Caroline Merola se consacre à l’illustration et à l’écriture pour la jeunesse depuis de nombreuses années. Ses ouvrages — qui mettent souvent de l’avant des forêts colorées, des animaux animés et des couleurs vives — sont reconnus autant pour leur originalité que pour leur qualité. Avec plus de quarante livres parus, au Canada comme aux États-Unis d’ailleurs, plusieurs nominations pour différents prix et nombreux titres traduits à travers le monde, on peut affirmer que Merola est un véritable trésor de notre littérature.

Dans Victor et Lino, votre plus récent album à La courte échelle, vous présentez un ours qui bricole très bien : en prenant des objets de la décharge des lapins, il crée de nouveaux jouets originaux. Pour vous, est-il important de récupérer, de retravailler et de restaurer ce qui existe déjà? Quel message souhaitiez-vous laisser aux lecteurs?
S’il y a un message, c’est que tout peut servir à la création. Victor et Lino tourne autour de deux thèmes qui me sont chers : l’environnement et la créativité. Dans le village, les lapins sont plutôt conventionnels (sauf Lino) et ils se méfient de l’ours qui vit tout seul sur son île à fabriquer on ne sait quoi de bizarre. À la fin, les lapins — les petits, surtout — laissent tomber leurs préjugés et embarquent avec enthousiasme dans le projet de l’ours. Ce n’est pas moralisateur, c’est ludique. Et mon plaisir comme illustratrice était de dessiner l’atelier de l’ours avec tous ces objets drôles et étranges.

Vous semblez avoir un malin plaisir à jouer avec l’objet-livre, en ce sens que certains de vos livres se lisent à l’envers autant qu’à l’endroit, d’autres commencent par la fin, d’autres cachent plusieurs personnages ou objets à retrouver. Ces procédés, assurément, permettent au lecteur de rester très captif. Quels sont les plus grands défis que vous rencontrez lorsque vous créez ces livres totalement uniques?
Il y a bien sûr le défi graphique — ces images ne sont pas toujours simples à réaliser. Mais avec un peu d’astuce et de pratique, on y arrive. L’autre défi, évidemment, c’est de réussir une bonne histoire, sinon, ça ne marche pas. Capter l’attention du lecteur, le surprendre avec quelque chose qu’il ne trouvera pas sur son iPad ou sur son ordinateur, m’apporte beaucoup de satisfaction.

Lino, de l’album Victor et Lino, est un lapin. Comme plusieurs de vos personnages d’ailleurs. Pourquoi aimez-vous tant dessiner cet animal?
C’est vrai, dans mes deux, trois derniers albums, il y a un lapin. Je pense qu’il est plaisant à dessiner avec ses grandes oreilles expressives et son regard étonné. Au fond, il est un peu à l’image des enfants : enthousiaste, curieux, innocent…

Vous êtes l’artiste derrière les illustrations de vaches que l’on retrouve sur chacun des ouvrages de la collection « Ma petite vache a mal aux pattes », chez Soulières éditeur. Comment arrivez-vous à renouveler — ce que vous avez fait plus de 100 fois — l’illustration de ce ruminant?
Disons que ce n’est pas trop difficile : je dois m’inspirer chaque fois d’un roman différent. Parfois, le hasard fait que mon concept est trop près de celui de la couverture. Alors, je me creuse un peu plus les méninges!

Qu’appréciez-vous le plus dans le fait d’avoir les enfants comme premier public à satisfaire avec vos ouvrages?
En fait, le premier public, c’est moi. C’est très égoïste! En faisant des livres pour enfants, je ne me plie à aucune contrainte, à part celle de donner le meilleur de moi-même. L’univers du livre jeunesse me convient parfaitement, je peux réaliser les projets que j’ai le goût de réaliser. Et tant mieux, ça semble plaire aux enfants! Mais c’est une grande responsabilité, et un privilège.

Selon vous, le métier d’illustrateur est-il convoité en 2020?
Je ne sais pas. Quand je vois les choses magnifiques qui sont publiées, j’imagine que ce métier allume encore une nouvelle génération d’artistes.

Avez-vous une routine particulière lorsque vous vous lancez dans la conception d’un album?
Je commence souvent par dessiner de petites scènes, des personnages dans un décor. Il faut que ce soit un peu mystérieux, que ces esquisses cachent une histoire. Ensuite, c’est à moi de la trouver, cette histoire — je ne la trouve pas toujours! Parfois, aussi, ça peut être une phrase, une rime ou un titre évocateur qui m’inspirera le récit. Et la plupart du temps, je travaille de concert le texte et l’illustration.

Aimez-vous autant travailler à l’écriture de vos albums qu’aux illustrations?
Grande question! J’ai toujours aimé faire les deux, mais j’avoue que ce que j’aime dessiner influence grandement les sujets de mes histoires. Inventer une histoire qui se passe dans les bureaux de la NASA, non. Mais dans une forêt, dans un château… ou dans un petit village de lapins, OUI!

Photo : © Jacques Van de Voorde

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