ITALIE
Fille en colère sur un banc de pierre
Véronique Ovaldé, Flammarion, 306 p., 39,95$
C’est à une histoire de secrets de famille que nous convie la grande Véronique Ovaldé en nous entraînant sur une petite île (fictive) au large de Palerme, en Italie, où on y sent la chaleur du climat, la constante présence des voisins, le mode de vie « à l’italienne ». Une famille déchirée par un drame — la disparition de la plus jeune des quatre sœurs une nuit de Carnaval et l’exil d’une des autres sœurs — est en partie à nouveau réunie lors du décès du père, appelé « Sa Seigneurie » (ça donne le ton!). Des histoires inavouées, des accommodements faits toute une vie durant, un retour aux sources : mais avec Ovaldé et sa plume allègre, rien n’est lourd et on sourit même souvent!

ÉTATS-UNIS
Harlem Shuffle
Colson Whitehead (trad. Charles Recoursé), Albin Michel, 420 p., 34,95$
Colson Whitehead, qui s’est démarqué en remportant deux fois le Pulitzer — en 2017 avec Underground Railroad et en 2020 avec Nickel Boys —, revient avec un roman jubilatoire. Cette fois, nous sommes aux débuts des années 1960, dans un Harlem qui grouille. Sous le couvert d’un roman noir teinté de plusieurs rebondissements, ce nouvel opus est en fait une grande réflexion sur les enjeux sociaux, les inégalités raciales et les droits civiques. À travers les histoires de braquages de son personnage principal, qui ne sait plus tout à fait de quel côté de la morale jouer, Whitehead continue le chemin réflexif et intelligent entamé avec ses précédents ouvrages, même si ici le plaisir s’invite à chaque page.

FRANCE
Ceci n’est pas un fait divers
Philippe Besson, Julliard, 208 p., 34,95$
C’est Léa, 13 ans, qui l’annoncera à son frère aîné : « Papa a tué maman ». Elle a tout vu. Le narrateur est le fils, 19 ans, qui a quitté la maison il y a cinq ans. Tous deux devront subir les traces laissées par leur père, ne pourront éviter les impacts sur leur vie. Ils feront face à la tristesse et à la colère, certes, mais aussi à la culpabilité de ne pas avoir été là, de n’avoir rien vu, de ne pas avoir agi avant. Dans ce troublant roman psychologique, Besson braque les projecteurs, avec sobriété, sur les victimes collatérales et utilise sa plume sensible pour dénoncer les féminicides.

GRANDE-BRETAGNE
Le royaume désuni
Jonathan Coe (trad. Marguerite Capelle), Gallimard, 488 p., 39,95$
L’auteur britannique qui brille depuis Testament à l’anglaise revient en force avec un roman qui, s’il prend ses assises à Bourville — célèbre banlieue où est située l’immense chocolaterie Cadbury —, s’attarde à sept grands moments de l’histoire britannique ou mondiale en y suivant une famille de la classe moyenne. Il zoome sur ces temps forts pour faire saillir des enjeux autant politiques qu’intimes d’un pays dépeint comme dysfonctionnel. Ses outils? Un talent pour la narration, des personnages habilement construits, des clins d’œil nombreux à ses précédents romans.

MARTINIQUE
Mon cœur bat vite
Nadia Chonville, Mémoire d’encrier, 216 p., 22,95$
La voix de Nadia Chonville porte son lecteur au cœur de la Martinique actuelle, là où les traumatismes intergénérationnels ne sont pas bien loin et où la patte du patriarcat a laissé des traces, tout comme l’oppression coloniale. Le mélange de réalisme magique et de carnavalesque sied parfaitement à cette histoire cruelle où un homme, pourtant bon, a soutiré la vie de l’enfant de sa sœur, Édith. Cette dernière est la narratrice dont la parole est puissante et qui erre entre les murs, épaulée par ses ancêtres, pour comprendre secrets et mystères, non-dits et blessures. Pourquoi son frère, né dans un corps de fille, souhaite-t-il ainsi venger les femmes de sa lignée?

JAPON
Mille ans pour aimer
Mayumi Inaba (trad. Elisabeth Suetsugu), Éditions Philippe Picquier, 240 p., 32,95$
Sawa, une femme en deuil, cherche à comprendre. Son mari, décédé, a laissé derrière lui une œuvre qui fut construite après sa mort : une tour de pierres immense, sinistre — qui, comprendra-t-elle plus tard, a peut-être un peu à voir avec le conte de Jack et le haricot magique. Sawa, malgré sa douleur et sa tristesse, choisit de se tourner vers la lumière. Dans son atelier fourmillant de fleurs et de végétaux, là où le lecteur la retrouvera principalement, elle cherche la couleur parfaite pour teindre ses étoffes. La création lui fait du bien, la joie de créer ainsi de la beauté apaise son cœur. Elle choisit le soleil, et non l’ombre.

ZIMBABWE
La maison en pierre
Novuyo Rosa Tshuma (trad. Laurence Kiefé), Actes Sud, 368 p., 48,95$
Ce livre, qui a remporté les éloges du prix Edward Stanford, raconte l’histoire d’un Zimbabwe ravagé de l’intérieur à la fois par la corruption et les génocides, en s’attardant à la rivalité entre les peuples Shonas et Ndébélés, des luttes pour l’indépendance jusqu’aux années 2000. Mais parce que l’auteure excelle dans le tragi-comique et dans les récits non linéaires, le lecteur se prendra d’affection pour ce roman et pour son narrateur, Zamani, 23 ans, orphelin, qui tente de trouver sa place auprès d’une famille de substitution qui a elle-même perdu son fils lors du Gukurahundi, un sanglant rassemblement. L’histoire personnelle de Zamani s’agrippe à celle de son pays, les bouleversements nationaux teintent son existence : comment conjuguer les deux?

IRAN
L’automne est la dernière saison
Nasim Marashi (trad. Christophe Balaÿ), Zulma, 272 p., 43,95$
En plein cœur de Téhéran, modernité et traditions s’opposent alors que trois jeunes femmes, diplômées et pleines de vie, hésitent sur le chemin que doit prendre leur vie. L’une penser quitter un emploi dans un cabinet d’architectes pour aller faire un doctorat en France; l’autre hésite à suivre son mari qui a émigré car elle désire devenir journaliste — ou pourquoi pas libraire —; et la dernière doit choisir entre le mariage ou continuer à prendre soin de son frère handicapé. Leurs réflexions sont nobles, les contradictions qu’elles vivent sont nombreuses et ce roman nous plonge dans un Iran contemporain où règne l’espoir, malgré les embûches. Prix Jalal Al Ahmad 2015.

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