Que des écrivains nous parlent de leur inspiration ou de leur amour de la littérature, que des artistes témoignent de leur art, que des penseurs s’intéressent autant à la science qu’à l’humour, à la nature qu’à la musique, tout cela permet de comprendre le monde dans sa grandeur comme dans son intimité, d’innover et de faire découvrir de nouvelles avenues. En plongeant dans les mécanismes de la création sous toutes ses formes, les essayistes nous aident à mieux saisir qui nous sommes. Et en mettant ainsi en lumière les créateurs et les scientifiques, les éditeurs prouvent qu’il est essentiel de renouveler l’âme et le souffle de la société.

UN CLASSIQUE

Michel Rochon : le scientifique mélomane
Le journaliste scientifique Michel Rochon, qui a notamment travaillé pour les émissions Découverte, Enquête et La semaine verte, excelle en ce qui a trait à la vulgarisation. Depuis 2021, il signe des chroniques dans L’actualité sur le cerveau et les neurosciences. Également pianiste et compositeur, il a mis son esprit scientifique au profit de sa passion pour la musique. Dans Le cerveau et la musique (MultiMondes, BQ), il explore le cerveau musical, partant du Big Bang jusqu’à l’intelligence artificielle en passant par les mathématiques et la linguistique. Cet ouvrage accessible aborde de quelles façons la musique est perçue par nos sens et notre cerveau. Pourquoi telle mélodie nous touche, par exemple? Ce croisement entre l’art et la science lui a valu d’être finaliste au prix Hubert-Reeves en 2019. Dans son plus récent livre, La musique qui défie la science (MultiMondes), il poursuit la réflexion sur le langage qu’est la musique et sonde l’importance qu’elle revêt dans nos vies de même que les effets qu’elle peut avoir sur notre développement, notre santé mentale, voire comment elle pourrait être utile à la médecine. Il est aussi l’auteur de l’essai L’amour, la haine et le cerveau (MultiMondes), qui décortique nos mécanismes cérébraux reliés à l’amour et à la haine.

DES ESSAYISTES D’IMPORTANCE 

Photo : © Melany Bernier

Maya Ombasic : celle pour qui la littérature est le port d’attache
Née à Mostar en Bosnie-Herzégovine, la docteure en lettres et enseignante de philosophie au cégep Maya Ombasic a connu le démantèlement de la Yougoslavie, sujet qu’elle aborde dans son roman autobiographique sur la guerre des Balkans Mostarghia (VLB éditeur) et avec lequel elle renoue également dans son essai Tomber vers le haut (Nota bene). Dans cet ouvrage, elle réfléchit à « la violence des cultures et des religions qui s’enracine toujours dans la peur de la différence, de notre propre étrangeté projetée sur l’autre ». Et elle convie les mots des autres (Platon, Nietzsche, Maalouf, Zweig, etc.) à enrichir cette réflexion. Cet automne, elle fait aussi paraître Femmes philosophes : 21 destins de combattantes (Fides), qui met en lumière l’apport des femmes philosophes au savoir, au monde des idées. Si certaines sont plus connues (Hannah Arendt, Simone de Beauvoir, Simone Weil), d’autres sont méconnues ou ont été oubliées, voire écartées de l’histoire (Luce Irigaray, Julia Kristeva, Iris Murdoch). Cette polyglotte à l’écriture sensible et profonde s’intéresse notamment aux liens entre la culture et la spiritualité. En plus d’avoir exploré plusieurs genres littéraires (romans, nouvelles, essais, chroniques et poésie), elle a également écrit et réalisé des documentaires.

Photo : © Frédéric Caron-Tremblay

Sara Danièle Michaud : le sacré par l’écriture
Enseignante de littérature au cégep de Saint-Laurent, Sara Danièle Michaud explore avec une sensibilité unique un sujet trop peu traité dans nos sociétés séculaires : l’expérience du sacré dans la littérature. Tiré de sa thèse doctorale, son premier essai intitulé Cioran ou les vestiges du sacré dans l’écriture (XYZ) se penchait sur le rapport ambivalent du célèbre philosophe franco-roumain à la tradition spirituelle occidentale. Écrire. Se convertir (Hashtag) poursuit cette réflexion en s’intéressant plus précisément au phénomène de la conversion et à comment celle-ci se vit par l’écriture ou dans celle-ci. Dans Cicatrices : Carnets de conversion (Nota bene), l’autrice aborde sous ce même angle son expérience transformatrice de la maternité. Ces trois ouvrages marquent l’entrée en scène d’une brillante essayiste dont la pensée trace un précieux pont entre tradition et modernité.

Photo : © Caroline Roy

Boucar Diouf : rire pour apprendre
Prônant la diversité, la tolérance et l’inclusion afin de mieux vivre ensemble, cet humoriste, animateur, conteur, océanographe et biologiste amalgame avec justesse l’humour et la science. En plus d’être un collaborateur de La Presse, cet incroyable vulgarisateur est l’auteur de plusieurs livres, autant des essais (La face cachée du grand monde des microbes et Rendez à ces arbres ce qui appartient à ces arbres) que des contes, notamment sur le fleuve Saint-Laurent (Le bruissement des baleines blanches et Jo Groenland et la route du nord). Après Ce que la vie doit à la mort, il revient avec Ce que la vie doit au rire (Éditions La Presse), dans lequel il nous parle des bienfaits du rire sur la santé physique et mentale. L’humour lui a permis de bâtir des ponts entre les cultures, entre l’Afrique — il est originaire du Sénégal — et le Québec et de repousser les préjugés. Il a aussi publié récemment Aventures et sagesses du village de Zamboki (Éditions La Presse). Grâce à son éloquence, son esprit aiguisé et son regard bienveillant, c’est toujours passionnant d’écouter (et de lire) ses réflexions sociales et environnementales.

