En 2017, Lucile de Pesloüan avait déridé les documentaires jeunesse en proposant Pourquoi les filles ont mal au ventre?, qui traitait sans fard ni hypocrisie du sexisme ordinaire et de ses impacts. Toujours avec son acolyte Geneviève Darling aux dessins, elle récidivait l’année suivante avec J’ai mal et pourtant, ça ne se voit pas…, sur la maladie mentale. Cette année, elle publie C’est quoi l’amour?, ouvrage empreint de tendresse, mais aussi de colère, livre qui met des mots sur un sentiment qui déborde du simple prisme amoureux pour toucher à l’agapè universelle, tout en fouillant ces petits recoins de noirceur qui s’y cachent parfois. L’auteure nous en dévoile ci-dessous plus sur sa démarche, nous incite à ouvrir nos œillères.

« Dans ce livre, vous ne trouverez ni la recette du grand amour, ni des cœurs à toutes les pages, encore moins une définition de l’amour », lit-on en début d’album. Comment décririez-vous alors ce qu’on retrouve dans votre livre?
Je voulais faire un livre engagé, littéraire et un peu philo­sophique sur l’amour. Mais j’avais envie qu’on y retrouve aussi des réflexions concrètes sur ce sentiment plus grand que nature qui est au cœur de nos préoccupations. On cherche tous l’amour, j’ai l’impression qu’on vit pour ça. Or il prend la forme de multiples facettes, et ce sont ces facettes que j’ai eu envie de montrer. Je suis donc passée par des anecdotes personnelles, des observations, de la poésie, de la fiction, des citations d’autrices inspirantes pour souligner sa présence à des endroits où on peut oublier qu’il existe. Les illustrations de Geneviève Darling accompagnent de manière très organique toutes ces réflexions. C’est comme un voyage, une déambulation où on est invité à prendre ce dont on a envie, ce dont on a besoin, ce à quoi on n’avait pas forcément pensé…

En quoi, en 2020, est-il important de spécifier — comme vous le faites dans votre livre — que l’amour, ça implique aussi les combats sociaux et le fait de s’aimer soi-même, et que l’amour, c’est aussi la nature?
C’est important pour moi de le spécifier parce que j’ai l’impression que cela ne va pas de soi. Quand on regarde autour de nous, tout ce qui se passe, on semble oublier que l’amour implique les combats sociaux. Où est l’amour dans la politique, dans la société civile, dans les actions des gouvernements, dans la protection des animaux et de la nature, dans les discriminations des personnes vulnérables? Où est l’amour dans la manière dont les Blancs traitent encore les personnes noires, dans la manière dont les hommes traitent encore les femmes en 2020?

L’amour, ce n’est pas seulement la romance, le sentiment amoureux, l’amitié ou l’amour familial. L’amour, c’est se sentir bien, au sens très large. Et pour moi, cela passe par l’intégrité. J’ai la conviction qu’en étant en accord avec nos valeurs, en s’intéressant aux autres, en s’engageant pour un monde meilleur, les répercussions sur les autres, sur la société, sur nous, seront non négligeables. On ne le dira jamais assez, la communauté, l’entraide et le partage sont les seuls moyens de vivre en société.

Votre livre contient une vision de l’amour, de la vie, qui peut éclairer autant les jeunes que les adultes. (D’ailleurs, on suggère aux adultes de le lire avec attention!) Selon vous, quelle différence, quel impact pourra avoir votre livre dans l’existence d’un lecteur?
Avec Geneviève Darling, on s’est toujours dit que ce qu’on voulait, c’est qu’en reposant le livre, le lecteur, la lectrice, se sente bien, apaisé, enveloppé. J’aimerais que ce livre fasse prendre conscience aux gens des petites choses, de toutes ces petites choses qui peuvent faire la différence. De l’importance d’apprendre peut-être, aussi, à démystifier l’amour, à le repérer de loin pour ne pas passer à côté…

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