Le dernier des loups
Sébastien Perez et Justine Brax, Albin Michel Jeunesse, 40 p., 29,95$
Le duo que forment Perez et Brax en est un gagnant. L’un nous raconte ses histoires qui flirtent avec les failles, et dont le dénouement est toujours d’une grande humanité, tandis que l’autre joue des pinceaux pour offrir des planches épatantes, des univers qui nous happent immédiatement et nous transportent dans de lointaines contrées. Dans Le dernier des loups, un jeune archer doit combattre le loup qui effraie les villageois. Mais ce qu’il découvrira lors de sa quête sera un tout autre combat. Dès 5 ans

 

Les enfants trinquent
Camille K, Albin Michel, 112 p., 29,95$
Premier livre pour Camille K, bédéiste française de 27 ans, ce roman graphique s’inspire de son vécu pour partager avec le lecteur la colère et la déception d’une jeune fille dont la mère est alcoolique. Avec beaucoup de justesse et des images métaphoriques — notamment celle de la mère sous influence de l’alcool qui se transforme en rhinocéros, ou celle de la petite qui ne veut pas laisser ce rat colérique prendre le dessus sur sa compréhension —, Camille K signe une histoire qui démontre qu’il s’agit d’une grande injustice lorsque les enfants subissent la détresse de leurs parents… Cette BD marque d’ailleurs le retour d’Albin Michel dans cette discipline.

 

Mon amie Agnès
Julie Flett (trad. Fanny Britt), La Pastèque, 52 p., 22,95$
Magnifique ouvrage jeunesse que celui-ci, qui fait la part belle à une relation intergénérationnelle entre une petite et sa voisine. C’est en suivant les saisons que le lecteur cheminera avec la jeune Katherena, dans une poésie — autant en mots et en images — qui rend hommage à la nature. Au printemps, la petite et sa mère déménagent en campagne; à l’été, la petite ose aborder sa voisine; à l’automne, les deux partagent leur passion du jardin; et à l’hiver, c’est le repos, car Agnès est faible… Une année de beauté et d’émotions. Dès 4 ans

 

Betty
Tiffany McDaniel (trad. François Happe), Gallmeister, 720 p., 39,95$
C’est en empruntant la voix d’une jeune héroïne, dont la mère est blanche et le père cherokee, que Tiffany McDaniel tisse ce roman épatant. Le voile des secrets doucement se lèvera, laissant entrevoir à Betty les réalités qui fomentent sa famille. C’est à travers l’écriture qu’elle trouvera du réconfort et s’émancipera, passant de l’innocence de l’enfance à la réalité du monde adulte. En plus de nous transporter au cœur des Appalaches, ce grand roman possède la qualité de nous offrir une vision de l’Amérique métisse des années 60. Pas étonnant que François Busnel l’ait qualifié de « futur classique de la littérature américaine ».

 

Le département des théories fumeuses
Tom Gauld (trad. Éric Fontaine), Alto, 168 p., 25,95$
Tanné de toujours entendre parler de science à cause de la COVID-19? Pourquoi ne pas prendre le temps d’en rigoler un peu en plongeant dans le Tom Gauld nouveau qui fait la part belle aux scientifiques, aux médecins, aux statistiques et aux théories de tous genres? On s’y moque gentiment de nos amis scientifiques dont on ne comprend pas les champs d’expertise, du chat de Schrödinger et des machines à lire dans les pensées, et on découvre une version de Boucle d’or scientifique! Ça, et plein d’autres choses, bien entendu! Comme toujours avec Gauld, c’est fin, adroit et détonnant. En librairie le 2 novembre

 

Parenthèse suisse
Jules Clara, Triptyque, 108 p., 18,95$
La narratrice de ce roman, une Québécoise, habite en Suisse en colocation avec des filles qui ont la réplique passive-agressive à portée de doigts. Elle fait la fête. Elle approfondit des amitiés. Le lecteur qui cherchera dans cet ouvrage un road trip pour découvrir la beauté des paysages helvètes sera déçu, mais celui qui cherchera une autofiction, dont les fragments présentés sont habilement — et poétiquement — amenés, sera heureux de découvrir cette primo-romancière. Et si le dépaysement y est plus intérieur que géographique, baignant la protagoniste dans les eaux parfois troubles, on apprécie grandement ces petits moments où montagnes et habitudes urbaines suisses se révèlent uniques.

