennent à montrer à quel point il est facile de devenir soi-même un stalker. Le sujet est abordé selon différents angles : les victimes de jadis deviennent stalkeuses le temps d’un texte et réussissent à décrire les moments avec beaucoup d’exactitude, car elles comprennent les deux côtés de la médaille : « J’avais hâte de t’entendre raconter mon histoire. Tu as énormément de talent. Je continuerai à te suivre… sous d’autres visages. »

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