Le crime au féminin pluriel

Avec Criminelles, Ariane Gélinas et Maureen Martineau signent un recueil composé de treize nouvelles noires — six chacune et une écrite à quatre mains — qui mettent en scène des femmes, tant des criminelles que des victimes ou des témoins. Campées à divers endroits du Québec, en région surtout, ces histoires singulières plongent dans les côtés sombres des êtres et esquissent un portrait toponymique du crime au féminin sous une panoplie de facettes. De plus, les différentes phases lunaires ont également inspiré les écrivaines, associant chaque nouvelle à une lune. Et, comme on dénombre certaines années une « lune perdue », soit une treizième s’ajoutant au calendrier, elles ont également ajouté une treizième nouvelle à leur recueil.

C’est d’ailleurs sur ces trois axes que s’articule le recueil, contribuant à sa cohérence : le décor planté dans des milieux ruraux ou des territoires peu habités; les femmes au cœur des intrigues et les textes présentés selon le calendrier sélène.

1. POUR LA DIVERSITÉ DES HISTOIRES

Les treize nouvelles nous transportent dans des univers complètement différents. C’était d’ailleurs ce que souhaitaient les auteures. Elles voulaient que les délits soient divers (vengeance, vol, voie de fait, etc.), que ce ne soit pas uniquement des meurtres représentés. C’est ainsi qu’aux côtés d’une séance photo dans un champ qui devient le théâtre de scènes meurtrières, on retrouve également l’histoire d’une femme saoule, mais toujours si sage normalement, qui commet un délit de fuite. D’autres exemples : une sergente fait une étonnante découverte qui pourrait résoudre des cold cases. Ou une femme se venge sadiquement de son ancien patron.

Les personnages témoignent d’une pluralité de comportements et sont confrontés à plusieurs dilemmes moraux. Les frontières entre le bien et le mal, comme c’est souvent le cas dans des œuvres noires, sont floues, empreintes de zones grises qui rendent justement les questionnements intéressants. Avec des dénouements souvent inattendus, ces nouvelles originales nous entraînent là où on ne s’y attend pas.

2. POUR PARCOURIR LE QUÉBEC AUTREMENT
Baie-des-Sables, Saint-Jean-sur-Richelieu, Lac-Édouard, Stoke, Sainte-Marie-de-Blandford et Matagami : voici des exemples de lieux qui servent de décor aux histoires imaginées par Ariane Gélinas et Maureen Martineau. On s’éloigne de Montréal ou de Québec pour parcourir les régions et les villages du Québec. « Nous sommes toutes deux des écrivaines friandes de lieux ainsi que de ferventes voyageuses. La quasi-totalité de nos romans et nouvelles préalablement publiés se déroule dans des endroits spécifiques, le plus souvent dans des régions du Québec. Nous avons volontairement, avec ce recueil, élaboré une toponymie du crime, quadrillé une multitude de régions de la province, au gré de notre inspiration (et bien sûr visité chacune des communautés dépeintes). Dans l’ensemble des récits, les lieux jouent un rôle clef, à la manière d’un personnage », a révélé Ariane Gélinas dans une entrevue pour la maison d’édition Alire, qui publie Criminelles.

3. POUR LE DUO D’ÉCRIVAINES
Ce n’est pas fréquent de voir des livres signés en duo, encore moins des duos de femmes. On peut donc se réjouir de cette complicité entre ces deux écrivaines qui leur a permis de créer un recueil, présentant une cohésion sans cassure de ton. Leurs univers se rejoignent ici, s’imbriquent harmonieusement. La dernière nouvelle écrite ensemble clôt aussi bien le tout : une femme qui a vécu un grand drame oscille entre folie et obsession protectrice, ce qui pourrait bien lui faire commettre l’irréparable…

Explorer le crime au féminin, qui peut prendre de multiples visages, est assurément une proposition intéressante, surtout en l’observant par la lorgnette de ces deux écrivaines.

 

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