L'initiative Les libraires conseillent répond à la demande des lecteurs avides de suggestions. Chaque mois, un comité formé d’une quinzaine de libraires établit, après moult discussions passionnées et passionnantes, une sélection de cinq livres. Essais, BD, romans jeunesse ou pour adultes, d’ici comme d’ailleurs, ces cinq livres sont mis de l’avant dans les librairies membres de notre réseau. Cette initiative est une belle occasion de promouvoir des livres jugés particulièrement remarquables, ainsi que de valoriser le rôle primordial de votre libraire. Voici la sélection de novembre.


Porter plainte
Léa Clermont-Dion (Le Cheval d’août)

Au fil de ce récit essayistique ou de cet essai intimiste, celle à qui nous devons déjà de remarquables contributions, qu’il s’agisse de documentaires (Je vous salue salope : la misogynie au temps du numérique, 2022), d’émissions à la télévision (T’as juste à porter plainte, 2022, Beauté fatale, 2014) ou de livres (Crève avec moi, 2019, Les Superbes, 2016, La revanche des moches, 2014) relate les tenants et aboutissants d’un chemin de croix dont le parcours débute officiellement en 2017, au moment où elle choisit de porter plainte contre son ancien mentor et patron, le directeur de l’Institut du Nouveau Monde, près de dix ans après que celui-ci l’ait agressée sexuellement, un crime pour lequel il sera finalement déclaré coupable en 2021 mais dont la saga n’est toujours pas terminée à ce jour, le fautif ayant récemment demandé à la Cour d’appel de Québec d’annuler le verdict prononcé contre lui. Sous la forme d’un journal dont les entrées vont de la relation des événements du jour aux joies intemporelles de la maternité en passant par l’évocation de formes alternatives de règlements de compte telles que la justice réparatrice ou encore le douloureux rappel des luttes passées et à venir, Léa Clermont-Dion fait décidément œuvre utile en ouvrant toutes grandes les portes de ses perceptions, les murs de ses appréhensions et les fenêtres de ses réflexions. Voici un livre dont la lecture pourrait à juste titre être considérée comme une pierre de plus à l’édification d’une société plus juste, plus compréhensive, en un mot plus habitable.
Philippe Fortin, Librairie Marie-Laura (Jonquière)

 


Margot veut une moustache
Richard Écrapou et Iris Boudreau (La Bagnole)

Margot a 6 ans, elle est en maternelle et elle aime beaucoup de choses, mais ce qu’elle préfère par-dessus tout, ce sont les moustaches. Elle rêve d’en avoir une aussi belle que celle de son papa. Comme tout le monde lui dit que les moustaches, c’est pour les garçons, elle décide de se débrouiller par elle-même pour en avoir une. Elle est cependant un peu déçue lorsqu’elle constate que son idée ne fait pas l’unanimité… Ses parents bienveillants sont là pour l’aider à trouver des solutions et à satisfaire sa soif de moustache qui, finalement, n’est peut-être pas inextinguible. Un bel album comique magnifiquement illustré qui célèbre la diversité, la débrouillardise et la confiance en soi. Une belle lecture à faire avec ses petits!
Véronique Tremblay, Librairie Vaugeois (Québec)

 


Une esquisse de sourire
Antoine Ross-Trempe (Cardinal)

Je regarde dehors et c’est tout gris et tout froid. Je suis chanceux, la déprime saisonnière ne m’affecte pas trop, mais je sais que plusieurs d’entre vous, dans les jours qui viennent, auront besoin d’un chocolat chaud littéraire et c’est ce que vous offre Antoine Ross Trempe avec Une esquisse de sourire. De petites réflexions qui vous apprendront certaines choses, mais qui, la plupart du temps, ne sont que de petites remarques de son pointilleux auteur, parfois au grand dam de son entourage, mais au très grand plaisir du lecteur qui s’esclaffe à coup sûr. Au départ parus sur les réseaux sociaux, ces textes m’alimentent depuis un bon moment déjà et c’est maintenant sous cette formidable couverture que vous pouvez lire et relire ces mots pour votre plus grand bonheur!
Shannon Desbiens, Librairie Les Bouquinistes (Chicoutimi)

 


Carreauté Kid
Marc-André Dufour-Labbé (Leméac)

Carreauté Kid, c’est l’histoire de Caro, un garçon qui a hérité de ce surnom après un événement marquant à l’école. Solitaire et timide, il tente de s’exprimer à travers sa passion pour la guitare. Sa relation particulière avec son père alcoolique, sa marginalité à l’école et son amour pour une camarade de classe déjà en couple sont au centre de ce premier roman de Marc-André Dufour-Labbé. Si l’auteur brosse un portrait hyperréaliste de l’adolescence à notre ère, il déconstruit certains préjugés qu’on peut toujours entretenir à son égard. Un récit qui suit l’évolution psychologique du personnage principal et qui, malgré le peu d’action à proprement parler, vient nous bouleverser de plusieurs façons. Un bijou pour découvrir de beaux modèles de jeunes qui vivent avec leur temps, dans le respect, la bienveillance et l’ouverture.
Jacinthe Crête, Librairie Monet (Montréal)

 


Mourir pour la cause
Chris Oliveros (Pow Pow)

Traduite de l’anglais par nul autre qu’Alexandre Fontaine Rousseau et publiée simultanément dans les deux langues, cette bande dessinée du fondateur de la maison d’édition anglophone montréalaise Drawn & Quarterly se penche sur trois personnages-clés de la première époque du Front de libération du Québec, soit Georges Schoeters, François Shirm et Pierre Vallières. Non sans une certaine malice, les péripéties des premières actions du groupe y sont racontées avec brio par le biais de la reconstitution fantasmée d’un documentaire ayant soi-disant été détruit par la CBC, où interviennent entre autres le maire Jean Drapeau, savoureux, plusieurs anciens membres du FLQ et quelques autres personnalités de l’époque, notamment Claude Ryan, irascible à souhait. Sous l’humour bon enfant de la mise en scène de ces événements qui n’eurent pourtant rien de drôle à l’époque se révèle toutefois un regard plein de sollicitude sur les raisons ayant concouru à l’éventuelle montée en puissance de ce mouvement révolutionnaire, une impression confortée par l’impeccable recherche menée pour ce projet, dont la portée mémorielle, alliée au souci du détail et par-delà l’anecdote, témoigne également d’un respect pour le sens du combat de ceux qui, ultimement, continuent chaque jour un peu plus de mourir pour la cause.
Philippe Fortin, Librairie Marie-Laura (Jonquière)