À 20 ans, Flora entrevoit l’avenir avec optimisme, embrassant la vie avec avidité, suivant ses passions. Mais une rupture lui brise le cœur, ce qui la pousse à délaisser ses rêves. Puis, à 30 ans, elle ne se reconnaît plus; elle n’est pas heureuse. Que veut-elle vraiment? Elle part pour un séjour à New York pour tenter de se retrouver. Et là, grâce à une rencontre, elle pourra renouer avec ses véritables désirs. Dans Flora en éclats, un premier roman émouvant et sensible, Stéphanie Parent dépeint les couleurs et les possibles de l’existence.

La théorie des azulejos, en mosaïque ou en fresque, symbolisant nos choix de vie selon qu’ils sont prévisibles ou ambitieux, traverse l’histoire de Flora. D’où vous est venue cette idée? Comment les azulejos ont-ils nourri l’écriture de votre roman?
C’est en Andalousie, dans le sud de l’Espagne, que j’ai été séduite par la beauté et la délicatesse des azulejos, ces carreaux de céramique disposés en mosaïques aux motifs réguliers ou en de grandioses fresques. J’ai fait ce voyage à la fin de ma vingtaine, une étape charnière où les grandes décisions de carrière, de couple et de famille commencent à se cristalliser. J’avais si bien tout planifié! Une partie de moi en a eu le vertige, craignant de m’être condamnée à une vie tracée d’avance, emmurée dans mes certitudes.

Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard, au moment d’aborder la quête de soi de Flora, que les azulejos me sont apparus comme un symbole original – et un brin romanesque! – pour illustrer le perpétuel dilemme du personnage. Face à ses choix de vie, Flora se questionne : devrait-elle suivre ses désirs ou bien respecter ses obligations et les objectifs qu’elle s’est fixés? Entre la mosaïque et la fresque, elle oscille. Comment savoir laquelle lui convient? L’une la rassure, mais l’étouffe; l’autre la fait rêver, mais n’est pas dépourvue de risques.

Flora est un personnage attachant, imparfait, parfois perdu, qui nous touche dans sa recherche de ce qu’elle désire vraiment. En quoi la quête de Flora pour s’accomplir et devenir celle qu’elle souhaite vous a-t-elle inspirée?
Je voulais développer un personnage féminin en quête de la proverbiale « meilleure version de soi » sur une période où les priorités et les envies évoluent, de la vingtaine jusqu’à l’approche de la quarantaine.

Jeune adulte, Flora aborde sa quête d’authenticité avec fougue. Elle rêve d’art et d’amour fou. Une déception amoureuse suffit pourtant pour qu’elle se replie derrière des choix de vie qui ne lui ressemblent pas. Elle est blessée, quelque peu naïve, et croit pouvoir se préserver ainsi de toute nouvelle déception. Au tournant de la trentaine, toutefois, elle souffre de ses choix.

Explorer comment on peut s’extirper d’une existence qui ne nous convient plus est alors devenu le point focal de l’histoire de Flora. Dans son cas, une rencontre déterminante lui rappellera l’étoffe dont elle est faite. Vocation professionnelle, fidélité, loyauté familiale, maternité : les combats que se livrent sa tête et son cœur se complexifient tandis que Flora vieillit, car ses décisions ont des répercussions sur les amoureux qui partageront sa vie et sur ses proches. Flora les aime intensément – quoiqu’imparfaitement –, mais elle demeure dévouée à ses rêves : vivre d’art et fonder une famille. Alors, forcément, dans ses moments de doute et d’égarement, elle commet des erreurs. Envers elle-même, envers les gens qu’elle aime. Ce qui m’a amenée à aborder la question la suivante : est-il inévitable, dans notre désir de s’accomplir, de décevoir nos proches et les attentes qu’ils nourrissent à notre égard?

Au fond, Flora n’est pas si différente de nous : elle fonce et s’effondre, elle hésite et s’affirme. Ce qui la distingue, c’est le courage avec lequel elle embrasse sa vulnérabilité et ses ambiguïtés.

«Il n’y aura pas de note à la fin de ta vie. Tu as le droit de tout remettre en question, de tout risquer, de commettre des erreurs. Et de recommencer s’il le faut», lit-on dans Flora en éclats. Après s’être égarée pendant un moment et s’être enfin retrouvée, Flora aura l’impression d’amorcer une deuxième vie. Diriez-vous qu’il n’est jamais trop tard pour se réinventer et changer de trajectoire?
J’ose le croire. Changer de trajectoire peut se faire à pas de tortue ou à pas de géant. À chacun son rythme, ses contraintes, sa réalité. Il y a tant que nous ne contrôlons pas; pour le reste, donnons-nous le droit de nous choisir, de renoncer à certaines choses, de changer l’ordre établi. Montrons-nous indulgents envers nous-mêmes. Prescrivons-nous de la douceur, le droit à l’erreur. Relevons nos manches et la tête, car c’est un dur travail que celui de se réinventer. Mais je demeure persuadée que nos petites révolutions en valent la peine.

L’art semble vous inspirer, tout comme c’est le cas pour Flora. Quel rapport entretenez-vous avec l’art?
L’art me touche particulièrement par la poésie avec laquelle il reflète à la fois l’intime et l’universel. Je peux m’y retrouver dans un minuscule détail, ou m’y perdre totalement. Je ne perçois pas l’art de façon intellectuelle. Je l’explore et le ressens, je veux qu’il me bouscule, me charme, m’émeuve. J’y puise une sensibilité qui nourrit ma créativité, un terreau auquel j’ai envie de donner plusieurs formes, des états d’âme que je peux forger et semer dans des personnages.

Le rapport de Flora avec l’art n’est pas étranger au mien. C’est son refuge. Elle vit d’ailleurs des moments de grâce devant les Nymphéas de Monet, un tableau qui, pour elle, est devenu un appel à l’introspection. Pour ma part, mon parcours professionnel dans le domaine des affaires est bien éloigné du monde de l’art. Un jour, j’ai éprouvé le besoin viscéral de renouer avec mes passions de jeunesse, la peinture et la littérature. Je manquais de couleurs, de mots. De les absorber, de les laisser se déposer en moi. J’ai recommencé à peindre pour le plaisir. Plus tard, à écrire. J’ignore encore pourquoi j’ai cessé de le faire. Il m’aura fallu plus de vingt ans pour m’y remettre!

Photo : © Marc-Antoine Charlebois

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