L'initiative Les libraires conseillent répond à la demande des lecteurs avides de suggestions. Chaque mois, un comité formé d’une quinzaine de libraires établit, après moult discussions passionnées et passionnantes, une sélection de cinq livres. Essais, BD, romans jeunesse ou pour adultes, d’ici comme d’ailleurs, ces cinq livres sont mis de l’avant dans les librairies membres de notre réseau. Cette initiative est une belle occasion de promouvoir des livres jugés particulièrement remarquables, ainsi que de valoriser le rôle primordial de votre libraire. Voici la sélection de janvier.


Troubler les eaux
Frédérick Lavoie (La Peuplade)

Tout commence avec un projet, brosser un portrait de la gestion des eaux au Bangladesh, puis vient le doute. Frédérick Lavoie souhaite écrire un livre qu’il aurait voulu titrer Dompter les eaux. Il interroge les gens en lien avec les enjeux qu’ils ont à surmonter par rapport aux inondations saisonnières et aux puits contaminés. Il tente de rendre un portrait juste et global en essayant de s’effacer le plus possible. Le livre se construit tranquillement dans la déconstruction du projet initial : une pensée sur les limites de vouloir donner une voix. Un essai qui se lit comme le récit d’un journaliste qui parcourt les villages et sa posture occidentale à la fois; de la rivière à l’article de journal : l’auteur remet en question sa façon d’écrire le réel et de voir le monde.
Marc-Étienne Brien, Librairie Les Deux Sœurs (Sherbrooke)

 


Autoportrait d’une autre
Élise Turcotte (Alto)

Si vous me demandez quel a été mon livre phare dans la dernière année, ma réponse sera invariablement la même : Autoportrait d’une autre, d’Élise Turcotte. Dans ce livre insaisissable, à la croisée de l’essai littéraire et de la fiction (narrative non-fiction, oseront certains; biographie vivante, diront d’autres), l’autrice suit avec doigté et intelligence le fil d’une vie insaisissable, celui de sa tante Denise. Cette dernière vit successivement entre Montréal, Paris et Mexico, multipliant les noms d’emprunt et gravitant autour de grandes figures artistiques de son époque (à moins que ce ne soit les artistes qui gravitent autour de sa lumière à elle) : Gaston Miron, Réjean Ducharme, Alejandro Jodorowsky, Pauline Julien, Fernando García Ponce, Leonora Carrington, Marcel Sabourin, Alan Glass et tant d’autres encore auront gardé un souvenir inoubliable de cette femme vive. Elle a consacré sa vie à l’Art, sans pour autant laisser une œuvre derrière elle. Pourquoi? C’est en partie à cette question que Turcotte s’efforce de répondre dans une écriture riche, toute en images et en réflexion. Si vous aimez les œuvres d’Anaïs Barbeau-Lavalette, Marie Darrieussecq, Deborah Levy ou encore Nathalie Léger, vous ressortirez enchanté par cette lecture.
Gabriel Guérin, Librairie Pantoute (Québec)

 


Henrigolo
Émilie Perreault et Josée Bisaillon (Fonfon)

Henrigolo, c’est un petit garçon qui possède un talent spécial : il est capable de faire rire de lui! Et il en est fier! Il faut dire que ses parents trouvent ça plutôt étrange, mais Henri sait que le rire est contagieux et qu’il ne faut pas toujours se prendre au sérieux. Son superpouvoir lui permet même d’apaiser la colère des autres (mais il ne recommande pas de se moquer de nos parents s’ils nous réprimandent, ça ne donne pas de très bons résultats!). Inspirée par son propre fils, Émilie Perreault nous offre un premier album pétillant qui démontre l’importance de l’autodérision et favorise l’estime de soi des petits. Les illustrations de Josée Bisaillon – dont la réputation n’est plus à faire – viennent ajouter une touche supplémentaire de douceur et d’humour à l’histoire.
Jacinthe Crête, Librairie Monet (Montréal)

 


Chaque blessure est une promesse
Simon Brousseau (Héliotrope)

Lorsqu’il apprend que son père, qui a toujours été super en forme, est atteint de la SLA, Simon Brousseau est dévasté. Il réalise que le temps, qu’il tenait pour acquis, est désormais compté, et que sa fille ne connaîtra jamais son grand-père, étant trop jeune pour en conserver des souvenirs. Il commence alors à rédiger un journal, en forme d’hommage à cet homme appelé à partir trop tôt. En ressort un livre intime des plus touchants, qui fait réfléchir sur l’importance de profiter de tous les moments partagés avec nos êtres chers, parce qu’on ne sait jamais ce qui nous attend au détour de la route. Si on verse quelques larmes inévitables en cours de lecture, il y a également beaucoup de beaux souvenirs et moments lumineux que nous partage l’auteur avec plein de tendresse. Une vraie belle lecture pour commencer l’année avec un sentiment de gratitude et d’empathie.
Véronique Tremblay, Librairie Vaugeois (Québec)

 


Botanica Drama
Thom (Pow Pow)

Que du plaisir à lire, oui oui, à lire cette BD sans texte, mais si éloquente. La si rare impression de me régaler, vraiment. Drôle, bouleversante, pleine de verve, cette histoire où le soleil ne se lève plus après qu’il a trop bu, sur un village où les animaux perdent pieds, et vie, puisque la nourriture vient à manquer. La mort, qui est un personnage, doit bien faire son boulot, mais c’est la compassion qui l’anime. Cette lecture m’en a rappelé une autre, du Portugais José Saramago, avec Les intermittences de la mort, vous connaissez? Le bédéiste nous raconte une histoire sympathique, une fable tragicomique, superbe dans sa simplicité. On en voudrait d’autres, cher Thom! Une BD à lire, assurément.
Chantal Fontaine, Librairie Moderne (Saint-Jean-sur-Richelieu)