Tout jeune garçon, Dominique Pelletier s’est promis de se rappeler comment c’était, d’être un enfant. Pari réussi! Tout le plaisir qu’il a à créer ses bandes dessinées transparaît dans chacune de ses cases. Portrait d’un créateur au cœur gamin.

Au bout du fil, la voix est rieuse, invitante. J’ai l’impression d’appeler un ami de longue date et pourtant, je n’ai jamais rencontré Dominique Pelletier, illustrateur, auteur et nouvellement bédéiste. C’est que Dominique a la blague bien ancrée en lui, ayant toujours eu l’humour comme tremplin pour communiquer avec les autres. Généreux dans ce qu’il dévoile de lui-même et du temps qu’il nous accorde, il passe presque une heure à jaser de son travail — ainsi que du mien. Ces digressions témoignent d’un artiste au bonheur facile, au tempérament curieux, à l’écoute de ses semblables et fort sympathique.

Il publie cet automne le troisième tome de sa série Les timbrés, aux éditions Scholastic, dont il a dû modifier l’histoire en raison de la pandémie. Le livre était pourtant presque bouclé, mais la trame de fond tournait autour d’une grippe très contagieuse. Si au début l’auteur a trouvé le clin d’œil comique, il a vite changé d’idée. Il a tout repris du début et a opté pour une invasion de mutants. Mais qu’est-ce que sont les timbrés? C’est Tia, une fillette qui se cherche un coin où dîner dans sa nouvelle école et qui s’installe dans le club de philatélie, où il n’y a qu’un vieil homme, Rodrigue, passionné par les timbres. C’est là que Léo, un garçon un peu turbulent contraint de faire une retenue dans le seul local disponible, la rencontrera. Les deux enfants se lieront vite d’amitié. Lorsque, curieux du comportement étrange du concierge, les enfants échappent à une pieuvre maléfique, Rodrigue va leur confier le secret du club de philatélie.

Un trio, donc, qui enquête et déjoue les plans des méchants. Son inspiration, pour les personnages? « Léo, c’est celui que j’aurais voulu être, enfant. Tia, c’est qui je suis réellement… mais ceux qui me connaissent affirment que je suis Rodrigue! » admet-il, en rigolant. Si le premier tome met en place les personnages et traite de la rentrée scolaire, le deuxième se déroule à l’Halloween et le troisième à Noël. Le quatrième, qui met en scène des bigfoots, sera publié au printemps prochain. Le cinquième, vous l’aurez deviné, se déroulera lors des vacances. Et ensuite? Dominique Pelletier répond qu’il y réfléchit. Une chose est certaine, nous n’avons pas terminé de lire les aventures de Tia, Léo et Rodrigue! Et c’est tant mieux! J’y ai découvert des histoires bien construites, rigolotes et rythmées, des illustrations dynamiques, avec une mise en pages aérée, facile à suivre. L’auteur prend soin, d’ailleurs, d’y inclure des pages sans texte, qui permettent de ralentir la cadence et de se concentrer sur les images. « Consciemment, j’essaie de créer des pages plus tranquilles, afin de ne pas faire comme un vidéoclip, avec seulement de l’action. C’est plus classique, mais ça me ressemble davantage. »

Mode de vie
Dominique Pelletier habite avec sa famille en Montérégie, dans une maison au milieu de champs de maïs. Est-ce que vivre en campagne facilite son travail? Il approuve totalement. Très peu pour lui, l’idée d’aller dans un bistro pour écrire! Son atelier, il l’a installé dans la cave, pour préserver sa bulle. Méthodique, il se fixe des objectifs quotidiennement. Il bâtit sa BD en un mois environ, en miniature, sur des feuilles qu’il divise en huit cases. Cette étape terminée, il présente son projet à son premier public, ses enfants de 7 et 9 ans, pour qui il est un héros de par son métier. « Pour l’instant, souligne-t-il, parce que lorsqu’ils auront 15 ans, je ne suis pas certain qu’ils me trouveront encore drôle! » Il consacre les cinq ou six mois suivants à créer la bande dessinée. Il fait partie des rares à dessiner encore au crayon, mais il colore à l’ordinateur. C’est en dessinant que le texte prend forme. « J’ai essayé de faire comme d’autres auteurs et de commencer par un synopsis, mais j’ai un blocage; ce n’est pas naturel. Quand je dessine, je suis détendu et le scénario se pointe plus facilement. » D’ailleurs, lorsqu’il se consacre seulement à l’illustration, il en profite pour écouter des livres audio, surtout des classiques de la littérature française. Il entame ces jours-ci l’écoute de Dune, en prévision de la sortie du film, un jour.

Il y a une vingtaine d’années, le jeune Dominique Pelletier, après avoir obtenu son diplôme en communication graphique, a voyagé un peu partout dans le monde jusqu’au moment où il s’est dit qu’il fallait dénicher un boulot dans son domaine. Bénévole au Salon international du livre de Québec, il a rencontré une personne de chez Scholastic et c’est ainsi qu’il a décroché le contrat pour illustrer la fameuse série 100 blagues, qui se déploie en de nombreux tomes. Chanceux, certes, mais talentueux surtout. Ne fait pas rire qui veut! Depuis, il a fait son chemin. Assurément, Dominique Pelletier conserve ce petit quelque chose de l’enfance, qui teinte ce qui sort de sa plume d’une légèreté qui fait du bien.

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