Nous vous l’annoncions : en cette rentrée littéraire 2020, nous avons choisi de valoriser la littérature d’ici. Cependant, il nous était impossible de passer outre tous ces grands noms de la littérature étrangère attendus des lecteurs et des libraires. Des 511 nouveautés annoncées en littérature étrangère cette année, nous en avons donc ciblé une cinquantaine pour vous. Selon Livres Hebdo, média de référence pour le milieu littéraire français, la rentrée 2020 se caractérise ainsi : une diminution des parutions par rapport aux années précédentes, plus de romans français que de traductions et plus d’auteurs confirmés que de nouveaux talents (et parmi les primoromanciers, plus de femmes que d’hommes). Oui, la COVID aura eu une incidence sur la production et la mise en marché des titres de 2020, sans pour autant diminuer la qualité de l’offre!

À surveiller

Nickel Boys
Colson Whitehead (trad. Charles Recoursé) (Albin Michel)
Whitehead avait reçu en 2019 pour Underground Railroad le prix Pulitzer. Voilà qu’il récidive en 2020 avec Nickel Boys, également primé par cette prestigieuse distinction. Dans ce roman nouveau, il continue d’explorer l’histoire américaine et le racisme, cette fois en situant son intrigue dans une maison de correction en Floride, qui a réellement existé. Il y décrit une histoire terrifiante, celle d’Elwood, qui, en raison d’une erreur judiciaire, se voit envoyé à Nickel Academy, où il subira le poids du racisme et les injustices découlant du pouvoir donné aux maisons de correction.

 

Quichotte
Salman Rushdie (trad. Gérard Meudal) (Actes Sud)
Road trip en terres américaines, ce roman met en scène Ismail, représentant pharmaceutique qui a perdu son boulot, et son fils imaginaire, Sancho, avec qui il sillonne les routes pour demander la main d’une vedette de la télévision dont il est éperdument amoureux et à qui il envoie des missives d’amour signées Quichotte. Les sujets abordés, comme dans tout roman de Rushdie, fourmillent : islamophobie, affranchissement des femmes, réalité fictionnelle versus « vraie » réalité, amour courtois, etc. Entre quête spirituelle et roman picaresque, Quichotte possède les belles qualités d’avoir beaucoup d’humour et d’être une histoire dans une histoire… en plus de mettre en scène des grillons qui s’expriment en italien et des fusils qui parlent!

 

Une rose seule
Muriel Barbery (Actes Sud)
L’auteure qui nous avait totalement ravis avec L’élégance du hérisson revient avec un cinquième roman, qui nous entraîne cette fois au Japon alors que la protagoniste, Rose, 40 ans, apprend qu’un père dont elle n’a jamais rien su vient de mourir à Kyōto. Au fil de ce récit sur le pardon se tisse une étrange mais belle relation entre un père qui n’est plus et sa fille qui apprend à le découvrir, à accepter cette part asiatique en elle au contact de cette vie qu’elle ignorait. Voyage sciemment cartographié par le défunt avant sa mort, cet itinéraire aura de quoi remuer les sentiments du lecteur. C’est aussi un roman d’amour et un roman sur une grande métamorphose.

 

Le dit du Mistral
Olivier Mak-Bouchard (Le Tripode)
Au Tripode, on voyagera grâce à un seul titre cet automne, mais un unique titre fort prometteur, soit Le dit du Mistral, qui entraîne son lecteur dans les campagnes provençales de la région du Luberon. Deux hommes découvrent une source qui semble datée de plusieurs siècles et laquelle a été enfouie. Alors qu’ils décident de creuser plus loin – incidemment d’en faire une fouille archéologique illégale – pour trouver ce qui s’y cache, le lecteur passera quant à lui tranquillement d’un récit très réaliste à un récit glissant à son insu du côté magique, mystique.

 

Le crépuscule et l’aube
Ken Follett (trad. collectif) (Robert Laffont)
Se situant juste avant le point de départ de l’intrigue des Piliers de la Terre, cette nouvelle saga historique est prometteuse. On y suit le destin de trois personnages, en l’an 997 : d’abord, le jeune Edgar, qui, après avoir vu sa maison détruite par un raid viking, s’installe dans un nouveau hameau; ensuite, Ragna, jeune noble insoumise qui suit son mari de l’autre côté de la Manche, où les coutumes sont différentes des siennes et lui font réaliser qu’un faux pas pourrait lui être désastreux; et, finalement, Aldred, un moine idéaliste qui rêve de transformer son abbaye en centre d’érudition reconnu.

