Ils sont nombreux, les auteurs et autrices issus de la francophonie canadienne à prendre la plume et à faire vivre la littérature sur tout le territoire. Le Centre de la francophonie des Amériques vous en présente cinq, qui dévoilent à leur tour leur imaginaire en parlant des œuvres contemporaines qui les ont marqués.

Lise Gaboury-Diallo
(Manitoba)

Professeure, autrice et membre active de l’Association des auteur·e·s du Manitoba français, Lise Gaboury-Diallo a signé divers types de textes et a reçu des prix et distinctions, dont le premier prix de poésie française du Concours littéraire national de Radio-Canada pour Homestead (2004) ainsi que le Prix littéraire Rue-Deschambault à trois reprises : en 2009 pour le recueil de poésie L’endroit et l’envers (2009), en 2011 pour le recueil de nouvelles Lointaines et en 2023 pour le recueil de poésie Petites déviations. Elle a récemment publié aux Éditions du Blé Quatre écarts, en poésie, et Juste une moitié de lune, un recueil de nouvelles.

Lise Gaboury-Diallo a craqué pour :
La fille du facteur, Josée Thibeault, Éditions du Blé, 2023

Je suis née à Saint-Boniface (Manitoba) et faute d’écoles françaises publiques, j’ai dû fréquenter une école privée pour pouvoir étudier en français. Mes parents m’ont beaucoup encouragée à lire et à écrire, deux passions qui ne m’ont jamais quittée. Je suis actuellement autrice et professeure au Département d’études françaises, de langues et de littératures à l’Université de Saint-Boniface.

Mon coup de cœur : La fille du facteur de Josée Thibeault. Cette Québécoise d’origine a choisi de s’installer à Edmonton (Alberta) depuis de nombreuses années maintenant. Dans son récit « poétique et théâtral », comme le précise le sous-titre, l’autrice se propose de tracer « la cartographie des lieux de sa mémoire », comme l’écrit l’éditeur, un exploit qu’elle réussit avec brio.

Pourquoi cette œuvre a-t-elle marqué mon imaginaire? D’abord, elle aborde de façon très originale des sujets universels comme le déplacement, la quête identitaire, les liens familiaux, l’amour et j’en passe. La façon inventive avec laquelle ce récit se déploie m’a enchantée : Josée Thibeault tisse habilement ensemble plusieurs fils thématiques dans un texte fluide et touchant. Puis, le style de cette autrice, qui écrit avec verve et de manière très imagée, m’a séduite. J’ai apprécié l’alternance entre les textes en prose et les poèmes souvent inspirés du « spoken word ». Enfin, son texte captivant s’adresse à un large public. La charge émotive empreinte de sincérité qui se dégage de ce récit ne laissera personne indifférent. Quelle belle découverte!

 

Lyne Gareau
(Colombie-Britannique)

Lyne Gareau est passionnée de littérature et de langue française, deux assises qui ont orienté sa carrière dans l’enseignement et l’écriture. Elle a enseigné le français au primaire et à l’université et elle écrit tant pour les jeunes que pour les adultes. Son tout premier roman grand public, La librairie des insomniaques, a été publié en 2017. On lui doit également, entre autres, un recueil de nouvelles, Le chat Janus et un « roman-théâtre » intitulé Les didascalies; ainsi que des ouvrages jeunesse Emily Carr : Une artiste dans la forêt, La planète des épaulards et Isalou. L’autrice partage aujourd’hui sa vie entre Vancouver et l’île Saturna.

Lyne Gareau a craqué pour :
Juste une moitié de lune, Lise Gaboury-Diallo, Éditions du Blé, 2023

Québécoise d’origine, je décide de m’établir en Colombie-Britannique le jour même de mon arrivée; j’ai alors 20 ans. Venue étudier l’anglais, j’ai eu un coup de foudre pour la nature sauvage de la côte Ouest et je m’y suis enracinée.

Le français demeurera cependant à jamais la langue de mon imaginaire, celle dans laquelle je choisis d’exprimer la beauté de ma région du Pacifique. Je voyage ainsi entre le roman et le théâtre, l’aventure et la poésie, l’autofiction et le conte. Mon univers est peuplé d’ermites, de tambours magiques, de chats bavards, d’insomniaques, d’épaulards et d’îles, de mers et de forêts.

