Difficile de passer sous silence un livre événement comme Empreinte. Non seulement l’auteur et photographe Guillaume Beaudoin y relate les mois pendant lesquels il a sillonné les îles du Pacifique Sud pour rencontrer des humains qui tentent de sauver l’environnement à leur façon, mais il raconte aussi sa participation à une opération de nettoyage des océans et sa rencontre avec certaines des dernières tribus du monde à l’écart du monde moderne.

Reconnu pour son expertise en réalisation et en direction photo, Beaudoin peut désormais ajouter à son CV un talent pour raconter des histoires en mots et en images. Tout au long du livre, il garde les lecteurs captifs grâce à un savoureux dosage d’émotions et d’informations qui n’est jamais lourd ni moralisateur. Pourtant, il a du mal à se décrire comme un auteur. « Je n’ai jamais écrit une grande quantité de mots comme je l’ai fait pour ce livre », a-t-il confié lors de notre entretien durant l’édition virtuelle du Salon du livre de Montréal 2020. « J’ai tout donné pour finir le texte à temps. Je suis un peu lent à écrire. J’ai appris sur le tas. »

Encadré et soutenu par l’équipe de la maison d’édition Parfum d’encre, il est sorti grandi de ce processus d’écriture. « Quand on voyage, on erre selon ce qu’on cherche à découvrir. Quand je tournais des documentaires, je m’enfonçais toujours un peu plus dans la culture et les sujets. Rendu au montage vidéo, je goûtais à une réflexion supplémentaire. Puis, le fait de mettre mes expériences en mots m’a obligé à creuser encore plus, comme si j’accédais à une troisième couche de sens. »

S’il espère bien humblement laisser une trace avec son livre, en influençant les gens à réfléchir autrement sur le monde, le créateur propose surtout un livre à mi-chemin entre le récit de voyage et le récit de cœur. Ainsi, les lecteurs qui souhaitent lire un compte-rendu de folles aventures dangereuses ne sont pas à la bonne enseigne. Guillaume Beaudoin préfère la rencontre humaine à l’accumulation d’exploits et de dangers. « C’est drôle, parce que les gens me voient parfois comme un aventurier puisque je suis souvent en voyage et que je pars très loin, mais ce qui m’intéresse vraiment, c’est d’aller à la rencontre des gens. C’est ça, le plus enrichissant. »

Cela dit, le livre s’ouvre sur une traversée du Pacifique Nord rocambolesque, alors que l’équipage auquel le Québécois s’est joint a été pris dans une folle tempête et qu’il est lui-même tombé nez à nez avec un requin blanc de six mètres dans les eaux océaniques. « Je me suis retrouvé dans certains contextes particuliers, c’est vrai, mais ce n’est pas moi qui vais courir après les records de distance, de vitesse ou de hauteur. Je suis plus en mission humaine. »

Faire du pouce sur l’océan
En effet, après ce début intempestif, sa plume dérive vers un désir évident de rencontres et de traditions. Durant sa traversée du Pacifique Sud, il découvre d’innombrables solutions face aux changements climatiques sur les îles situées entre le Panama et l’Australie. Un voyage qu’il a d’ailleurs fait en bateau-stop du début à la fin. « J’ai pris un avion vers le Panama et j’ai traîné dans les marinas, en discutant avec les capitaines pour voir s’ils voulaient m’embarquer. J’ai réalisé qu’il y a une réelle communauté nomade de gens qui se revoient d’île en île. Quelques autres voyageurs, comme moi, faisaient la traversée sur un ou deux bateaux, alors que je préférais changer souvent. »

Parfois nourri, parfois obligé de contribuer financièrement à certaines dépenses, il n’a jamais eu à payer pour ses déplacements. « Il y a une grande ouverture dans ce milieu. Les gens cherchent du monde comme moi pour s’occuper des quarts de nuit, pour s’assurer que le vent ne change pas trop, pendant que le capitaine se repose. Ce n’est rien qui exige de grandes compétences marines. Je n’étais pas un matelot d’expérience et je ne le suis toujours pas. »

D’une île à l’autre, il a rencontré l’avocate des baleines à Tahiti, qui a construit un organisme de bénévoles pour protéger les cétacés, les jardiniers de coraux en Polynésie qui s’intéressent à la préservation et à la restauration de ces beautés sous-marines, ainsi que le docteur Rango des îles Cook, qui mise sur des initiatives culturelles afin de renforcer le sentiment d’appartenance et de cohésion communautaire pour faire face aux ouragans et aux nombreux changements climatiques.

Sans oublier sa contribution au mégaprojet Ocean Cleanup, une initiative du jeune Néerlandais Boyan Slat, qui a fait parler de lui partout dans le monde en imaginant un système pour nettoyer les océans du plastique que les humains y déversent depuis des siècles. Beaudoin s’est joint à son équipe au début de l’aventure en mer, alors que le dispositif ne fonctionnait pas tout à fait. Une expérience qui lui a fait réaliser à quel point il se concentrait sur le résultat plus que le processus. « Avec le recul, j’ai compris qu’Ocean Cleanup, qui semblait ne pas réussir à faire fonctionner son système à ce moment-là, avait déjà atteint son objectif, de par son désir de vouloir nettoyer les océans, qui a permis à des milliards de personnes de connaître la problématique et d’agir autrement. J’ai pris conscience que face à ces grandes problématiques, il faut y aller au jour le jour, en continuant d’avancer. »

Il relate également ses expériences aux côtés de Guillaume Dulude, avec qui il a tourné la série Tribal sur les dernières tribus qui ne sont pas influencées par le monde moderne. Il parle du projet comme l’une des séries les plus ambitieuses auxquelles il a participé. « Tourner une série documentaire complète sans accès à des hôtels, à des endroits pour charger mes équipements ou à des ressources de base pour les soins, ça représentait des défis énormes. C’était aussi un grand défi humain d’être avec la même personne durant dix ou douze jours de suite dans des contextes isolés. On a beaucoup appris de ça. »

Bien qu’il souhaite repartir vers de nouvelles aventures au Québec et à l’étranger, quand la situation mondiale le permettra, il se concentre actuellement sur le montage d’un documentaire sur ses expériences, qui sera diffusé à TV5 cet hiver.

 

Vous pouvez visionner la rencontre qui a inspiré ce texte au salondulivredemontreal.com

Samuel Larochelle est rédacteur pour différents médias et auteur. Depuis la parution en 2013 d’À cause des garçons, les projets de succèdent. En mai prochain, il lance Accents Queer, un Cabaret littéraire LGBTQ+ dont il est producteur et animateur.

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