C’est le roman M.I.A. : Ma réalité augmentée, publié chez Québec Amérique, qui remporte ce prix qui favorise l’accessibilité de la science auprès des enfants. Avec comme thématique l’intelligence artificielle, nul doute que ce sujet profondément actuel saura plaire aux jeunes! Rencontre avec Fabrice Boulanger.

Mais avant de plonger dans l’univers de l’auteur, un petit mot sur ce prix. Organisé par l’Association des communicateurs scientifiques, le prix Hubert-Reeves soutient la production d’ouvrages de vulgarisation scientifique et en honore sa qualité. Les coups de cœur jeunesse sont déterminés par un comité de lectrices et de lecteurs âgés de 8 à 15 ans, ce qui en fait un prix doublement pertinent!

Quelle place la science occupe-t-elle dans votre vie?
Je m’y intéresse en simple curieux par le biais de livres ou de reportages de vulgarisation scientifique. Beaucoup de sujets me fascinent comme l’astrophysique, la physique quantique, les nouvelles technologies et forcément, l’intelligence artificielle.

C’est une année faste pour vous puisque vous avez également remporté le Prix littéraire de la Ville de Québec dans la catégorie jeunesse, et votre livre s’est retrouvé parmi les finalistes pour l’initiative Une ville, un livre. Bravo! En plus de souligner ses qualités littéraires, le prix Hubert-Reeves souligne en outre la vulgarisation scientifique. Que signifie ce prix pour vous?
C’est un prix dont je suis très fier. Forcément, recevoir un prix pour son travail est toujours très gratifiant, mais habituellement ça vient de cercles de lecteurs ou de professionnels du domaine littéraire. Dans le cas du prix Hubert-Reeves, il s’agit de communicateurs scientifiques et de lecteurs qui s’intéressent à la science, ça valorise un aspect de mon travail, la vulgarisation scientifique, qui est généralement placée au second plan après l’aspect littéraire d’un récit. À mon sens, ce prix a une valeur un peu différente des autres.

Et, petit plus personnel, je suis un fervent lecteur des ouvrages de Hubert Reeves.

Ce n’est pas votre seul livre où la science est en trame de fond. On pense à Archimède Tirelou inventeur, la série Spoutnik ou la série commencée avec Alibis inc. C’est un bon terreau, si?
C’est, sans aucun doute, un terreau très fertile pour de bonnes histoires.

J’aime baser mes récits sur des thèmes qui m’imposent d’en savoir plus. Autant pour Alibis inc., que pour Spoutnik ou M.I.A., les thèmes de fond m’obligent à me « forger » une opinion spécifique plutôt qu’à « avoir » une opinion toute faite qui est généralement une ode à la paresse et à l’ignorance. Se forger une opinion implique de la lecture, de la documentation, des heures passées à essayer de comprendre et d’y voir clair. J’aime ce petit côté découverte, apprentissage, même s’il peut parfois être un peu long et fastidieux. Après, il faut transmettre…

J’ai l’avantage d’être en contact avec mon lectorat grâce à des animations scolaires et donc de relativement bien le connaître. Ça me permet d’adapter mes textes à leur niveau de compréhension et d’intégrer, avec plus de fluidité, mes modestes connaissances acquises.

Cela dit, tout ce qui est science et technique, dans un récit, a aussi un gros défaut qui est l’obsolescence. Des considérations techniques, des avancées technologiques ou des théories scientifiques peuvent être très vite dépassées, voire désuètes. Ça implique que le roman peut très vite devenir vieillot.

Je m’en suis rendu compte lorsqu’avec mon éditrice, nous avons compilé l’intégrale de la série Alibis inc. Le premier tome parlait encore de disquettes et de téléphones portables avec touches. On était très loin des téléphones intelligents à l’époque de la rédaction. Les protagonistes s’organisaient de bric et de broc pour réaliser des opérations qui aujourd’hui se font en toute simplicité.

Parlez-nous un peu de votre livre.
Avant même de penser à l’histoire, je voulais créer une série pour ados qui, comme moi quand j’étais jeune, ont de la difficulté en lecture, ou qui sont des nouveaux venus au Québec et dont la langue maternelle n’est pas le français. Donc, histoire courte, texte aéré, axé sur le dialogue, mais avec un thème spécifique à leur âge.

L’idée de parler des avancées de l’intelligence artificielle me tentait et je suis parti de cette envie, toute personnelle, d’en savoir plus sur le sujet.

Donc, en gros, Damien est un ado qui a eu un accident grave lors d’une sortie d’escalade. Médicalement parlant, il est déclaré tétraplégique, paralysé des quatre membres. Son père est un chercheur en intelligence artificielle. Non seulement il a envie d’aider son fils, mais il voit aussi la possibilité de concrétiser l’ensemble de ses recherches en rendant à Damien sa mobilité grâce à une intelligence artificielle.

Damien va donc être équipé de prothèse dans ses membres qui seront contrôlés par une IA et c’est Damien à son tour qui communiquera à cette IA ses désirs de mouvement.

S’il ne veut pas ressembler à un simple robot, Damien va devoir éduquer M.I.A. et lui transmettre la sensibilité qu’elle a du mal à acquérir. Il s’ensuit, évidemment, tout une série de complications et de scènes cocasses puisque la communication entre les deux n’est pas si simple.

Vouliez-vous y passer un message pour les jeunes lecteurs?
J’essaie de ne pas trop véhiculer de message dans mes livres, mais plus d’ouvrir des portes à la réflexion et au dialogue. Honnêtement, je ne vois pas trop quel message je pourrais avoir la prétention de faire passer sur un sujet comme l’IA qui en est à ses balbutiements et dont je suis très loin d’être un expert.

Est-ce que la présence de plus en plus notoire des intelligences artificielles vous inquiète?
Pas tellement. Je trouve cette technologie impressionnante. Tout comme Internet ou l’électricité, elle va radicalement changer nos modes de vie. Bien sûr, il va y avoir des abus, des utilisations frauduleuses et de mauvais goût comme pour tout. Ça a déjà été le cas avec l’utilisation et la récupération des images créées par des artistes pour nourrir les IA qui conçoivent des illustrations. Il faut le temps que la législation se mette en place.

A contrario, l’IA va être bénéfique dans une multitude de domaines, science, médecine, transport, etc. L’humain va avancer vers autre chose, mais comme tout changement qui vient perturber son existence, l’humain a peur.

Je ne crois pas une seconde à cette vision manichéenne qui circule sur les réseaux sociaux de la méchante intelligence artificielle qui va dominer le monde et supplanter les gentils humains. C’est le degré zéro de la compréhension, c’est de la science-fiction. Le sujet est beaucoup plus complexe et plus vaste que ça. Il demande une approche bien plus approfondie et nuancée.

Peut-on espérer une suite bientôt?
Oui, le second tome devrait sortir cet automne. Il tournera autour de deux thèmes : premièrement, que se passe-t-il si un humain aidé dans ses mouvements par une IA est piraté et contrôlé par quelqu’un de mal intentionné? Deuxièmement, quelle crédibilité a Damien, le personnage principal, dans une compétition sportive alors que son corps est équipé de prothèse électronique d’humain « augmenté » et qu’il concourt face à des élèves normaux?

Votre curiosité est attisée? Un peu de patience, encore quelques mois d’ici l’automne!

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