Photo : © Montréal Portrait

Frédérique Bernier : celle qui éclaire ses zones d’ombre par la littérature
Il y a dans l’œuvre de Frédérique Bernier quelque chose qu’on ne voit pas souvent : l’acceptation des parts d’ombre et la mise à nu de celles-ci. Dans Hantises (Nota bene), un essai aussi épatant qu’intelligent, elle expose son attachement à l’obscurité, un lieu qui, le rappelle-t-elle, est hautement propice aux découvertes littéraires, celles qui, comme autant de lanternes, éclairent le chemin vers soi. Car celle qui a étudié la philosophie puis la littérature embrasse à la fois la dévastation et la plénitude et le fait en convoquant l’intertextualité pour mieux cheminer. Ses passions littéraires, elle les vit comme des passions amoureuses qui chavirent et qui permettent de comprendre ce qui nous traverse et nous dépasse. Ce Hantises, qui explore toutes ces idées, lui a valu en 2020 un Prix du Gouverneur général.

 

EN RAYONS

Têtes de linotte? Innovation et intelligence chez les oiseaux
Louis Lefebvre, Boréal, 232 p., 27,95$
Étudier les oiseaux plutôt que les singes pour démystifier notre intelligence? « Par notre ascendance, nous sommes des singes nus, mais par le côté résilient, envahissant et opportuniste de notre intelligence, nous sommes aussi, et encore plus peut-être, des corbeaux sans plumes », lit-on dans l’introduction de cet ouvrage étonnant. Spécialiste de l’intelligence des oiseaux, professeur et aussi romancier, Louis Lefebvre y retrace son parcours de chercheur scientifique et vulgarise ses découvertes sur les oiseaux, des innovations qui permettent de mieux comprendre notre intelligence, la nature de la science et son rôle dans la société.

Canons : Onze déclarations d’amour littéraire
Collectif sous la direction de Virginie Blanchette-Doucet, VLB éditeur, 156 p., 24,95$
En témoignant d’une œuvre québécoise qui les ont marqués, les écrivains et écrivaines qui signent des textes libres et intimes dans ce collectif rendent hommage à la littérature, à son pouvoir. Parmi eux, Francis Ouellette louange La maison suspendue de Michel Tremblay; Heather O’Neill s’intéresse aux personnages de femmes de Mavis Gallant; Ayavi Lake nous parle de Gérald Godin; Akos Verboczy de Gilles Vigneault et Étienne Beaulieu de Pierre Vadeboncœur. C’est une tout autre façon de penser les « classiques » et de voir comment ces lectures se sont déposées en eux.

La mode sauvera-t-elle Cendrillon? Autour de trois romans et de quelques tableaux
Esther Trépanier, PUM, 136 p., 29,95$
Dans cet essai, la professeure au département d’histoire de l’art de l’UQAM s’intéresse à trois romans québécois qui se déroulent principalement dans les années 1930 à Montréal : Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, Au milieu, la montagne de Roger Viau et Élise Velder de Robert Choquette. Les trois héroïnes de ces romans tentent d’accéder à un rang social plus élevé afin de s’extirper de la misère, et ces ambitions passent par leurs vêtements, leur maquillage et leurs bijoux, des accessoires marquant justement une appartenance sociale, dont elles se servent dans le jeu de la séduction.

Tout ce que j’ai perdu
David Homel (trad. Jean-Marie Jot), Leméac, 104 p., 14,95$
Pourquoi devient-on écrivain? Quels événements dans son parcours ont fait de lui l’écrivain qu’il est? Ce sont à ces questions que tente de répondre l’auteur à travers cet essai, composé de quatre textes dans lesquels il se remémore des souvenirs (une remarque marquante d’un professeur, un passage d’un psaume, la musique gospel) et tente de trouver la source de cette vocation. Par exemple, dans le dernier texte, il relate la perte des poèmes de son père que ce dernier lui a remis avant sa mort. David Homel écrit entre autres pour retrouver ce qu’il a égaré, révèle-t-il. L’écriture, qui est pour lui le travail d’une vie, devient alors « l’art de retrouver ce qu’on a perdu ».

Roger Frappier : Oser le cinéma québécois
Denis Monière, Mains libres, 270 p., 39,95$
Cet essai biographique raconte le parcours d’un producteur de cinéma de renom — il a notamment produit plus de cinquante films — et témoigne également de notre histoire cinématographique, de notre culture, de notre identité. Comme le mentionne Denis Monière dans son introduction, il retrace « la trajectoire de cet infatigable combattant qui a ferraillé ferme pour la liberté des créateurs et pour qu’existe un cinéma national ». Roger Frappier a contribué à ce que le cinéma québécois ait les moyens de ses ambitions, qu’il soit reconnu et qu’il rayonne à l’étranger.

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