Si quelque chose se dégage de l’œuvre d’Orbie, c’est bien son amour pour l’enfance! Cette illustratrice et autrice pour la jeunesse n’hésite jamais à se mettre à la hauteur de ses lecteurs pour représenter le monde avec toute la fantaisie, la folie, l’exubérance et la douceur qu’ils y perçoivent. C’est pourquoi prennent vie sous ses crayons des poux fripons, des enquêteurs de bas perdus, des loutres qui glissent, un garçon nu comme un ver ou même un billibouton! Lire Orbie à un enfant, c’est s’assurer de lui montrer combien un livre peut être amusant et touchant, c’est lui ouvrir une porte vers la liberté de penser et de créer.

Votre entrée en littérature jeunesse a été fracassante : en 2014, vous illustrez La petite truie, le vélo et la lune (Les 400 coups), un texte de la grande autrice Pierrette Dubé avec qui vous remportez le Prix des libraires du Québec. Puis, ce livre sera aussi traduit dans plusieurs pays dont la Chine, la Corée, l’Italie et les États-Unis. Comment avez-vous vécu ce succès? Une confirmation de vous lancer totalement comme illustratrice?
Oh oui, certainement, ça a été toute une tape dans le dos de sortir un premier livre qui a eu autant de succès! J’étais déjà convaincue de vouloir continuer à faire des livres, car j’avais eu énormément de plaisir à travailler sur cet album. Je sentais que j’avais trouvé la bonne voie d’expression pour moi, mais ces reconnaissances m’ont confirmé que les lecteurs aussi avaient le même plaisir.

Illustration tirée du livre Le cumulus machinus (La courte échelle) : © Orbie

Dans votre récent livre Le cumulus machinus (La courte échelle), tout se passe en hiver, dans un nuage-vaisseau qui transporte, notamment, des bonhommes de neige. Il y a donc beaucoup d’éléments blancs à intégrer aux illustrations. Comment avez-vous surmonté ce défi, pour maintenir vos images vivantes?
J’ai ressenti ce défi plus comme un soulagement qu’un enjeu, car J’ADORE le blanc. Mon plus grand plaisir, lorsque je dessine, c’est lorsque je mets en scène des personnages. J’aime les incarner et ressentir ce qu’ils vivent, pour ensuite les illustrer. Je crois que c’est ce qui rend mes illustrations si expressives et vivantes. Ensuite, le vrai blanc n’existe jamais vraiment. La neige et les nuages ne sont jamais complètement blancs, ils sont pleins d’ombres, de lumière, d’ombrages. C’est là-dessus que j’ai pu jouer.

Vous signez autant le texte que les illustrations de plusieurs ouvrages, dont La morve au nez (où un petit garçon rivalise d’ingéniosité pour se moucher sans utiliser de mouchoir), La fin des poux? (où vous imaginez le confinement vécu non pas par les enfants, mais par les poux privés de têtes à envahir) et Le tiroir des bas tout seuls (Les 400 coups), petit bijou qui tente de faire la lumière sur l’infâme question de la disparition des bas lors du lavage. Comment l’idée — les idées, en fait, car plusieurs sont explorées! — a-t-elle germé en vous? Les deux protagonistes sont-ils inspirés de vos propres enfants?
Oui, Louis et Madeleine, de l’enquête sur les bas disparus, sont mes enfants (ils voulaient avoir leur livre à eux). L’inspiration, pour presque toutes mes idées, me vient de mon quotidien et de ma vie de famille. Mes enfants sont ma source d’inspiration principale (et j’ai parfois un peu peur de les voir grandir, pour ne plus avoir accès à ce matériel si riche). Je pense aussi que de rire de toutes ces situations dégoûtantes ou décourageantes, de façon complètement absurde, m’aide à tenir le coup! Ha! ha!

Illustration tirée du livre Le tiroir des bas tout seuls (Les 400 coups) : © Orbie

Vos livres sont truffés de détails du quotidien (une ado sur son cellulaire en arrière-plan, un papa qui dit à une collègue comment allumer son micro en visioconférence, des lampes murales en forme d’animaux, un enfant qui se brosse les dents, un autre qui donne un bisou à sa maman avant d’entrer à l’école) que le lecteur attentif aimera dénicher. En quoi le quotidien est-il pour vous une source d’inspiration?
C’est ma matière première. J’ai envie que parents et enfants se reconnaissent dans mes illustrations et pour ça, j’ai besoin de puiser dans mon vécu pour essayer de le rendre universel. Tous les jours, je suis attentive aux détails, aux choses qui traînent et aux petits gestes et petits moments. Une fois en création, j’essaie de mettre tout ça sur papier, pour qu’on sente que l’histoire, les personnages, les lieux sont vrais. Je tiens aussi un carnet, où je consigne des idées, des blagues, des positions d’enfants qui jouent, dessinent ou lisent, lorsque j’en vois des typiques, des originales. Je retourne puiser dans ces notes et carnets lorsque je suis en création. Le truc, c’est de TOUT noter!

Quelle est la genèse derrière l’original On a un problème avec Lilou la loutre (Fonfon)?
J’avais eu tellement de plaisir à dessiner une loutre pour le petit livre Chloé et les animaux (Fonfon) que j’ai eu envie de lui consacrer un livre complet. Au départ, je ne me faisais pas confiance comme autrice et j’avais un peu lancé la perche à gauche et à droite pour recevoir un texte. Puis finalement, à la suite d’une conversation avec mon grand-père, qui me racontait comment les loutres aimaient glisser, l’idée a fini par faire son chemin et les premières lignes me sont arrivées, un soir d’insomnie.

Pour plusieurs de vos ouvrages, vous avez bénéficié d’une résidence de création. Qu’est-ce qu’une résidence apporte, concrètement, à votre pratique artistique?
En résidence, j’arrive à respecter mon rythme naturel de création, qui est plus de nuit et en rush (plusieurs heures de suite). Être loin de la charge mentale, des listes de choses à faire et des sources de procrastination du quotidien est aussi vraiment salvateur. Je ne pourrais plus me passer de cette méthode de travail. C’est une question de survie artistique.

Illustration tirée du livre La fin des poux? (Les 400 coups) : © Orbie

Au début de l’année 2024 sortira Le premier trèfle, un ouvrage tout carton offert gratuitement pour les 0-12 mois et exclusif au programme « Une naissance un livre ». Le livre sera disponible pour les enfants de moins d’un an s’abonnant à l’une des bibliothèques publiques participantes. Selon vous, en tant que lectrice, en tant que mère et en tant que travailleuse du milieu du livre, en quoi lire dès le plus jeune âge est-il important?
Selon moi, lire des livres régulièrement aux bébés est la meilleure façon de leur passer le virus de la lecture. Et de leur offrir cette source de plaisir, d’apprentissage et d’évasion infinie qu’est le monde des livres. Même s’ils ne comprennent pas tout et bavent dessus. Encore aujourd’hui, nos meilleurs moments, avec mes enfants qui sont rendus grands, c’est lorsqu’on se colle pour lire et découvrir un univers ensemble.

Orbie est un nom de plume. Que signifie pour vous « Orbie », et pourquoi choisir de publier sous pseudonyme?
Orbie était au départ un nom de camp. J’étais apprentie monitrice et nous avions quelques minutes pour nous choisir un nom de camp. J’ai choisi le nom d’un extraterrestre d’un dessin animé franco-ontarien, car je me sentais très différente, lorsque j’étais adolescente. Et c’est resté ensuite!

Photo : © Pascale Faubert

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