À la lecture de ce dossier, nous gageons que vous avez déjà en tête une liste bien précise d’auteurs acadiens que vous souhaitez maintenant découvrir, de livres que vous voudrez absolument vous mettre sous la dent. Si vous hésitiez encore, nous attirons votre attention sur six auteurs contemporains de talent dont le parcours est remarquable.
Photo : © Dolores Breau

Georgette LeBlanc
L’historienne de ses racines
Titulaire d’un doctorat en études francophones à l’Université de Louisiane à Lafayette, la poète, chanteuse et traductrice (elle a remporté le GG de la traduction en 2020 pour Océan, de Sue Goyette) Georgette LeBlanc a grandi en Nouvelle-Écosse, dans la région de la baie Sainte-Marie, auprès de parents qui avaient beaucoup de respect pour le monde des idées. Son œuvre, qui compte actuellement quatre ouvrages en vers libres, est d’ailleurs porteuse des couleurs de cette variété du français, propre à cette région précise. C’est que Georgette LeBlanc fait une grande place, dans son écriture, aux influences de l’oralité. À mi-chemin entre le narratif et le lyrique, plusieurs de ses livres s’articulent autour d’un personnage qui a réellement existé et qui, chaque fois, donne son nom au livre : Alma — femme qui aimera, aura huit enfants, puis se séparera — était sa grand-mère; Amédé est un musicien créole de la Louisiane, le premier à avoir enregistré la musique cadienne et créole; Prudent, son ancêtre, fut prisonnier de la cale d’un voilier lors de la révolte de 232 Acadiens déportés et témoigne de son passé, de sa conciliation avec les Anglais qui, peut-être, l’aura mené à sa perte. Dans Le grand feu, son plus récent ouvrage, elle témoigne de l’incendie qui fit rage, en 1820, au cœur du village de Baie Sainte-Marie, dans une langue qui s’y fait plus chantante que jamais. Georgette LeBlanc enseigna la création littéraire à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse, fut poète officielle du Parlement et dirige actuellement la collection « Acadie tropicale » chez Perce-Neige. Son prochain recueil paraîtra en avril sous le titre Petits poèmes sur mon père qui est mort.

Photo : © Annie-France Noël

Gabriel Robichaud
Faire briller l’Acadie
Né en 1990 à Moncton, Gabriel Robichaud multiplie les efforts pour faire rayonner les arts littéraires acadiens, en y prenant part comme dramaturge (pour la jeunesse et les adultes) et comme poète, mais également en dénonçant publiquement, dès 2018, l’absence de littérature acadienne dans le cursus des écoles françaises du Nouveau-Brunswick. Sur différentes tribunes, il invite avec raison les lecteurs à écouter ce que l’Acadie a à raconter. Il fera rayonner l’Acadie au-delà des frontières, allant d’ailleurs jusqu’en Côte d’Ivoire, lors des Jeux de la Francophonie où il représentera sa province auprès de vingt-trois autres participants. Il en ressortira avec une médaille d’argent, mais aussi avec sagesse : « Chaque représentant a une façon de penser, de concevoir la langue. Le discernement dans les manières de parler est fait avec respect, on mise sur la façon que chaque endroit a de bonifier, de rendre cette langue riche, vivante », nous dira-t-il en entrevue. En 2020, son recueil Acadie Road (hommage au classique Acadie Rock de Guy Arsenault) servira de trame narrative au spectacle de la fête nationale de l’Acadie, et sera diffusé sous forme de « voyage musical », avec Robichaud à la narration, sur les ondes de Radio-Canada et ARTV. Sa plus récente pièce, Crow Bar (Perce-Neige), met en scène un village qui s’érige sur une seule rue et sur lequel plane une malédiction qui affecte les hommes. Une étrangère, dont la voiture est en panne, s’installera au Crow Bar, un lieu qui n’est pas prêt à voir ainsi débarquer la nouveauté.

Photo : © Samuel LeBlanc

Rose Després
Fougueuse
Née à Cocagne, au Nouveau-Brunswick, Rose Després est poète émérite et traductrice littéraire (Le pluvier kildir de Phil Hall et Femme-rivière de Katherena Vermette). Elle a publié son premier recueil en 1982, intitulé Fièvre de nos mains, et, depuis, elle n’a cessé d’ajouter des pierres à l’édifice de la littérature acadienne en participant à différents festivals, colloques, conférences dans des organismes, programmes de mentorat, etc. Elle s’engagera également dans l’Association des écrivains acadiens et fera partie des membres fondateurs des Éditions Perce-Neige (avec Gérald Leblanc, Herménégilde Chiasson et Dyane Léger). Elle collaborera également à la mise sur pied d’Ancrages, une revue acadienne de création littéraire qu’elle dirigera deux ans durant. À son sujet, Lise Gaboury-Diallo écrira ceci en 2002 dans Francophonies et résistances : « On reconnaît chez elle une écriture passionnée, imprégnée de fougue et de sensibilité, une voix qui s’élève contre les travers humains et les difficiles rapports que l’on entretient parfois avec les autres. » Son prochain recueil poétique à paraître fin mars chez Prise de parole s’intitulera Séjour à Belle-Côte et marquera ses quarante ans de carrière. Pour quiconque souhaite découvrir son œuvre, il est possible de lire ses quatre recueils précédents réunis en un volume en format poche, dans la collection « BCF » de Prise de parole.