 

Un jour viendra couleur d’orange
Grégoire Delacourt (Grasset)
Si Delacourt a un talent certain, c’est celui de sonder avec une intensité et une profondeur dérangeante des sujets en apparence « faciles ». Cette fois, il propose un roman sur la part d’enfance que les adultes laissent tomber, grâce à l’histoire de Geoffroy, 13 ans et autiste, qui voit le monde d’une manière bien particulière. L’auteur connu pour son optimisme brosse le portrait d’un monde où l’espoir reste entre les mains de ces enfants qui croient encore autant à la beauté du monde qu’à l’amour éternel.

 

 

Plus loin que l’hiver
Isabel Allende (trad. Jean-Claude Masson) (Grasset)
En abordant les thématiques d’actualité que sont la migration et l’identité, Allende propose cette fois un roman, plus personnel peut-être que ses précédents, sur l’amitié et la rédemption, alors que trois protagonistes verront leur destin se lier. Entre New York, le Guatemala, le Brésil et le Chili, l’histoire trouvera racine en chacun de ces lieux alors qu’un banal incident, lors d’une tempête de neige, viendra tout bouleverser…

 

 

Le sel de tous les oublis
Yasmina Khadra (Julliard)
Parce que son épouse l’a quitté et qu’il ne sait comment réagir autrement, Adem quitte tout, en quête de découvertes. Et des découvertes, il en fera, car il croisera sur son chemin un nain en quête d’affection, un musicien aveugle mais prophète, des vieux camionneurs et des simples d’esprit. Mais bien entendu, toutes ces rencontres avec des personnages hors du commun auront pour effet de le ramener constamment à son histoire, de lui rappeler qu’il ne peut éternellement errer et se prélasser dans la mélancolie. Khadra annonce ainsi un roman sur la rupture et le déni, et met en lumière le fait que les femmes n’occupent pas la même place dans la société, en fonction de qui y réfléchit.

 

Yoga
Emmanuel Carrère (P.O.L)
S’approchant de l’autofiction pour mieux s’en jouer, Carrère nous entraîne dans la bataille qu’il a menée contre ses démons : la dépression et la bipolarité. Alors qu’il pratique le yoga depuis vingt-cinq ans, il se dit qu’il pourrait bien écrire un livre « souriant et subtil » sur le sujet. Mais alors qu’il participe à une retraite de dix jours, les attentats de Charlie Hebdo ont lieu. Lorsqu’il l’apprend, failles et fissures ne se font pas attendre… Qu’advient-il du réel quand la réalité dépasse les cauchemars? Il sombre. Voilà une plongée au cœur d’un mal dont il ne peut se défaire, mais qu’il sait décrire avec brio.

 

La vie mensongère des adultes
Elena Ferrante (trad. Elsa Damien) (Gallimard)
Elena Ferrante met en scène dans ce nouvel opus une jeune fille de 12 ans qui, après avoir entendu son père la comparer à une vieille tante à la réputation maléfique, décide d’aller à la rencontre de cette dernière. Voilà qu’elle quitte les beaux quartiers de Naples pour aller en son centre, dans cet autre univers social qui la fascinera totalement, faisant craquer le vernis d’hypocrisie que les adultes appliquent sur leur vie. La narratrice tentera alors de concilier ces deux réalités opposées, qui se confrontent autant au cœur de sa ville qu’au cœur de son identité.