 

Infantia
Alex Thibodeau, Le lézard amoureux, 80 p., 15,95$
En revisitant les zones troubles de l’enfance à travers ces « mascarades à huis clos », amours et grandes émotions, Infantia propose un récit poétique marqué par les incompréhensions et la douleur. On y croise des « fées qui sortent à peine de la maternelle », des « fées qui sont aussi les ogres de [cette] histoire ». Infantia raconte la cruelle amitié que celle partagée avec cette amie qui porte des rizières et offre une adroite dissection de la porosité des frontières entre expériences et abus. « Peut-on inventer l’impureté dans les riens qui incendient l’enfance? », demande la narratrice.

 

Mario-Lemieux, bonjour
Michèle Nicole Provencher, La Mèche, 200 p., 22,95$
Elle n’a pas la langue dans sa poche, cette Michèle Nicole Provencher! Et c’est pour notre plus grand plaisir qu’elle nous entraîne dans le milieu de la culture, avec tout ce qu’il y a de doux-amer, d’épatant et de corrosif à la fois. Dans Mardi comme mardi, son premier roman remarqué en 2018, elle nous parlait de son enfance, de son histoire « familiale »; cette fois, sa nouvelle héroïne est prise dans les méandres des ressources humaines au sein du Centre pour les arts Mario-Lemieux de Fredericton. Désillusionnée, la protagoniste croisera un peu trop de gens bêtes à son goût, un peu trop de beaux gars déjà en couple, un peu trop de paperasse! Un roman divertissant à souhait!

 

Buveurs de vent
Franck Bouysse, Albin Michel, 392 p., 32,95$
En nous parlant de force de la nature et d’insoumission, l’auteur qui nous avait charmés avec Né d’aucune femme nous offre un autre roman à la langue soignée et à la puissance évocatrice. Au milieu d’une montagne existe une vallée, le Gour Noir, où vivent trois frères et leur sœur, Mabel. Menée par l’horrible Joyce, propriétaire de la centrale qui fait vivre cette région, la vallée est soumise à une dictature patriarcale, à une surveillance déplacée. Mabel s’y oppose, s’alimente de liberté et transgresse les mœurs. Puis, elle disparaît. Pendant que l’enquête policière a cours et que ses frères la recherchent, l’auteur distille sciemment une critique sociale tout en finesse, et en marge.

 

Quand il fait triste Bertha chante
Rodney Saint-Éloi, Québec Amérique, 304 p., 24,95$
On ne peut dissocier Rodney Saint-Éloi de la poésie : cette façon qu’il a de manier la langue lui permet de parler de sa mère avec un respect, une douceur et une admiration inégalés dans ce livre-hommage à sa mère décédée, une femme qui a connu les malheurs d’un pays sans jamais que l’espoir ne flétrisse. L’homme de lettres (il est éditeur, auteur, poète et bien plus encore) nous présente sa mère comme une femme forte, riante, impliquée, aimée. Il nous raconte la vie, à la fois grande et petite, d’une femme dont il se meut d’admiration. Et pour la qualité avec laquelle il nous en parle, nous ne pouvons qu’admirer cet écrivain en retour.

 

Au nom de la vérité
Viveca Sten (trad. Rémi Cassaigne), Albin Michel, 490 p., 32,95$
Sur une petite île, à un camp de voile, des enfants ont harcelé l’un d’entre eux, Benjamin. Puis, une nuit, ce dernier a disparu. Que s’est-il passé? Est-ce l’intimidation des jeunes qui a mal tourné? Est-ce lié au procès que doit subir le père du garçon, accusé d’avoir volé plusieurs millions à son entreprise? Ou est-ce que l’homme qui rôde près du camp pourrait y être pour quelque chose? Dans cette histoire prenante, on retrouve l’inspecteur Thomas Andreasson qui doit élucider le mystère de cette disparition.

 

Les graciées
Kiran Millwood Hargrave (trad. Sarah Tardy), Robert Laffont, 400 p., 32,95$
Pas étonnant que l’auteure se soit retrouvée en lice pour le Fémina avec ce roman hautement viscéral, qui s’inspire de faits réels et nous entraîne dans la rudesse de l’île de Vardø, en Norvège, en 1617. La vie insulaire chavire le jour où une tempête exceptionnelle avale tous les hommes du village, partis à la pêche. Les femmes, n’ayant pas d’autres choix devant elles, doivent gérer seules la totalité des tâches de subsistance. Mais voilà qu’un délégué du gouverneur débarque avec sa femme, ayant comme mandat de remettre de l’ordre dans ce prétendu chaos. En véritable chasseur de sorcières, ce personnage met en lumière le décalage entre la vraie vie et la démagogie alors que sa femme, d’abord dégoûtée par ce qu’elle découvre, fera évoluer sa pensée…

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