De quoi ça parle?
En créant cette œuvre biographique impressionnante, Léonie Bischoff réussit un tour de force : elle s’inspire des journaux et des correspondances des années 30 d’Anaïs Nin, se les approprie puis les condense sous la forme d’une bande dessinée, tout en conservant leurs saveurs, leurs émotions fortes et leur essence. « Avec Anaïs Nin, j’ai conscience de toucher au mythe. Le plus difficile est de se détacher des sources et de toutes les informations biographiques qu’on recueille au fil des lectures », confie la bédéiste qui, en usant de citations de Nin, a parfaitement su nous présenter non pas une écrivaine mythique et controversée, mais une femme qui avait une perception bien unique de comment elle souhaitait vivre son art, son intimité et sa vie.

Empreinte de séquences oniriques fortes qui dévoilent la nature mouvante de l’écriture de Nin, la bande dessinée a ceci d’original qui s’harmonise tout à fait avec son sujet : elle est dessinée avec un crayon à mine multicolore. C’est ce qui met en évidence cette façon d’être multiple, de s’adapter à chacun, dont fait montre sa protagoniste.

Voilà donc la somme d’un projet qui a mûri durant près de huit ans, fait 190 pages et présente une Anaïs forte, alors qu’elle vit à Paris, rencontre Henry Miller et sa femme — l’énigmatique June —, découvre la psychanalyse et sombre dans une incestueuse relation avec son père. Des années charnières pour l’écrivaine, qui fera de son journal un allié qui obtiendra la place centrale dans sa vie. En adoptant l’angle de la constante multiplicité des facettes de la personnalité de Nin, Léonie Bischoff rend un hommage vibrant, coloré et sensuel à cette femme qui aura revendiqué la liberté de créer, de se créer.

Citation
« Si je ne me crée pas un monde par moi-même et pour moi-même, je mourrai étouffée par celui que d’autres définissent pour moi. Je n’ai plus peur des mensonges. Ma morale n’existe que lorsque je suis confrontée à la peine de quelqu’un d’autre. »

 

À lire si vous avez aimé
Joséphine Baker de Catel et Bocquet (Casterman)
Journal de l’amour d’Anaïs Nin (Le Livre de Poche)
La Maison d’Emma Becker (Flammarion)

 

Illustration : © Léonie Bischoff

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