Histoire et lutte contre la stupidité au programme  

Je vous propose cette fois deux essais bien différents, mais qui risquent de plaire à beaucoup.

Malraux chez nous
La littérature et l’histoire du Québec vous passionnent? Le livre de Claude Corbo sur le passage d’André Malraux chez nous en 1963, Malraux au Québec, est pour vous.

Malraux (1901-1976), c’est bien entendu ce célèbre écrivain, résistant et homme politique français. Il était déjà passé chez nous plus jeune, en avril 1937, lors d’un court voyage en Amérique du Nord où il était venu pour témoigner de la guerre civile qui se déroulait alors en Espagne et de laquelle il sera un illustre combattant antifasciste.

Nous voici en 1963, du 7 au 15 octobre. Cette fois, c’est le ministre d’État chargé des affaires culturelles, un proche du général de Gaulle, qui vient au Canada (Ottawa) et surtout au Québec, en visite officielle.

Dans ce livre, Claude Corbo, après une substantielle introduction, nous offre les propos, conférences, allocutions et entretiens que Malraux a tenus et accordés durant son séjour chez nous. Le livre propose aussi, en annexe, une allocution faite par Malraux à Montréal en 1937, le discours qu’il prononça lors de l’inauguration de la Maison du Québec à Paris en 1961, ainsi qu’une lettre de Me Maurice Riel à Georges-Émile Lapalme (1907-1985).

Ce dernier est un passionné de littérature, un fin connaisseur et un grand admirateur de la culture française. Il a été chef du Parti libéral du Québec de 1950 à 1958. Pour les élections de juin 1960, alors que Jean Lesage en est devenu le chef, il est le rédacteur du programme du parti. Il y inscrit, nous rappelle Corbo, comme premier article, la création d’un MINISTÈRE DES AFFAIRES CULTURELLES (en majuscules!). Ce sera fait en mars 1961.

M. Lapalme jouera un rôle capital dans la venue de Malraux au Québec, qu’il accompagne partout. Les liens qu’il entretient avec l’écrivain français contribuent à en tisser d’autres, qui sont historiquement importants, voire décisifs, pour créer ces riches relations entre le Québec et la France qui se nouent à ce moment-là — comme en témoigne l’ouverture de la Maison du Québec à Paris évoquée plus haut —, des relations qui n’ont cessé de se renforcer depuis lors. C’est là, à mon avis, un des grands intérêts de cet ouvrage.

Un autre est de voir quel regard Malraux porte sur le Québec (qu’il appelle le Canada français, voire parfois le Canada…), sur Montréal et sur les relations que la France et le Québec doivent selon lui entretenir.

Un dernier est d’entendre Malraux parler de ses sujets de prédilection : la culture (« la seule chose qui tienne en face de la mort ») et bien entendu les arts.

Claude Corbo a réalisé avec ce livre un superbe travail d’archiviste et de commentateur. Sa lecture nous ramène à une époque qui vous semblera peut-être, comme à moi, à la fois familière et étrangère.

La stupidité décortiquée
Serge Larivée est un psychoéducateur qui a beaucoup travaillé sur l’intelligence et sa mesure. Il est aussi un éminent et influent sceptique québécois.

C’est un peu à la croisée des chemins de ses deux champs d’expertise qu’il nous propose son dernier ouvrage, consacré à la stupidité, Bienvenue dans l’univers de la stupidité.

Il y a trop de contenu dans ce gros livre (366 pages très chargées) pour vous en faire un résumé complet. Je vais quand même me risquer à vous en donner un aperçu, en vous disant que le livre, riche et informé, est clair et ludique (parfois même drôle…) et qu’il vous sera, j’en suis certain, d’un grand secours pour lutter contre la désinformation, la propagande, et toutes les sottises dont on nous abreuve trop souvent.

Larivée commence par rappeler qu’il existe un large consensus scientifique sur ce qu’est l’intelligence (même si plusieurs théories sont avancées à son propos), mais que la stupidité, que tant de mots désignent (moron, bête, con, abruti et d’innombrables autres), est plus difficile à circonscrire. Mais le sujet retient de plus en plus l’attention des chercheurs et il se publie de plus en plus de recherches sur ce sujet. L’ouvrage est une synthèse de ce qu’on sait sur la stupidité et expose des concepts éclairants qui gravitent autour de celle-ci. On retiendra qu’on peut à la fois être intelligent et stupide…

On commence (Partie I) par rappeler ce qu’est l’intelligence, comment on la mesure et pourquoi ces mesures (du QI) sont fiables, non biaisées et dessinent une courbe allant de moins de 75 à plus de 130, qui est le seuil de la douance.

Définir la stupidité est plus compliqué, mais Larivée rappelle les cinq lois de la stupidité humaine. Dans cette même partie, plus technique et que vous pourrez lire après avoir lu le reste du livre, on parle de l’effet Flynn (les QI ont eu depuis des décennies tendance à augmenter) et de son effet inversé.

Le livre examine ensuite (Partie II) la stupidité au quotidien et traite notamment des biais cognitifs, dont il offre une superbe synthèse. Mais on y traite aussi de désinformation, des effets trompeurs des émotions, de la publicité. Tout cela est très clairement exposé.

Vient ensuite la stupidité dans les réseaux sociaux, en politique, en éducation et même en sciences (si, si : il y en a).

L’ouvrage se conclut en souhaitant que parents, écoles et journalistes œuvrent à la promotion de la salutaire pratique du doute raisonnable.

Un livre à lire, avec crayon en main!

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