 

Nos rendez-vous annuels
Amélie Nothomb ouvre, cette année encore, le bal de la rentrée littéraire, réglée telle une horloge suisse. Cette fois, elle replonge dans l’univers des contes avec Les aérostats (Albin Michel), faisant un hommage à la littérature par le biais de deux protagonistes. L’un a 16 ans et est autiste, l’autre en a 19 et est prise dans le carcan de la sagesse sans savoir comment profiter de sa jeunesse. D’ailleurs, l’intrigante citation révélée en amont de la sortie était la suivante : « La jeunesse est un talent, il faut du temps pour l’acquérir »… Citation qui trouve d’ailleurs écho dans l’œuvre de Karl Ove Knausgaard, auteur norvégien qui utilise sa vie, sa jeunesse principalement, comme matière brute pour son projet autobiographique de longue haleine dont Fin de combat (Denoël), sixième et dernier volet, clôture ainsi l’ambitieuse mise à nue de ce projet littéraire. Il y aborde son quotidien d’homme de 40 ans, père de trois enfants en bas âge, et surtout le fait que son oncle s’oppose à la publication de son livre, ce qui bouleversera totalement l’harmonie qui s’était établie entre lui et sa femme. Il esquisse cette fois des parallèles entre sa vie personnelle et les grands événements du XXe siècle, notamment le nazisme. Joyce Carol Oates réjouira quant à elle les nombreux lecteurs qui la suivent et qui n’ont pas froid aux yeux en proposant non pas un, mais deux livres chez Philippe Rey en octobre. Il y a d’abord La femme à la fenêtre, six nouvelles explorant la folie, puis Ma vie de cafard, roman qui met en scène Violet, 12 ans, qui a dénoncé des grands frères ayant torturé et tué un jeune Afro-Américain. Elle sera, pour ce geste, bannie de sa famille et de l’univers social.

Des auteurs chouchous
Carole Fives nous invite dans Térébenthine (Gallimard) au cœur d’un petit groupe d’artistes peintres qui, dans les années 2000, continuent de souhaiter faire de l’art leur métier. Ils confrontent ainsi mépris et humiliation. Un court roman, mais une visite pourtant puissante au cœur des Beaux-Arts, et un bonheur de lecture, car Carole Fives sait toujours s’y prendre avec le lecteur. Sous l’écriture de Julian Barnes dans L’homme en rouge (Mercure de France) reprend vie « L’Amour médecin », soit Samuel Pozzi, chirurgien et gynécologue de la fin des années 1800, qui eut notamment comme maîtresse Sarah Bernhardt. Voilà un excellent sujet pour nous entraîner dans la décadence du Paris de la Belle Époque, parsemé d’auteurs, de penseurs et d’artistes reconnus auxquels Barnes fait écho, tout en explorant la vie à la fois professionnelle et personnelle de Pozzi. On s’attardera également particulièrement à Chavirer, nouveau roman de Lola Lafon chez Actes Sud, qui parle d’abus sur des jeunes. Une organisation nommée « La Fondation » recrute des jeunes filles qui rêvent de devenir danseuses, pour plutôt les offrir à des hommes. Ce roman polyphonique s’intéresse à Cléo, laquelle fut victime de ces magouilles, mais qui en devint également l’une des recruteuses. Ce roman est d’une grande tendresse et d’une grande lucidité malgré le sujet. Serge Joncour nous entraîne quant à lui avec Nature humaine (Flammarion) dans le milieu agricole, un homme sur une ferme vivant sa fin du monde personnelle, alors qu’il devra délaisser la vie rurale contre son gré. Prétexte pour revisiter les thèmes que sont la famille, la politique, la société, la contemporanéité, la mondialisation et l’amour. On termine avec Philippe Djian qui, avec son 2030 (Flammarion), s’est lancé dans un roman d’anticipation sur la dégradation du monde. On y parle des affrontements entre écologistes et climatosceptiques, alors que le héros de l’histoire falsifie des données de recherches sur la dangerosité d’un produit pour le compte de son patron. Quand Greg tombera amoureux d’une militante, le dilemme moral qu’il vivait s’accentuera au point de générer une crise…

Parole aux vilains
Un nouveau Marc Levy est également fort attendu. Intitulé C’est arrivé la nuit, ce nouvel opus chez Robert Laffont serait en fait le premier tome d’une série intitulée « 9 », qui met notamment de l’avant des faussaires, des manipulateurs, des hors-la-loi, des assassins, des putains, des journalistes; bref, des protagonistes dont la vie est loin d’être rangée, qui sont pourtant empreints de nuances, et de qui Marc Levy est allé à la rencontre. Dans le Philippe Claudel nouveau, intitulé Fantaisie allemande (Stock), on donne également voix à des personnages qui n’ont pas nécessairement toujours le beau rôle. Ici, la narration oscille entre salauds et victimes, et on croise notamment une femme qui, par cruauté, maltraite un vieil homme qui prend plaisir à chantonner des airs nazis…

