Née au Mexique et installée depuis 2009 au Québec, Cara Carmina est une autrice et illustratrice jeunesse, ainsi qu’une designer textile qui a fait sa marque grâce à ses couleurs vives et à ses personnages aux yeux étoilés. Alors que sa petite Frida Kahlo créée en collaboration avec Sophie Faucher prend vie en série animée à Télé-Québec, on en profite pour découvrir les dessous de cette artiste dynamique, impliquée dans son milieu.

Quelle a été votre implication dans Frida, c’est moi, la télésérie adaptée de vos livres (signés par Sophie Faucher chez Édito) à Télé-Québec et mettant en scène la jeune Frida Kahlo? Est-ce vous qui avez fait les dessins?
Ce sont les gens de la maison Du Coup Animation qui sont partis directement de mes dessins dans les livres, et qui en ont fait les adaptations. Il y a eu plusieurs allers-retours entre eux et moi, puisque j’agissais comme consultante artistique. Ma principale préoccupation était que ce soit fidèle à mon travail. J’ai aussi été un peu impliquée dans la recherche avant que le scénario ne soit élaboré. La jeune comédienne qui fait la voix de Frida est une élève d’un professeur avec qui j’avais travaillé : c’est lui qui me l’a suggérée, car il savait qu’elle rêvait de devenir comédienne et, qu’en plus, elle était mexicaine d’origine.

Le personnage de Frida, créé avec Sophie Faucher, se rend même jusqu’en Gaspésie avec vous! Qu’avez-vous le plus apprécié de cette aventure?
C’est Sophie Faucher qui aime beaucoup la Gaspésie, et qui a eu l’idée de ce livre. Elle voulait notamment rendre hommage à son amie Claudine Roy — qu’on découvre dans l’album —, qui y habite. Sophie m’a amenée en Gaspésie avec elle pour m’inspirer et me montrer les beautés de cette région, pour me faire rencontrer cette dynamique et impliquée Claudine. On a fait un voyage ESPECTACULAR! Ce livre est le dernier de la série de Frida.

D’où vous est venue l’idée de dessiner les yeux tels que vous les dessinez, tous étoilés ou, comme disent certains, dont mon fils, « en vitrail comme dans les églises »?
Ça fait très longtemps que je dessine ainsi les yeux, ça remonte à l’époque où j’étais encore au Mexique et que je venais de découvrir le travail à la machine à coudre. Je cousais alors des poupées et utilisais un fil noir pour faire leurs yeux. J’avais alors réalisé que je pouvais dessiner avec la machine à coudre et que j’aimais beaucoup le résultat! L’autrice Marie-Josée Gauvin de La princesse endormie, que j’ai illustré, m’a un jour dit : « Cara Carmina voit des étoiles dans les yeux des enfants. » Et c’est vrai! J’aime beaucoup dire que les enfants sont des « wowers », qu’ils ont cette capacité à s’émerveiller de tout (« wow! »), et j’aime bien penser que je les aide à garder leurs yeux pleins d’étoiles.

Illustration tirée de La plus colorée des envolées de Bertrand Gauthier (Druide) : © Cara Carmina

Vous participez à différentes initiatives dans des écoles. Quelles sont-elles?
Ces jours-ci, je participe au projet du programme Une école montréalaise pour tous, qui se déploie dans les écoles de milieux plus défavorisés. Je fais donc de la médiation culturelle auprès de plusieurs groupes d’âge préscolaire et primaire : j’anime des ateliers de dessin et parfois d’écriture, je fais la lecture des livres de ma série des Lapins, et le tout culmine en une exposition produite par les enfants. Ces ateliers sont liés à mon exposition Cara Carmina et moi, qui fait le tour des maisons de la culture de Montréal. Je fais aussi des murales dans différentes écoles, en y incluant les enfants. C’est essentiel, pour moi, que les enfants participent, que l’on continue de les inclure, dans de tels projets.