Au fil des ans, en explorant l’univers littéraire francophone des provinces de l’ouest, j’ai été séduite par l’œuvre de Lise Gaboury-Diallo, écrivaine du Manitoba largement primée et reconnue pour son apport à l’éducation, à la littérature et à la promotion de la francophonie manitobaine.

Le titre de son dernier recueil de nouvelles, Juste une moitié de lune, reflète bien la poésie qui marque son écriture. Dans une langue limpide, riche et évocatrice, Lise Gaboury-Diallo nous entraîne tour à tour à la suite de deux enfants qui cherchent à se mettre à l’abri des bombes, dans le salon d’une femme qui vient de perdre son mari, chez les dieux, dans un banc de neige, en Afrique, et bien ailleurs. Dans ces mondes souvent marqués par la souffrance, la demi-lune, une image à la fois fragmentaire et sereine, apporte une lueur d’espoir.

 

Photo : © Keith Race

Pierre-André Doucet
(Nouveau-Brunswick)

Pianiste, écrivain et travailleur culturel, Pierre-André Doucet est reconnu pour la vivacité de ses paysages sonores, la musicalité de ses textes. Il a publié en 2012 un recueil de récits, Sorta comme si on était déjà là, suivi d’un roman en 2020, Des dick pics sous les étoiles, tous deux aux éditions Prise de parole. D’autres textes sont parus dans les revues Ancrages, Impossible Archetype et Voix plurielles. Il mène une carrière active en tant qu’interprète, et ses projets musicaux l’ont amené à se produire partout au Canada, ainsi qu’en Afrique du Sud, aux États-Unis et en Europe. Il est le codirecteur artistique de l’Été musical de Barachois, dans son Acadie natale, et il a assuré la direction artistique du Festival Frye, le plus grand festival littéraire du Canada atlantique, en 2021 et 2022. L’automne dernier, on lui confiait la direction artistique d’Une maison traversée, l’événement célébrant les 50 ans de Prise de parole au Festival international de littérature.

Pierre-André Doucet a craqué pour :
Petits poèmes sur mon père qui est mort, Georgette LeBlanc, Perce-Neige, 2022

J’ai grandi à Moncton, au Nouveau-Brunswick, la ville la plus bilingue de la province, la plus bilingue au pays, un lieu de dualités et de paradoxes. Une ville-banlieue en plein cœur de l’Acadie, et pourtant aussi à son extrême frontière, à la fois métropole et ambassade. Traversée d’une rivière-chocolat qui coule dans les deux sens, érigée de marais-béton, une ville où le poème est voisin du vulgaire et où le contact langagier est incontournable. Dès un jeune âge, j’y ai connu le plein air, le placard et les autoroutes, les cultures plurielles, et les brèches du possible. Il va donc sans dire que l’identité, la langue et l’imaginaire animent ma démarche, et que je lis avec beaucoup d’intérêt les auteurs et autrices qui créent aussi dans les tensions et les interstices, comme Georgette LeBlanc, poète acadienne du Nouveau-Brunswick.

Lire Georgette, c’est plonger dans une épopée poétique, dans une Acadie tout autre que celle que j’ai connue. Elle donne voix, corps et âme à des personnages qui me sont étrangers, même si j’ai l’impression de toujours les avoir connus. Sa plume est sobre, sans prétention, et se déploie comme une tendresse. Dans Petits poèmes sur mon père qui est mort, elle nous offre un genre d’anti-saga, un portrait du deuil sans artifice et d’une intimité saisissante. C’est un tour de force qui démontre qu’à n’importe quelle échelle, Georgette écrit le vrai, avec assurance et amour, comme peu d’autres savent le faire.

 

Photo : © Dolores Breau

Georgette LeBlanc
(Nouveau-Brunswick)

Georgette LeBlanc est titulaire d’un doctorat en études francophones à l’Université de Louisiane à Lafayette. Écrivaine depuis 2007, poète, chanteuse et traductrice, elle a également écrit pour la télévision et la musique, a été la poète officielle du Parlement canadien en 2018 et dirige la collection « Acadie tropicale » aux éditions Perce-Neige. L’oralité occupe une grande place dans l’œuvre de cette autrice qui a grandi en Nouvelle-Écosse et qui est actuellement chargée de cours en création littéraire à l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Georgette LeBlanc a craqué pour :
Rivières-aux-Cartouches, Sébastien Bérubé, Perce-Neige, 2023

J’écris, je publie et je pense à ce que l’écriture veut dire depuis mes premiers pas dans la bibliothèque de mes parents. Je m’y intéresse parce que l’écriture n’a pas été chose facile depuis mon village d’origine dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, en Acadie.

