Frédéric Gauthier, cofondateur et coéditeur des éditions La Pastèque, présente une bande dessinée qui l'a particulièrement marqué : Le discours de la panthère de Jérémie Moreau (2024).

Quête de sens
Comme éditeur, on a la chance de lire beaucoup et surtout de voir éclore de nombreux talents. Dans les dernières années, j’ai pu admirer le travail incroyable de Jérémie Moreau qui, à travers maintenant quatre œuvres comme auteur, a su imposer son style étonnant et son approche naturiste et sociologique au monde de la bande dessinée. Son dernier livre Le discours de la panthère arrive avec un bagage impressionnant d’échos : sélection à Montreuil et à Angoulême. Rien d’étonnant pour ce jeune prodige qui a remporté le Fauve d’or pour sa deuxième création seulement à l’âge tendre de 31 ans pour La saga de Grimr.

Son dernier livre est un conte animalier et philosophique sur la quête du sens de la vie. Ce récit, formé de plusieurs histoires courtes, met de l’avant plusieurs animaux : buffle, étourneau, autruche, jeune éléphant… Cet ensemble de paraboles est d’une grande force d’évocation et permet un regard moral sur les enjeux modernes de notre monde qui s’effrite. Outre cette approche narrative ingénieuse qui trouve son apogée dans une finale digne du Roi lion, le dessin de Jérémie Moreau nous éblouit. Misant, cette fois, sur une approche plus réaliste dans le rendu des bêtes, ces pages explosent avec une palette chromatique foisonnante, et surtout, on peut admirer le brio narratif dans la composition des pages et la structure des cases. Il utilise les grands espaces, les vides et les pleins d’une façon admirable, donnant au récit un souffle épique. Que dire également des textures utilisées sur différentes surfaces qui viennent créer une richesse visuelle rarement atteinte ! Les effets créés à l’ordinateur, dont certains abusent, sont ici repoussés et justifiés pour mieux rendre le caractère quasi religieux et astral de cet univers réflexif. Un mot aussi sur le magnifique travail éditorial de 2024 dans la création de cet album. Tout est parfait dans l’objet : le choix de papier, le travail typographique, les pages de garde. Tous ces éléments permettent au livre une symbiose totale rendant hommage au grand travail de Jérémie Moreau. Toute son œuvre est à lire, particulièrement son premier livre étonnant : Max Winson.

 

Fondées en 1998 par Frédéric Gauthier et Martin Brault, les éditions La Pastèque peuvent aujourd’hui se targuer d’avoir contribué à l’essor de la bande dessinée québécoise contemporaine, d’avoir soutenu des bédéistes de talent et d’avoir suivi une veine — à la fois intimiste et universelle, à la fois graphique et audacieuse — jusqu’alors non défendue dans le Canada francophone. En ouvrant leurs portes aux livres jeunesse quelques années plus tard, les éditions La Pastèque ont continué d’égayer les étagères des librairies et les heures du dodo de bien des petits. Les prix reçus témoignent de leur talent : Grand Prix Grafika, Joe Shuster Awards, Prix Coup de cœur Lux, en plus du prestigieux Prix du meilleur éditeur jeunesse d’Amérique du Nord, en 2014, décerné par la Foire du livre jeunesse de Bologne .

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