Votre série mettant en scène les lapins aux éditions Les Malins s’adresse aux enfants et parle des défis quotidiens, de différence. Vous signez vous-mêmes les textes de ces albums. Où trouvez-vous l’inspiration?
Au contact des jeunes! Il y a déjà six ans que je donne des ateliers dans les écoles — la première fois ce fut avec Communication-Jeunesse et je fais maintenant partie du répertoire La culture à l’école. J’ai découvert que j’avais des habiletés à créer des liens de confiance avec eux et je prends vraiment plaisir à les côtoyer, à les écouter. J’ai aussi une nièce au Mexique, que je vois grandir, dont je vois les préoccupations. Je parle également beaucoup avec les professeurs, pour avoir une connaissance de la réalité des enfants à partir du point de vue des adultes. Les professeurs sont tellement importants dans notre société, tellement importants pour les enfants! Ils voient des situations, des comportements qu’ont les enfants entre eux, auxquelles même les parents n’assistent pas toujours. Et je dis toujours qu’on peut parler de tout avec les jeunes. D’ailleurs, on vient d’apprendre que nous avons reçu le financement de la SODEC et du FMC pour le prédéveloppement de huit épisodes adaptés de ma série des Lapins, par Tobo Média. Comme mon travail de médiation culturelle avec les enfants est quelque chose de nouveau, cette reconnaissance me touche énormément.

Dans La plus colorée des envolées (Druide), vous mettiez en images les mots, poétiques, de Bertrand Gauthier. Dans La princesse endormie (Les Malins), vous illustrez une histoire de deuil périnatal. Arrive-t-il que, parfois, de tels sujets soient plus difficiles à illustrer?
Les projets du genre, plus poétiques, sont ceux que je recherche le plus. Je suis le développement de la littérature jeunesse depuis vingt ans, autant celle du Québec que celle d’ailleurs — de la Corée, de la France, des États-Unis, du Mexique, de l’Italie, de partout. Je trouve que la littérature d’ici se démarque : elle est productive, belle, et le travail d’édition fait au Québec est très novateur. Des maisons d’édition, pour nommer quelques-unes de mes favorites, Le Lièvre de Mars, Comme des géants, les éditions Album et Monsieur Ed, qui produisent des ouvrages aventureux, poétiques. Alors, lorsqu’on m’a proposé d’illustrer ces livres, j’ai capoté! Un deuxième livre est prévu avec Bertrand Gauthier!

Vous vous appelez Norma Andreu. Pourquoi avoir choisi un pseudonyme, et pourquoi Cara Carmina?
C’est un hasard! Dans la vingtaine, j’ai habité quelques années à New York, où je travaillais comme fille au pair dans des familles riches, où il y avait beaucoup de livres pour les enfants. J’ai alors été complètement impressionnée par le monde de la littérature jeunesse. C’est à ce moment-là que j’ai su ce que je voulais faire de ma vie. J’ai ouvert un blogue en 2005 pour parler de littérature jeunesse. Alors que je cherchais quel nom lui donner, une coccinelle s’est posée sur ma main. J’ai alors pensé à Cara Carmina, ma chère rouge. Je parle italien et espagnol, ce nom mélangeait les deux langues et j’aimais la mélodie lorsqu’on le disait. Et c’est resté!

Dans le tout-carton J’ai trouvé un cercle (Les Malins), vous faites vivre aux petits lecteurs (1 à 3 ans) une expérience qui démontre jusqu’où l’imagination peut les amener.
Oh, c’est une grande chance que j’ai eue de faire ce livre! Je voulais depuis longtemps faire un livre pour les petits petits! Je trouve très magique de pouvoir donner une expérience littéraire à des petits à travers des illustrations, parfois même sans texte ou avec très peu de texte. Je lis beaucoup de livres sur la pédagogie et j’admire les écrivains qui ont créé des connexions avec ce très jeune public, comme Bertrand Gauthier qui s’adresse aux petits et qui arrive à dire l’essentiel, dans un très court texte. Moi, je suis d’origine mexicaine, je parle vite et beaucoup beaucoup (rires) et c’est un défi de ramener le tout à peu de mots! J’admire beaucoup ceux qui le font!

Photo : © Cara Carmina 
Illustrations : © Cara Carmina 

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