Lauréate du Prix d’excellence 2023 de l’Association des libraires du Québec, Éliane Ste-Marie est l’une des copropriétaires de la Librairie L’Exèdre, à Trois-Rivières. Si on ne l’a pas vue à la télévision ni entendue à la radio, c’est que cette libraire depuis bientôt vingt-cinq ans œuvre plutôt dans les coulisses du commerce. Elle garde le fort avec brio, mettant à profit sa minutie, son intelligence fine et ses connaissances variées. Lumière sur cette discrète libraire qui ravit ses clients grâce à ses conseils avisés.

En quoi la discrétion est une belle qualité pour une libraire?
Plutôt qu’une qualité, c’est avant tout un trait de caractère. C’est vrai, je serai toujours plus à l’aise derrière mon bureau, mon comptoir ou une pile de boîtes. Là où ça devient une qualité, c’est lorsque les forces de chaque membre d’une équipe se complètent. Je suis impressionnée par ces libraires présents sur la scène culturelle et dans les médias, qui sont de formidables ambassadeurs et ambassadrices pour le livre et notre métier. Ils sont essentiels à la diffusion de la littérature et rendent les librairies vivantes et accueillantes. Ça prend également des libraires pour acheter, commander, réceptionner, conseiller, facturer et classer les livres. Entre autres. Le travail qu’on fait en coulisses est énorme, et si on tient compte des aptitudes et du tempérament de chaque libraire dans la répartition des tâches, on s’assure d’avoir une équipe forte et heureuse.

Selon toi, en quoi la librairie est-elle un lieu essentiel à une société, à un quartier? Et dans le cas de l’Exèdre en particulier?
Une librairie, c’est beaucoup plus qu’un magasin où on vend des livres. C’est le dernier maillon de la chaîne, avec les bibliothèques, avant que le livre se retrouve dans les mains des lecteurs. Les canaux de diffusion du livre se sont multipliés ces dernières années. En plus des médias traditionnels, on a vu apparaître de nombreuses plateformes qui font la promotion du livre. Je ne peux que m’en réjouir. Les clients entrent chez nous souvent très informés, mais nous demandent encore de les conseiller, de faire le tri. Ils nous font confiance parce qu’on les connaît, on sait ce qu’ils ont aimé lire, on les écoute. C’est la grande force des commerces de proximité.

Une librairie, c’est un lieu d’échanges, de rencontres et de découvertes. En cela, la nôtre porte bien son nom. Dans l’Antiquité, l’exèdre était le nom d’une salle, souvent en demi-cercle, pourvue de sièges, qui servait à la conversation.

Tu as dit en entrevue avoir suivi les pas de ta mère : dis-nous-en plus. Tu as commencé où et à quel âge?
Quand j’étais petite, ma mère travaillait à la Librairie Poirier, où elle s’occupait de la comptabilité. Lorsque j’ai cherché un boulot à 19 ans, j’y ai naturellement tenté ma chance. Ce qui était au départ un emploi « en attendant » est devenu une carrière. Ma mère m’a ouvert la porte, mais c’est celle qui a été ma deuxième maman, Jocelyne Veillette (librairies Poirier, L’Odyssée, Au Carrefour), qui a été mon modèle comme libraire. C’est à elle que j’aurais offert le prix de libraire d’excellence, pour son intégrité, sa conscience professionnelle, son immense générosité. Elle nous a quittés en 2020 et me manque affreusement. Je crois qu’elle serait fière.

En 24 ans de métier, qu’est-ce qui t’anime encore dans ta profession, qu’est-ce qui te surprend encore?
C’est déjà quand même formidable de travailler avec des livres, non? En plus, il y a tous les gens qu’on rencontre: lecteurs, auteurs, éditeurs, représentants, bibliothécaires et professionnels du livre et les autres libraires. Ma librairie, mes collègues, c’est ma seconde famille.

Y a-t-il un lien qui unit ta passion de la broderie à ton travail avec les livres? [Une des œuvres d’Éliane est d’ailleurs en couverture de Pour mémoire (Petits miracles et cailloux blancs), chez Alto.]
La broderie et les livres sont des passions tranquilles. Le lien le plus évident, c’est que j’ai débuté en reproduisant en broderie des spécimens à la manière des planches de sciences naturelles contenues dans les vieux livres et rapports d’expéditions que j’adore feuilleter. Sinon, mon amour des objets et ma manie de tout collectionner, trier, classer sont comblés par ces deux univers.

Photo : © Bélisle

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