Mario Brassard : Hurler contre les loups

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D’abord poète, puis écrivain émérite pour la jeunesse – pensons à La saison des pluies –, Mario Brassard prouve avec Quand hurle la nuit que le génie d’une histoire réside dans la façon d’en manier les mots pour créer des images fortes, porteuses d’un sens profond. En mettant en scène Salicou, aux prises avec trois bourreaux dont les crocs sont aussi aiguisés que leurs paroles, il aborde le racisme de l’intérieur, avec tact. Dans cette nuit qui hurle d’émotions, le lecteur suivra Salicou dans sa croisade pour affronter ses ténèbres noires comme l’ébène…

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire un livre jeunesse sur le racisme?
J’aime les histoires de résilience. Les enfants qui souffrent du racisme et de toute autre forme de rejet ou d’intimidation basée sur le refus de la différence doivent compter sur la résilience pour rebondir. Par la fiction, j’avais envie d’explorer l’imaginaire d’un enfant qui, confronté au racisme pour la première fois, se réfugierait dans un monde inventé de toutes pièces pour échapper à la réalité.

Votre travail sur l’écriture est une part importante du succès de vos œuvres. Croyez-vous que les métaphores – par exemple, celle des loups et du mouton noir – rejoignent davantage les jeunes lorsqu’il est question de sujets sensibles?
Je ne sais pas si ça les rejoint davantage, mais lorsque je les rencontre dans les écoles, je constate, à tout le moins, que ça les interpelle. Eux-mêmes cherchent souvent à s’expliquer le monde par des métaphores, à plus forte raison quand il s’agit de sujets sensibles ou tabous. On a beau connaître la définition exacte du mot deuil ou du mot racisme, ça reste toujours un peu abstrait, une espèce de fleur floue qui ne pousse que dans la pelouse du voisin. Les métaphores, en utilisant des référents familiers, concrets, nous rappellent que nous sommes aussi le voisin de quelqu’un d’autre.

Que représente ce dragon qui vient en aide à Salicou? 
Le dragon est, en quelque sorte, la réponse inventée par Salicou pour exprimer sa colère et son désespoir. Il est tout ce que Salicou n’est pas et qu’il aimerait bien être à ce moment précis de sa vie : énorme, horrible, méchant. Il en fait l’instrument privilégié de sa vengeance fantasmée, mais un instrument dont il aura tôt fait de perdre le contrôle, tant sa colère est grande. Le feu du dragon ne le réchauffera pas durablement, pas plus que ses agissements n’aideront Salicou à régler son problème. C’est l’allié d’un temps, celui du silence et du repli sur soi.

 

Crédit photo : © Ruth March

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