La veille du dévoilement de la programmation du festival Québec en toutes lettres, le gouvernement ordonne la fermeture des salles de spectacle, des bibliothèques et des musées. C’est l’urgence : en 24 heures, l’équipe du festival doit modifier ses outils de communication et annoncer une programmation presque entièrement virtuelle. Parmi les activités proposées, la rencontre entre l’animatrice Julie Collin et l’auteur Antoine Charbonneau-Demers permet de découvrir les dessous de la publication de son dernier roman, Daddy.

Dès le début de l’entretien, l’ambiance qui s’installe entre les deux est sympathique, intime. On reconnaît derrière Antoine Charbonneau-Demers La femme à la cravate noire, de Modigliani. On se sent chez lui, avec lui, pour recevoir ses confidences. Car il est dans cet entretien comme il est dans son écriture : authentique.

Dès les premiers jours du confinement, il a ressenti une pression, celle d’écrire, de publier avant tout le monde. C’est comme ça, dans un esprit de compétition, que le livre Daddy « est arrivé ». Avec franchise et lucidité, Antoine Charbonneau-Demers dit l’avoir écrit pour les mauvaises raisons. Quoi qu’il en soit, le roman propose des réflexions très pertinentes sur la solitude, la sexualité et l’amour.

« Pour moi, ce livre-là, c’était enfin le moment où il n’y avait plus de barrière entre la fiction et le réel. » Dans Daddy, Antoine Charbonneau-Demers raconte sa propre histoire : la pression de performance qu’il a ressentie et l’impossibilité de voir son amant, Daddy. Au fil de son échange avec Julie Collin, il confie avoir eu du mal à séparer le livre de lui-même, car il avait fait un pacte avec le réel. « Il fallait que dans ma vie, il y ait la même chose que dans le livre. »

Antoine Charbonneau-Demers n’a pas peur d’écrire la vérité, d’aborder de front sa propre sexualité, sa relation avec Daddy et la pitié qu’il peut éprouver envers lui. Ce n’est pas un hasard si Daddy sonne aussi juste. « La sexualité, c’est ce qui fait que j’ai envie de parler. C’est ce qui fait que j’ai l’impression que ma voix est importante, parce que c’est pas la sexualité de la majorité, de la norme. »

Avant de paraître en format papier chez VLB éditeur, Daddy a vu le jour en ligne, Antoine Charbonneau-Demers ayant d’abord publié lui-même une version numérique du livre. Pour lui, « ça a été une expérience extraordinaire d’ailleurs de faire ça [parce qu’il avait] le contrôle sur tout », des choix éditoriaux au design de la couverture.

Pour apprendre quelques secrets sur le processus d’édition hors du commun qui a mené à la publication de Daddy, il est possible d’écouter la totalité de l’entretien sur la page Facebook et la chaîne YouTube de Québec en toutes lettres.

Écrire pour guérir
Tout récemment, Antoine Charbonneau-Demers a aussi participé à la table ronde « L’impact du mouvement queer dans la littérature québécoise », dans le cadre du Salon du livre de Montréal, avec Mariève Maréchale, Nicholas Dawson, et Nicholas Giguère à l’animation. Au cours de la discussion, il explique ressentir le besoin de raconter sa souffrance, car « l’écriture, c’est la guérison ». Mais il existe un décalage entre son expérience et celle du public, qui peut parfois rire à la lecture de son œuvre.

Pour celui qui a plutôt « l’impression de nager dans la douleur », cet humour est une frustration. « J’étale ma souffrance […] et pis après les gens vont rire ». L’humour, « ce n’est vraiment pas quelque chose que je contrôle […] je ne joue pas avec ça. […] J’ai jamais l’impression d’en faire, de l’humour. »

L’animateur Nicholas Giguère souligne la franchise de l’auteur dans son écriture. C’est peut-être cette désarmante sincérité que l’on confond avec de l’humour dans Daddy.

Lorsqu’on lui demande de parler du projet sur lequel il travaille, Antoine Charbonneau-Demers affirme écrire « un livre où tout est vrai. » Daddy, qui contient son lot de métaréférences, allait déjà assez loin dans cette direction. Il sera intéressant de voir jusqu’où l’auteur poussera l’écriture du réel.


Vous pouvez visionner la rencontre qui a inspiré ce texte à quebecentouteslettres.com

Alex Thibodeau est agente de communication pour la Maison de la littérature de Québec. Elle faisait paraître en septembre Infantia (Le lézard amoureux), un récit poétique qui creuse la dureté d’une amitié durant l’enfance.

Photo : © Same Ravenelle

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