Photo : © Jorge Camarotti

Fredric Gary Comeau
Des portées et des mots 
Le jour de ses 7 ans, Fredric Gary Comeau reçut en cadeau une guitare et une machine à écrire : visiblement, ses parents avaient compris quelles étaient ses passions! Devenu auteur-compositeur-interprète et auteur de quinze recueils de poésie et de deux romans, cet artiste originaire de la baie de Nepisiguit en Acadie vit maintenant à Montréal. Son recueil Souffles lui valut d’être en lice au GG, alors qu’il fut lauréat du prix Jacques-Cartier pour son roman Vertiges, que Nicole Brossard a couvert d’éloges : « Avec ce premier roman, Fredric Gary Comeau nous offre, dans une langue habitée d’une parfaite tension poétique, une constellation de destins dans laquelle se déploie la modernité d’une écriture et d’un art de la vie devant soi, quels que soient les vertiges et les obstacles. Un très beau roman comme une percée de vie dans l’espace contemporain qui nous emporte. » Si ce roman choral mettant en scène huit personnages nous transporte aux quatre coins du globe, on souligne l’arrêt qui y est fait à Moncton. L’amour est au cœur de ses deux plus récentes parutions, que ce soit dans le roman Douze chansons pour Évelyne (XYZ), qui raconte un poète et chanteur acadien brisé dans un road novel qui s’étirera jusqu’au Japon, ou encore dans M’inonde (Les Écrits des Forges), qui est également un voyage dans de grandes villes du monde où des miettes d’amour lui ont glissé entre les doigts.

Photo : © Frères Beau

Jonathan Roy
Oser bousculer avec les mots
« Jonathan Roy a une conscience suraiguë du rythme et du mot juste, et c’est pourquoi ses poèmes sont si percutants », nous écrit Serge Patrice Thibodeau, au sujet de cet auteur remarquable. En 2012, avec son tout premier recueil publié — Apprendre à tomber (Perce-Neige) —, Jonathan Roy devient lauréat du Prix littéraire Antonine-Maillet-Acadie Vie. Né à Bathurst et demeurant actuellement à Caraquet, le poète trentenaire s’implique grandement dans la vie littéraire acadienne : il est coordonnateur et directeur artistique du Festival acadien de poésie de Caraquet et il vient d’être nommé premier poète officiel de cette ville! De plus, c’est lui qui dirige la collection « Poésie/Rafale », aux Éditions Perce-Neige, collection qui fait place aux voix fortes, dérangeantes et affirmées (comme la sienne, ose-t-on souligner!). Il contribue également à des revues (il a d’ailleurs piloté un dossier pour Exit, intitulé Poésie acadienne : icitte, astheure!?! en 2014), à des livres d’artistes, à des courts métrages et même à l’écriture de chansons, avec Cédric Vienneau et les Hôtesses d’Hilaire. Son plus récent recueil paru, Savèches à fragmentation, en est un où il se questionne sur le Web et la place qu’il occupe auprès de la génération Y, un recueil où les mots s’enchaînent, où les sens qu’ils prennent donnent des frissons, où la maîtrise d’une langue unique, colorée et reconstruite est épatante. Le titre de son prochain ouvrage à paraître est déjà annonciateur de quelque chose de grand : Mélamine Méduse. Surveillez ça!

Photo : © Annie Éthier

Christian Essiambre
Plus qu’un comédien 
On connaît surtout Christian Essiambre, originaire de McKendrick au Nouveau-Brunswick, pour ses rôles à la télévision (Belle-Baie, Le gentleman, Mirador, Le clan, Le siège, Les étoiles du dodo, Une autre histoire, Les moments parfaits, etc.). Pendant dix ans, il a aussi joué le rôle de Tom Pouce au Pays de la Sagouine, un parc touristique à Bouctouche qui s’inspire du célèbre roman d’Antonine Maillet. Mais le comédien a plusieurs autres cordes à son arc : cet artiste polyvalent est aussi animateur, artiste de cirque, réalisateur, auteur et dramaturge. Avec Philippe Soldevila, Pierre Guy Blanchard et Luc LeBlanc, il a coécrit les pièces de théâtre Les trois exils de Christian E., Le long voyage de Pierre-Guy B. et L’incroyable légèreté de Luc L. (Dramaturges Éditeurs), dans lesquelles il jouait et qui lui ont permis d’être récompensé, notamment du Prix d’interprétation masculine et du Prix du meilleur texte original pour Le long voyage de Pierre-Guy B. Ces pièces — qualifiées de fiction biographique — forment une trilogie qui parle de l’Acadie, d’identité, d’exil, de musique, de voyages et d’amitié. Christian Essiambre est aussi le coauteur de la série Les Newbies, dans laquelle il interprète également le rôle de Christian. Dans cette comédie diffusée sur Unis TV, trois amis acadiens formant un groupe d’humoristes essaient de vivre de leur art et rêvent de remporter du succès avec leurs spectacles. [AM]

Publicité