Sébastien Bérubé, poète, célèbre la beauté difficile du Madawaska et s’en prend à cœur joie à ceux-là et à celles qui osent le bafouer, aux hypocrites et aux surconsommateurs qui en abusent.

Dans Rivières-aux-Cartouches, on découvre des personnages comme une lointaine parenté. D’une nouvelle à l’autre, il nous invite à suivre et à vivre parmi les siens, qui s’arrangent dans la vie comme ils le peuvent, et ce, à l’extrême frontière du « bien paraître ». Chaque nouvelle du recueil est une exploration surprenante, juste et viscérale de ce que cela veut dire « vivre au village », sur le territoire.

Rivières-aux-Cartouches est un recueil de nouvelles qui se lit comme un roman. Le ton est franc, les propos sont osés, la prose coule et d’une nouvelle à l’autre, un univers littéraire se déploie. La tendresse est palpable dans Rivières-aux-Cartouches. Impossible d’écrire cet univers sans aimer le monde qui l’inspire, même dans ses moments les plus difficiles. « Son monde », le Madawaska de Sébastien Bérubé, dans ce recueil encore tout chaud, tout vivant, est un univers littéraire incontournable.

 

Photo : © L.K.

Didier Leclair
(Ontario)

Didier Leclair, de son vrai nom Didier Kabagema, est né en 1967 à Montréal. En 1987, après avoir vécu dans différents pays d’Afrique francophone, il revient au Canada suivre des études de lettres à l’Université laurentienne à Sudbury. Il poursuit ensuite au Collège universitaire Glendon, à Toronto, avant de devenir journaliste à la télévision française de l’Ontario (TFO). Plus tard, il devient reporter à la radio de Radio-Canada. Aujourd’hui, il est évaluateur de français au YMCA.

Didier Leclair a remporté le Prix littéraire Trillium en 2001 pour son premier roman, Toronto, je t’aime, tandis que son deuxième roman, Ce pays qui est le mien, a été finaliste pour un Prix littéraire du Gouverneur général en 2004. Il est également lauréat du prix Christine-Dumitriu-van-Saanen du Salon du livre de Toronto en 2016.

Didier Leclair a craqué pour :
Adieu, Staline!, Lamara Papitashvili, Éditions David, 2023

La passion des mots m’est venue rapidement. J’ai grandi dans une famille de littéraires. Même si mon père était médecin, il s’agissait de son deuxième choix. Le premier était sciences politiques. Ma mère aimait les arts visuels, mes sœurs avaient de meilleures notes dans les matières littéraires.

Je vis à Toronto et j’ai dix romans à mon actif. Les référents culturels qui m’inspirent sont le multiculturalisme extraordinaire de ma ville et la détermination des immigrants à trouver leur place au soleil. Toronto a des activités pour les francophones comme le Festival international du film francophone. On a aussi des médias en français. La réalité sociopolitique de Toronto et de l’Ontario fait notamment montre d’un manque de services en français. Cependant, la communauté franco-ontarienne est résiliente. Le Commissariat des services en français n’existe plus. Mais nous avons une université entièrement francophone (l’Université de l’Ontario français), un salon du livre et la Lieutenante-Gouverneure de l’Ontario est une Franco-Ontarienne, née au Québec.

Mon coup de cœur est le deuxième roman de l’écrivaine torontoise Lamara Papitashvili intitulé Adieu, Staline! C’est l’histoire de la fuite de deux amis géorgiens pour atteindre l’Amérique et la liberté. Le roman se déroule au début des années 1930. Sa plume est admirable, les descriptions des lieux et du paysage d’Europe de l’Est, puis de la Turquie et du Liban, sont à couper le souffle. Les émotions sont fortes et mémorables. Ce livre mérite d’être découvert par le Québec et la francophonie dans son ensemble.

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