Originaire de Baie-Comeau, Patrick Blanchette a fait ses études en graphisme avant de bifurquer en animation à l’université. Durant plusieurs années, il a mijoté l’idée d’une série qui s’articulerait autour du monde des rêves construit comme une grande industrie. C’est en 2021 qu’est paru le premier tome de la série Aube du monde des rêves, mettant en scène une jeune apprentie qui rêve de devenir ingénieure de rêves et dont l’œil vert, le gauche, lui permet d’entrer dans le monde de l’onirisme… L’originalité est au rendez-vous, la richesse de la palette de couleurs également, tout comme la succession d’aventures qui y sont bien ficelées. Des deux tomes parus à ce jour, un potentiel de douze, voire quinze, est à prévoir!

Dans votre série, vous mettez de l’avant Marshall Desable, le marchand de sable, un personnage qui, bien qu’unique car totalement revisité dans votre histoire, prend ses racines dans le folklore. Quel défi y a-t-il à utiliser une référence ainsi, à l’intégrer et à la réinventer dans une histoire contemporaine?
Plutôt qu’un défi, je crois que l’utilisation d’un personnage connu de la culture populaire facilite mon travail de communication sur la série. Quand un enfant ne le connaît pas, je le lui explique, mais la plupart en ont déjà entendu parler. Bien sûr, lorsqu’on réinvente un personnage connu, on ne veut pas le dénaturer du tout au tout, et les origines folkloriques du marchand de sable m’ont influencé dans la conception de Marshall, mais il faudra continuer de suivre la série pour comprendre exactement ce que je veux dire.

Vous osez donner quelques défauts à Aube, votre personnage principal, par exemple en montrant qu’elle est parfois un peu trop centrée sur elle-même. Cela dit, elle est aussi ambitieuse, intelligente et courageuse. La montrer comme un personnage « normal », donc avec quelques imperfections, était-il délibéré?
Aube est une série jeunesse, mais je n’écris pas « pour les jeunes », j’essaie simplement de bien écrire. C’est comme ça que les séries qui m’ont marqué étaient. J’invite d’ailleurs aussi les adultes à essayer la série, je crois fermement que je construis une intrigue bien ficelée qui les surprendra. J’essaie de créer des personnages réalistes, dont la logique interne est cohérente. Tous les traits d’Aube découlent de son objectif. Pour atteindre son rêve, elle est prête à foncer, à travailler fort et à apprendre. Mais parce qu’elle veut tellement réussir, elle veut grandir trop vite, a peur du ridicule et tend à perdre la vue d’ensemble.

D’où est venue cette idée (géniale!) de monde des rêves, de réacteurs oniriques, d’ingénieure de rêves, de rêves comme richesse énergétique?
J’aimais l’ironie derrière l’idée. Quand on pense à une industrie, on pense à l’efficacité, au motif de profit, à la froideur corporative. Tout l’inverse des connotations qu’on associe souvent au concept de « rêves ». Mon anxiété face aux changements climatiques a également influencé le concept. Artistiquement, mes influences sont nombreuses, le film L’éveil des gardiens, Peter Pan, Aladin, certains mythes grecs, Monsters, inc., et l’album The Theory of Everything du groupe Ayreon, entre autres.

Auriez-vous pu écrire cette histoire pour les adultes? Pourquoi est-ce dans une série pour la jeunesse que cette histoire a pris vie?
Je vois le travail de l’auteur jeunesse comme celui du poète, qui cherche à faire passer ses propos avec subtilité. Je reste conscient du public jeunesse, mais je ne me restreins pas narrativement. J’ai confiance qu’avec assez de finesse, n’importe quel concept peut être abordé. J’ai souvent l’impression qu’au Québec, la BD jeunesse est regardée de haut, avec condescendance. Mais ceux qui pensent ainsi ont tort, et je les invite à essayer la série.


Photo : © Julie Artacho
Extrait tiré d’Aube du monde des rêves (t. 1) : Le réacteur onirique (Presses Aventure) : © Patrick Blanchette

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