Erri De Luca, maître dans l’art de décrire la nature, l’immobilité et la force des choses invisibles, a écrit avec Impossible (Gallimard) un roman d’une tension intense. Le lecteur assiste à l’interrogatoire d’un homme qui a sonné l’alerte lorsqu’il en a vu un autre chuter dans le vide, du haut d’un sentier escarpé. Pourquoi est-il interrogé? Car la coïncidence d’une rencontre fortuite entre les deux promeneurs est difficile à croire : l’homme tombé dans le vide avait jadis livré l’accusé à la police, alors qu’ils faisaient partie d’un même groupe révolutionnaire, quarante ans plus tôt…

Fresque familiale
Véronique Olmi s’est lancée avec Les évasions particulières (Albin Michel) dans une grande fresque familiale s’étalant sur dix ans, avec en filigrane le combat des femmes pour l’indépendance à partir des années 70. On y découvre trois sœurs fort différentes, autant dans leurs ambitions que leur personnalité, qui ont en commun de désirer s’affranchir des normes et diktats appris durant leur jeunesse pour vivre pleinement. On reste du côté féminin avec Fille, de Camille Laurens (Gallimard), qui dissèque la construction et les mutations sociales de sa narratrice, qui grandit dans les années 60 avec ses sœurs et qui, trente ans plus tard, devient à son tour mère d’une fille. Après tout, « fille », est-ce l’enfant de quelqu’un, un enfant de sexe féminin, une femme non mariée, une prostituée? Un seul mot pour tant de réalités différentes… Dans Distance, d’Ivan Vladislavić (trad. Georges Lory) aux Éditions Zoé, on délaisse les filles pour orienter le regard vers l’histoire de deux frères, au début des années 70, en plein Apartheid sud-africain. Il y a Banko, qui rêve de gagner le Tour de France, et le petit Joe, qui voue un véritable culte à Mohamed Ali. Dans une narration donnant voix à chacun des frères, on assiste à leur plongée dans leur enfance, car, quarante ans plus tard, Joe décide d’écrire un roman sur Ali, en se basant sur toutes ces coupures de journaux découpées durant sa jeunesse. La distance du titre, c’est celle entre les deux frères, mais aussi celle entre les Noirs et les Blancs, celle entre les boxeurs lors de combats.

« Un roman d’une ambition rare, mêlant l’intrigue balzacienne à l’hymne pop », voilà ce que dit Stock, l’éditeur du roman Les démons de Simon Liberati, où le lecteur se promènera sur trois continents, rencontrera notamment Andy Warhol et Truman Capote, et où il assistera notamment à la vie de trois enfants terribles, une fratrie aussi séduisante que vénéneuse dont la sœur sera défigurée. Elle partira alors, mais à son retour de New York elle n’aura pas changé que de visage : son âme sera également renouvelée. Dans Histoire du fils (Buchet/Chastel), Marie-Hélène Lafon propose une saga familiale qui galope entre les époques, entre la ville et la campagne, et qui a la particularité d’être très courte. Il y est question de vaillance, par l’entremise de l’histoire d’un garçon qui sera élevé, au milieu de ses cousines, par sa tante.

À lire aussi
Histoires de la nuit, Laurent Mauvignier (Minuit)
Betty, Tiffany McDaniel (Gallmeister)
Les roses fauves, Carole Martinez (Gallimard)
Balai de sorcière, Lawrence Scott (Mémoire d’encrier)

L’envers du monde
Plusieurs auteurs prennent aussi la plume pour décrier ce qui les tracasse dans notre monde actuel. Dans Les lionnes de Lucy Ellmann au Seuil, on plonge dans l’universel par l’intime, alors qu’une mère au foyer nous fait part de ses réflexions sur le monde qui l’entoure, rumine sur cette Amérique dont elle voit les failles. C’est probablement grâce à son humour corrosif qu’elle a su se glisser parmi les finalistes du Booker Prize. Si vous hésitiez encore à plonger dans ce titre, sachez que c’est le traducteur émérite Claro qui nous permet de le lire en français, et que l’éditeur le décrit comme une « apnée littéraire exceptionnelle ».

