Auteure, traductrice, éditrice et dramaturge, Martine Noël-Maw demeure à Regina, en Saskatchewan, depuis 1993. En plus d’écrire et de participer à des événements littéraires au Canada comme en Europe, cette écrivaine a longtemps enseigné le français langue seconde à l’Université de Regina. Diplômée en littérature française de l’Université de Montréal, elle a reçu le prix SATA 2020 du meilleur texte dramatique pour sa pièce Will & Ernest (2020) et deux Saskatchewan Book Awards pour Amélia et les papillons (2006) et Dans le pli des collines (2010). Récemment, elle publiait Laïka, où es-tu? chez La nouvelle plume.

Quels domaines nourrissent vos projets littéraires?
Mes écrits sont beaucoup nourris par la Saskatchewan et sa riche histoire. Qu’il s’agisse de Fort San, un ancien sanatorium situé dans la vallée Qu’Appelle; le Big Dig du lac Wascana, un projet pharaonique du début des années 2000; la contrebande d’alcool et le « boozorium » des frères Bronfman à Bienfait, dans les années 1920; l’ancien zoo et le parc de la vallée Wakamow de Moose Jaw; ou une vieille école abandonnée près de Spiritwood. Je suis aussi inspirée par des personnages historiques qui ont vécu en Saskatchewan, comme Louis Riel et Ernest Dufault alias Will James.

Quelle est la genèse de la pièce de théâtre Will & Ernest (La nouvelle plume)?
J’ai découvert cet homme au destin extraordinaire dans le documentaire Alias Will James de Jacques Godbout, auteur et cinéaste québécois. Quand j’ai su que ce héros américain était en réalité un p’tit gars de Saint-Nazaire-d’Acton, au Québec, j’ai voulu écrire un roman jeunesse pour faire découvrir ce personnage haut en couleur, méconnu dans la francophonie. De fil en aiguille, le roman a bifurqué vers le théâtre. Cinq années de recherche et d’écriture ont abouti à la pièce, mais aussi à un roman adapté de celle-ci, de même qu’à un roman jeunesse (tous deux à paraître).

Ernest Dufault, alias Will James (1892-1942), est un Québécois d’origine, dessinateur et auteur d’une douzaine de romans qui a passé sa vie adulte aux États-Unis. Il est devenu l’incarnation du cowboy d’Hollywood et de l’Ouest américain en reniant ses origines : « J’suis un artiste. J’ai arrangé les choses pour donner aux lecteurs ce qu’ils attendaient d’un vrai cowboy. Si j’avais raconté que j’suis né dans une bonne famille catholique, unie et heureuse, ça aurait pas ému personne. Ça aurait pas fait Far West. » Qu’est-ce qui vous a séduite dans ce personnage absolument fascinant et déraciné?
Ce qui m’a séduite, outre son talent d’auteur et d’illustrateur, c’est le fait qu’il a réussi à dissimuler sa véritable identité. Il s’est inventé une enfance américaine dans sa pseudo-autobiographie Lone Cowboy, My Life Story dans laquelle il se présente comme un jeune orphelin qu’un vieux trappeur canadien-français a pris sous son aile. Ce n’est qu’en 1967, soit vingt-cinq ans après sa mort, que sa véritable identité a été révélée dans le livre d’Anthony Amaral intitulé Will James, the Gilt Edged Cowboy. Chapeau!

Votre roman Laïka, où es-tu? a été développé à partir d’ateliers tenus avec des jeunes de Regina. De quelle façon ces élèves ont-ils participé à cette histoire où il est question d’une météorite, de la légende des skinwalkers et d’extraterrestres et qui nous entraîne dans les beautés des Badlands d’Avonlea, aux côtés d’une géologue de la NASA?
Les ateliers que j’anime pour mes projets destinés à la collection « eSKapade » (La nouvelle plume) sont de formidables occasions de sonder l’imaginaire des jeunes. Nous faisons des remue-méninges sur tous les aspects qui composent un roman, et les choix sont faits par vote secret : les lieux, les personnages, les intrigues, etc. Le principal apport des élèves pour Laïka, où es-tu? est un trio de personnages pas banals composé de Sophie, géologue de la NASA et sa chienne Laïka, et M. Chèvre, un homme qui a perdu ses jambes à la suite d’un accident et à qui on a greffé des pattes de chèvre…

Au terme des six ateliers, je repars avec ce que je décris comme un filet de pêche. Quand j’entame l’écriture, une trame se dessine, mais elle est pleine de trous. J’ai mis près d’un an à créer ce roman qui allie aventure, horreur et mystère. Cette histoire porte aussi à réfléchir sur la façon dont nous traitons les animaux et sur l’avenir de la planète.

Ce genre de projet est très stimulant, car je ne sais jamais à quoi m’attendre. Quand j’arrive dans une classe, c’est carte blanche! Le seul élément imposé est que l’histoire va se dérouler en Saskatchewan. On offre ainsi aux jeunes d’ici des histoires qui se passent dans des lieux qu’ils connaissent ou dont ils ont déjà entendu parler. Et j’ai pu constater à travers les multiples présentations que j’ai faites d’un bout à l’autre du pays que ces romans plaisent aux jeunes de partout. Ils leur permettent de découvrir un coin de pays souvent négligé. La Saskatchewan, c’est beaucoup plus que la plaine, comme en fait foi le décor envoûtant des Badlands d’Avonlea.

Lequel de vos romans est le plus important pour vous? Que voulez-vous que les jeunes lecteurs apprennent de cette histoire?
Je dirais Trois millions de pas (Hurtubise) qui raconte l’histoire de Laetitia qui traverse à pied l’Italie, la France et l’Espagne dans l’espoir de retrouver son père. Ce roman m’a été inspiré par mes marches sur le chemin de Compostelle. Même si l’histoire se passe en Europe à la fin des années 1800, elle est très proche de moi. C’est un périple à travers les pays et les émotions qui témoigne de l’attachement d’une fille pour son père. La détermination et la persévérance dont fait preuve Laetitia la mèneront vers des retrouvailles bouleversantes avec ses souvenirs enfouis. Des critiques en ont dit que la fin est étonnante et sublime. J’avoue que j’ai moi-même été surprise en l’écrivant, car l’histoire ne se conclut pas comme je l’avais prévu. C’est la magie de la création. Cependant, si vous désirez avoir une bonne frousse, je recommande Les fantômes de Spiritwood (La nouvelle plume). Je sais que ce roman a fait trembler bien des lecteurs…

Quels sont les référents culturels de l’Ouest canadien que vous faites découvrir à vos jeunes lecteurs?
Je m’inspire principalement de faits et de lieux liés à la Saskatchewan. Par exemple, la biographie Louis Riel : Combattant métis (Isatis), m’a permis de découvrir et de partager l’histoire de celui qu’on surnomme le « père du Manitoba », une figure marquante du développement de l’Ouest canadien.

Photo : © Tim Maw

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