Les éditeurs francophones dont le catalogue fait la part belle à la littérature nipponne sont nombreux, mais peut-être pas encore assez connus au Québec. Voici donc un aperçu, non exhaustif, des principales maisons à suivre pour rester à l’affût des talents littéraires du Japon.

 

Les Belles Lettres – Japon
La collection « Japon » de la maison Les Belles Lettres est dirigée par Emmanuel Lozerand et Christian Galan et s’intéresse principalement aux récits et romans de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle avec ses auteurs « en rupture de ban » ainsi qu’à des essais de réflexion, manifestes, journaux ou autobiographies qui donnent la parole à des auteurs nippons. Leur approche valorise le retour aux sources de la pensée japonaise, sans l’angle dans lequel l’enferme parfois l’Occident. On lit à leur enseigne notamment Haruo Satō, l’un des auteurs classiques de la littérature japonaise, dont les écrits font une grande place au merveilleux, notamment sous le titre Mornes saisons; on lira aussi Cheveux emmêlés de Akiko Yosano, « le livre érotique de référence de toute une génération de poètes japonais », ou encore l’œuvre à connotation autobiographique qu’est Où t’en vas-tu suivi d’Enfer, du maître du naturalisme japonais Hakuchō Masamune. Le choix est vaste, et mérite la découverte.

 

Ynnis
Geeks, amateurs du Studio Ghibli et férus d’animes, vous serez ébahis devant l’offre des éditions Ynnis, maison d’édition parisienne créée en 2013 et se spécialisant en culture de l’imaginaire. Car en plus de publier des livres sur la culture pop (Histoire(s) du manga moderne, Cyberpunk, Hommage à Akira et autres ouvrages sur la musique, le cinéma, les jeux vidéo), elle se fait un point d’honneur de rendre accessibles les romans qui ont mené à des longs métrages à succès, notamment Aya et la sorcière, Le château de Hurle, Kiki la petite sorcière, Perfect Blue et Paprika. Il faut souligner la qualité de ses mooks (Hommage à Hayao Miyazaki : Un cœur à l’ouvrage; Ghibli, les artisans du rêve; Hommage à Isao Takahata : De Heidi à Ghibli) et la passion, terriblement contagieuse, avec laquelle la maison livre le contenu de chacune de ses publications.

 

Issekinicho
En ne collaborant qu’avec des auteurs qui vivent — ou ont vécu — au Japon et en connaissent la culture « de l’intérieur », les éditions Issekinicho proposent des ouvrages de qualité offrant un point de vue authentique et renouvelé. Créée en 2013, cette maison publie peu mais bien : ses ouvrages sont passionnants et leur facture est d’une qualité irréprochable. Soulignons la parution du Guide du voyageur au Japon, du livre de photos Saru : Singes du Japon et des passionnantes bandes dessinées Onibi (médaille d’argent du Japan International Manga Award 2018) et La fête des ombres. Avec sa série Mukashi mukashi, elle revisite les contes japonais pour la jeunesse francophone.

 

Les éditions nobi nobi!
« Plus qu’un livre illustré, chaque album édité est une porte vers un nouveau monde riche de valeurs universelles mais également un terrain d’échange privilégié entre les enfants et leurs parents. » Voilà comment se décrit la maison d’édition nobi nobi!, dont le nom signifie « se sentir bien, être à l’aise ». Spécialisée dans le livre jeunesse, cette maison traduit ainsi des albums et mangas, sans pour autant que l’exotisme soit mis à l’honneur. Il s’agit en fait d’une porte d’entrée en français pour découvrir ce qui se fait en matière jeunesse au Japon. Soulignons ainsi Le livre des papas, Poupelle et la ville sans ciel, Issunbôshi, le petit samouraï et les séries Quand Takagi me taquine et Ronja, fille de brigand. En 2016, nobi nobi! est rachetée par Pika édition (l’un des leaders sur le marché francophone des mangas, avec plus de 300 nouveautés par an, et qui publie également des romans graphiques et d’autres livres d’inspiration nipponne, dont Fossiles de rêves, de Satoshi Kon).

 

Atelier Akatombo
Fondé en 2018 et lancé avec la parution du Loup d’Hiroshima, Atelier Akatombo est mené par la romancière et traductrice Dominique Sylvain et par le scientifique de formation Frank Sylvain, couple qui a habité l’Archipel durant plus de quinze ans. Son catalogue, qui contient actuellement vingt et un titres, s’intéresse exclusivement aux auteurs nippons qui font dans le roman policier, de science-fiction ou de littérature érotique, mais quelques ouvrages de cinéma ou de photographie y sont également publiés. Comme les deux fondateurs maîtrisent la langue japonaise, c’est eux-mêmes qui sélectionnent les titres à paraître : « Dans notre sélection, on trouve aussi bien Le Point zéro de Seichō Matsumoto, un classique absolu au Japon avec des tirages cumulés qui dépassent le million d’exemplaires, que des ouvrages comme SERII de Takehito Moriizumi, un manga ambitieux et remarqué par de nombreux magazines littéraires au Japon. Nous publions aussi bien des auteurs confirmés tels qu’Arimasa Ōsawa, le grand maître du hard-boiled japonais, avec sa série emblématique qui démarre avec Le Requin de Shinjuku, que des jeunes écrivains tels qu’Akio Fukamachi », nous explique l’éditrice. Elle souligne d’ailleurs que ce qui caractérise la littérature policière nipponne, c’est surtout la verticalité des rapports de pouvoir, « que ce soit ceux que l’on retrouve dans les organisations policières ou au sein des clans yakuzas qui forment la pègre japonaise ». S’y dévoile ainsi une société extrêmement structurée. Mais si vous n’aviez qu’un polar à découvrir de l’Atelier Akatombo, Dominique Sylvain suggère Les chiens de l’enfer, de Fukumachi : un roman exigeant sur le plan du rythme où il est question d’un policier infiltré au sein des yakuzas, et pour lequel son auteur a été influencé par White Jazz et James Ellroy, ainsi que par les films noirs hongkongais tels que Infernal Affairs. « L’histoire est forte, l’intrigue est tendue de bout en bout, les personnages forts et crédibles », ajoute-t-elle. Oh, et pourquoi Akatombo? Ce mot désigne la « libellule rouge », insecte symbole de la lecture au Japon.

 

Actes Sud – Lettres japonaises
Avec sa collection « Lettres japonaises », lancée en 1995 et contenant maintenant soixante et un titres, Actes Sud se démarque par ses traductions de grande qualité. C’est sous cette enseigne que l’on peut lire notamment Yōko Ogawa, Akira Yoshimura et Mitsuyo Kakuta. On attire votre attention sur Mieko Kawakami, auteure qui aborde la question du féminisme et remet en question le rôle attendu des femmes dans l’actuelle société japonaise. Elle s’est fait remarquer pour Seins et œufs, un court roman qui fut méprisé par les traditionalistes notamment en raison de son utilisation du langage vernaculaire d’Osaka, ainsi que des interrogations et revendications que portent ses trois personnages féminins, en lien avec la relation au corps. Vendu à 250 000 exemplaires, il a remporté le prix Akutagawa 2007. Son plus récent roman traduit chez Actes Sud l’est sous le titre J’adore, depuis mars 2020.

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