CONTENU PARTENAIRE

D’Iberville, Marie Guyart, Radisson, Jeanne-Mance : elles sont légion, les personnalités audacieuses qui ont façonné la Nouvelle-France. Va-t-on maintenant y inclure cet aristocrate que nous fait apprécier l’historien Dave Noël (Montcalm, général américain, Boréal, 2018) dans sa biographie Chartier de Lotbinière : Sur tous les fronts 1723-1798, parue chez Boréal cet automne?

Il a une trajectoire des plus spectaculaires, son Chartier de Lotbinière. Il naît à Québec en 1723, et meurt à New York en 1798. Il est explorateur, astronome, duelliste, témoin de la bataille des plaines d’Abraham. Il participe à la Révolution américaine, fréquente les « antichambres du pouvoir », du palais de Westminster au château de Versailles, et croise les « grands » des deux côtés de l’océan (le général Washington, Benjamin Franklin, la reine Marie-Antoinette). Dave Noël nous offre d’ailleurs une demi-douzaine de cartes inédites illustrant les multiples allées et venues de ce grand voyageur.

Le grouillant personnage a, de plus, été mémorialiste à ses heures, noircissant des milliers de pages d’un journal personnel tenu sur plus d’un demi-siècle. Comment croire alors, comme le souligne Dave Noël, qu’il soit resté si longtemps « dans l’angle mort des historiens », étant à peine évoqué par un Robert-Lionel Séguin, apparaissant furtivement dans un roman historique de Laurent Turcot?

C’est que, au premier abord, ces nombreux carnets — dont seulement une vingtaine furent rescapés — sont demeurés longtemps inédits, dispersés par les aléas de l’histoire dans des centres d’archives canadiens, dans des bibliothèques au Massachusetts ou dans l’État de New York. Dave Noël est parvenu à rassembler ces carnets égarés, à les parcourir, comblant les trous chronologiques (sa bibliographie est des plus solides), nous offrant le portrait d’un être complexe, franchement turbulent, et, surtout, rarement ennuyant. Il nous fait aller à la rencontre d’un homme atypique aux « allégeances successives, tiraillé entre ses intérêts matériels, ses ambitions politiques et sa nostalgie du Canada ».

Rejeton d’une grande famille de notables, cadet aux troupes de la Marine du Canada dès l’âge de 13 ans, ambitieux ingénieur militaire formé en France (il préside, en 1757, à la construction du fort Carillon, une entreprise ne le mettant pas à l’abri des critiques ni des moqueries), Chartier de Lotbinière est condamné, bien malgré lui, à un poste d’observateur lors du siège de Québec, en 1759.

Devenu après la Conquête un « Canadien errant », Chartier, tout en étant obsédé par son désir de voir le Canada redevenir français (une idée fixe qui lui occasionne de bien mauvaises lectures des événements), active, en habile courtisan, son vaste réseau de protection pour récupérer ses biens, notamment son fief new-yorkais, près du lac Champlain, qui le pousse alors à choisir la cause des rebelles américains. Un combat qui va le mener, sur près de cinquante ans, de Versailles à Philadelphie, et finalement à New York, en passant par Londres, et même par un bref séjour dans son Canada natal.

Son caractère « abrasif », son attitude chicanière, son abus de la rhétorique de la complainte lui font toutefois perdre, au fil des années, bien des amis et même le soutien de son fils Michel-Eustache resté fidèle à la Couronne britannique. « Il termine ses jours, seul, au milieu de ses carnets. »

Un antihéros, sans doute, comme le conclut Dave Noël, ce Chartier de Lotbinière, mais un antihéros exceptionnel, ne méritant pas ce long séjour dans les oubliettes de l’histoire.

 

Poussiéreuse, la Nouvelle-France? Pantoute! Elle brille de tous ses éclats dans la Revue d’histoire de la Nouvelle-France. Publiée par les éditions du Septentrion depuis deux ans, cette revue permet de rester à l’affût — par des dossiers thématiques, des entrevues inédites, des chroniques — de tout ce qui se dit, s’écrit, se fait sur cette période pionnière de notre histoire. Elle parvient à nous séduire avec la présentation aérée, imagée, nullement scolaire, bref, rafraîchissante, de ses articles. De quoi combler à la fois chercheurs universitaires et esprits curieux.

Ce texte est offert par la Revue d’histoire de la Nouvelle-France, un périodique culturel présentant cette époque de façon originale et décontractée.

Illustration : © Caroline Lavergne

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