Après plus de vingt années de carrière et autant d’albums, l’artiste québécois Philippe Girard lance ces jours-ci Leonard Cohen : Sur un fil, son plus ambitieux projet pour le compte du prestigieux éditeur français Casterman.

Lui ayant d’abord consacré une page complète dans 376 selfies pour Montréal publié lors des festivités du 375e anniversaire de la métropole, Girard fit le grand saut quatre ans plus tard. « Je suis habité par Leonard Cohen depuis que j’ai entendu la chanson Democracy quelque part au début des années 90 et que sa voix a fait vibrer une corde spéciale dans mon propre imaginaire, se remémore l’artiste. Cohen était un vrai Montréalais, un homme qui ne cherchait pas à vivre en marge de sa ville ou de ceux qui l’habitent, et dont l’œuvre a germé ici, chez nous. Les influences auxquelles il a été exposé sont les mêmes que pour la plupart d’entre nous. Je pense que la principale différence, c’est qu’il a réussi à utiliser celui qu’il était pour propulser ce décor dans la tête de millions de fans. Il a employé le tremplin de son identité avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité afin de parler de notre réalité à travers une œuvre très personnelle. »

Une œuvre personnelle, sensible, intelligente, authentique et empreinte d’une poésie visuelle sans fard — à l’image du créateur, en somme —, voilà ce que Philippe Girard propose. Vivant ses derniers instants en étant cloué au plancher de sa chambre, Cohen se remémore des fragments d’une vie chargée. L’ingénieuse structure narrative permet à l’auteur de faire des allers-retours dans le temps, défiant ainsi la linéarité du simple biopic. « Cohen était quelqu’un d’infiniment plus complexe dans sa sensibilité artistique que toutes ces rock stars qu’on voit chanter dans des événements caritatifs, mais qui se réfugient dans leurs palaces dorés une fois que les caméras se sont éteintes. Mon Leonard Cohen est un homme qui souffre des mauvaises critiques, qui donne aux mendiants et qui nourrit les oiseaux blessés. Il chante une humanité qui est sincère. Son départ m’a laissé avec un deuil qui a été très long à accepter. À mon sens, Leonard Cohen avait terriblement besoin d’être aimé et j’ai ressenti ce besoin, ce cri profond, lorsqu’il est mort. Sans doute parce que j’ai eu le sentiment qu’il n’avait pas reçu tout l’amour qu’il attendait. »

De l’amour, Leonard Cohen : Sur un fil en regorge. Peut-être parce que Girard se projette en Cohen. « Il a avancé dans l’existence comme un homme qui est conscient du danger qui rôde autour de lui, mais qui a choisi d’être courageux. Je voulais indiquer au lecteur que mon histoire était celle d’un homme vulnérable qui était au fait de sa fragilité, qui l’assumait même, et qui a été écorché par la vie, mais qui, paradoxalement, a réussi à surmonter les épreuves grâce à son humanité. »

Bien plus qu’une simple bande dessinée, Leonard Cohen : Sur un fil est la rencontre de deux monstres sacrés. Un pur chef-d’œuvre.

Extrait de Leonard Cohen : Sur un fil (Casterman) : © Philippe Girard

Photo de Philippe Girard : © Beata Zawrzel

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