Dans Delicious Foods (Globe), Eddie, 17 ans, a un plan : sauver sa mère de la ferme Delicious Foods, en Louisiane, où elle se trouve depuis six ans. Non seulement cette ferme exploite ses employés, mais elle les garde prisonniers en maintenant une terreur physique, un endettement perpétuel et une dépendance à la drogue — laquelle leur est fournie. S’il ajoute un peu d’humour à son écriture, tout en cerclant les grandes questions de la liberté et de l’amour, James Hannaham a aussi eu la brillante idée de donner dans son roman la parole à trois personnages : la mère, le fils et… la drogue.

Voilà qu’Éric Reinhardt change totalement de registre avec son nouveau roman, intitulé Comédies françaises (Gallimard), l’auteur s’attaquant cette fois au pouvoir des lobbys, par la lorgnette d’un ingénieur qui fut aux sources de l’invention qui devint l’ancêtre d’Internet, mais dont les recherches furent interrompues par les pouvoirs publics en 1974. C’est son personnage, un reporter de 27 ans, de nos jours, qui se lance dans une enquête sur la naissance d’Internet, enquête qui l’entraînera jusqu’à un puissant industriel qui, visiblement, a eu le bras bien long…

La Géante, c’est le nom du roman de Laurence Vilaine, chez Zulma, mais c’est aussi le nom de la montagne au pied de laquelle vit Noële, sorcière à ses heures car en symbiose avec la nature. Elle a toujours vécu à cet endroit, recueillie avec son frère par la Tante. Elle attend peu de la vie, du moins jusqu’au jour où deux inconnus viennent bouleverser sa conception du monde, lui montrant les trous — d’amour et de manque — qu’elle n’a jusqu’alors jamais emplis…

À lire aussi
Les Dynamiteurs, Benjamin Whitmer (trad. Jacques Mailhos) (Gallmeister)
Sous le ciel des hommes, Diane Meur (Sabine Wespieser éditeur)
Comme un empire dans un empire, Alice Zeniter (Flammarion)
Saturne, Sarah Chiche (Seuil)

Un peu de fantaisie
« C’est la nuit de la mort de mon père que je vis la cuillère pour la première fois ». Voilà comment s’ouvre La cuillère, roman farfelu à la narration rythmée signé Dany Héricourt, chez Liana Levi, où une cuillère accaparera l’esprit de Seren, 18 ans, qui partira à la découverte des origines de cet objet dont elle ne comprend pas la présence dans la maison familiale. Du pays de Galles à la France, où elle découvrira en Bourgogne un château recelant une foule d’histoires, Seren tentera de découvrir si c’est la grande Histoire qui crée les petites, ou les petites qui forment la grande.

En jouant avec le réel et la fantasmagorie, Jean-Marie Blas de Roblès nous invite quant à lui à un savoureux voyage entre folie et souvenirs, entre lieux inexplorés et érudition dans Ce qu’ici-bas nous sommes (Zulma). Son personnage, Augustin, est réfugié dans une clinique et tente de revenir sur une étrange et merveilleuse expérience lors de la découverte d’une oasis, en plein désert, il y a quarante ans… Dieu, dit-il, y vivrait, en compagnie de son envoûtante vestale, Maruschka Matlich… Intrigant, non?

Deuxième volet du cycle romanesque de Jean-Philippe Toussaint mettant en scène Jean Detrez et amorcé avec La clé USB, Les émotions (Minuit) explore cette fois la question de l’avenir. Si l’avenir public est perçu comme de la prospection, vouloir connaître son avenir privé relève de la voyance. Toussaint s’intéresse ainsi maintenant à la vie privée de son personnage.

À lire aussi
Nos frères inattendus, Amin Maalouf (Grasset)
Laisse folie courir, Gerda Cadostin (Mémoire d’encrier)

Pour voir du pays
C’est sous l’angle de l’exil qu’on voyagera, avec Dima Abdallah et Mauvaises herbes (Sabine Wespieser éditeur), un exil certes physique, mais surtout intérieur. Dans ce livre, on suit deux personnages — une fille et son père — qui sont les « mauvaises herbes » du titre, en ce sens qu’ils semblent avoir poussé là où ils ne devaient pas. Ce sont des marginaux, des esprits libres qui refusent le monde actuel. Bien que celle-ci soit esquissée, il ne s’agit pas d’une histoire de guerre au Liban, mais bien d’une histoire d’amour. Déjà en lice pour des prix en France, ce premier roman regorge de tendresse. Du côté de chez Stock, on s’attarde à Aria de Nazanine Hozar, qualifié par Margaret Atwood de « Docteur Jivago iranien », alors que l’histoire se déroule dans les années 50 à Téhéran, où trois femmes marqueront la destinée de la jeune Aria aux yeux clairs.

