Les douze signes du zodiaque sont à l’honneur dans Horoscopiques, un recueil de nouvelles signé de la patte d’un illustre Taureau, l’auteur et ex-éditeur Gilles Pellerin en l’occurrence, celui qui a cofondé puis dirigé la maison d’édition L’instant même pendant trois décennies.

Intrigante, rigolote, d’inspiration vieillotte. Illustrée par Josiane Lapointe, la couverture du dernier ouvrage en date de Gilles Pellerin pourrait, dans un moment d’égarement ou d’inattention, laisser croire à un guide sur l’astrologie et mener à de succulents quiproquos chez le libraire. Or, ce livre ne fait pas concurrence aux guides d’Anne-Marie Chalifoux. Et le principal intéressé, par sa nature farceuse, s’en amuse ouvertement. « Pour quelqu’un qui veut en savoir plus sur l’astrologie, c’est peut-être pas l’ouvrage par excellence », résume-t-il, pince-sans-rire. « Mais ce serait drôle si, au Salon du livre, quelqu’un arrivait pour me demander de faire sa carte du ciel! »

Ce recueil en est un plutôt littéraire. Chacune des nouvelles donne à entendre la voix d’un élu de chaque signe qui s’empêtre dans les caractéristiques qui devraient le prédestiner. On retrouvera par exemple un homme qui n’est pas né entre le 21 mars et le 19 avril, mais qui tentera de se faire passer pour un Bélier afin de gagner le cœur de sa dulcinée, ou encore un digne Cancer qui décrochera l’emploi de ses rêves après avoir attendu, oisif et confiant, que ledit job se présente à lui comme par magie.

C’est son intérêt pour les notions de destin et de fatalité qui ont poussé le nouvelliste à écrire sur le mouvement des astres et tout le folklore qui vient avec. En quête de réponses, l’humain se réfère, et depuis des temps immémoriaux, aux techniques de l’horoscope. Pour Gilles Pellerin, la mythologie entourant tout ça s’est avérée une foisonnante source d’inspiration. « L’astrologie, c’est quand même un sacré système d’interprétation qui est vieux. C’est très élaboré, c’est millénaire aussi! Je ne vous cacherai pas que j’ai fait de la recherche. Je ne suis pas astrologue! […] Les personnages dans le recueil, qu’ils y croient ou pas, ils sont tous à la recherche de quelque chose qui expliquerait leur vie, quelque chose qui expliquerait le monde. Que notre vie soit réglée par des rouages sidéraux, des rouages cosmiques… Qu’on y croit ou pas, c’est fascinant, c’est extraordinaire! Dans une certaine mesure, c’est rassurant parce que tu te dis “OK, je suis pas là par hasard” et tu te sens partie prenante d’un immense mécanisme. »

Lire ou ne pas lire son horoscope? Telle est la question qui, mine de rien, s’impose en discutant avec celui qui signe le recueil Horoscopiques. Mais la réponse de M. Pellerin, joyeusement évasive et minutieusement réfléchie, laisse planer le mystère. « Je ne vous répondrai pas et je vais vous dire pourquoi… C’est la seule chose que j’ai préparée en pensant à d’éventuelles entrevues. C’est parce que si les gens qui vous lisent se disent “ah, c’est l’ouvrage de quelqu’un qui croit à l’astrologie”, ils vont se faire, au préalable, une idée du recueil. Même chose s’ils se disent que ça a été écrit par quelqu’un qui n’y croit pas, ils vont aborder le livre autrement. »

Même si Gilles Pellerin ne consent pas à dévoiler la nature de ses croyances, il admet, non pas sans s’en amuser, qu’il accepte son sort de Taureau. « Je suis comme la narratrice du deuxième texte, celle qui a gagné un forfait chez le diseur de bonne aventure. Moi, je suis un Taureau comme elle, c’est-à-dire que c’est le signe qui est réputé comme étant le plus sceptique. Je suis sceptique pour tout! Cela étant dit, les traits que l’on prête au Taureau me conviennent, me vont parfaitement. Ah, mon dieu, le Taureau, c’est le signe le plus plate qui soit! »

Un gars de Shawinigan avant tout
Né aux abords de la Cité de l’énergie en 1954, Gilles Pellerin a depuis été fait Chevalier des Arts et des Lettres en France, en plus de voir ses ouvrages traduits en anglais, en espagnol, en néerlandais, en serbe, en polonais, en tamil, en suédois et en allemand. Détenteur d’une sacrée feuille de route, du prix Hommage du Salon du livre de Québec parmi tant d’autres récompenses, le Shawiniganais d’origine n’a pourtant jamais oublié d’où il vient.

Au-delà des signes du zodiaque, l’un des autres thèmes prédominants de son plus récent livre est le monde du travail. Avec l’ennui qui l’accompagne pour certains, mais aussi avec une furieuse envie de se rebeller contre leur employeur. Gilles Pellerin n’a jamais été conscrit au cubicule d’un bureau beige comme certains de ses personnages, mais cette envie de parler de l’aliénation liée au monde du travail lui vient en fait de ses racines, de son premier boulot. « Je viens de la petite banlieue ouvrière de Shawinigan. Mon papa a passé sa vie dans une usine. […] Les copains et moi, on a payé nos études en allant travailler à l’usine nous aussi. Mon père travaillait dans le papier. C’était quand même prédestiné, résume-t-il habilement, pour quelqu’un qui allait travailler dans l’édition et dans l’écriture! »

Photo : © Pierre Gignac

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