À lire aussi
Vladivostok Circus, Elisa Shua Dusapin (Éditions Zoé)
Héritage, Miguel Bonnefoy (Rivages)

Nos auteurs canadiens hors Québec
Ils sont toujours difficiles à classer, ces auteurs canadiens hors Québec, en ce sens que l’étiquette « littérature étrangère » leur sied plus ou moins bien. Cependant, les voici tout de même ici présentés, avec toute la couleur qui caractérise leur écriture et avec l’unicité de leurs sujets. On attire tout d’abord votre attention sur le nouveau Dawn Dumont, auteure remarquée avec la sortie de On ne pleure pas au bingo. L’auteure crie, traduite à nouveau par Daniel Grenier, présente cette fois La course de Rose (Hannenorak), où la protagoniste décide de participer à un marathon. Ce dont elle ne se doutait pas : le Windigo, démon mythologique de sa communauté, se joindra à la partie. Avec son humour tordant (on rappelle que l’auteure est également humoriste), ce roman est décidément à ajouter à votre bibliothèque! Aux Éditions de Ta Mère, on retrouve en traduction (par William S. Messier) Andrew Forbes avec Terres et forêts, un recueil de nouvelles qui fait la part belle à la ruralité de l’Ontario ainsi qu’à ses ressources naturelles, le tout avec un traitement très contemporain où les personnages, brisés ou en fuite, se retrouvent dans le grandiose qui les entoure. Émotions viscérales au rendez-vous!

Du côté des Éditions l’Interligne, on souligne L’équivoque, roman d’Alain Cavenne inspiré par La symphonie pastorale d’André Gide. Grâce à des notions de philosophie glissées ici et là dans l’histoire, l’auteur relate un amour entre une jeune femme et un ancien professeur. On s’attardera aussi à Tiriganiak, docteure au Nunavut, de Gilles Dubois, alors qu’on suivra l’aventure de Gaïa, une chirurgienne métisse ouvrant une clinique au Nunavut. Elle s’y fera appeler Tiriganiak, soit « renard blanc » en inuktitut. Dans cette communauté où les difficultés sont légion, elle tentera malgré tout de changer les choses. Nous nous réjouissons de savoir qu’après dix-sept ans d’attente, un nouvel opus de J. R. Léveillé se joint au rang des nouveautés de la rentrée, soit Ganiishomong ou l’extase du temps, aux Éditions du Blé. Souvenirs d’enfance côtoient sagesse et poésie, musique et philosophie, dans un récit qui appelle à la réflexion, à la contemplation et à vivre l’Art.

Du côté de Prise de parole, on débute la saison avec un récit d’immigration signé Melchior Mbonimpa avec Au sommet du Nanzerwé, il s’est assis et il a pleuré. Sur fond de guerre, deux frères prendront des routes fort différentes : l’un choisira l’exil au Canada alors que l’autre se tournera vers les luttes armées. Bien entendu, en bon conteur, l’auteur fera toutefois en sorte que les frères se retrouvent à nouveau, alors qu’une réflexion sur la paix doit se faire. « Dans ce récit contemporain aux accents universels, l’amitié, l’amour et la loyauté s’avéreront les derniers remparts d’un monde où le mal et la vertu n’ont ni camp ni parti », explique l’éditeur au sujet de ce titre prometteur. Toujours chez Prise de parole, on se tourne finalement vers Des dick pics sous les étoiles de l’Acadien Pierre-André Doucet. Un roman racontant le retour à Moncton d’un homme dans la mi-vingtaine qui, tranquillement, dérive. Une verve rythmée, adroite, captivante, qui place ce roman contemporain parmi les voix littéraires à surveiller de près.

À lire aussi
Les innoncents, Michael Crummey (Leméac)

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