L'initiative Les libraires conseillent répond à la demande des lecteurs avides de suggestions. Chaque mois, un comité formé d’une quinzaine de libraires établit, après moult discussions passionnées et passionnantes, une sélection de cinq livres. Essais, BD, romans jeunesse ou pour adultes, d’ici comme d’ailleurs, ces cinq livres sont mis de l’avant dans les librairies membres de notre réseau. Cette initiative est une belle occasion de promouvoir des livres jugés particulièrement remarquables, ainsi que de valoriser le rôle primordial de votre libraire. Voici la sélection d'avril.
 

Ce désir me point
Claire Legendre (Leméac)

Femcel, un terme utilisé pour désigner les femmes célibataires malgré elles, l’équivalent, nous dit-on, des Incels, ces hommes célibataires involontaires. Femcel, c’est donc ce qu’a été Claire Legendre durant dix ans. Dans ce récit, elle nous raconte ses questionnements sur l’amour, sur l’injonction des femmes à être en couple dès leur plus jeune âge et leur fragilité face au célibat. Elle évoque sa quête, dans un premier temps, pour combattre cette solitude « pesante et humiliante ». Une solitude, pourtant, qui entretient un désir né du manque et de l’absence. Un célibat forcé certes, mais souvent bien plus confortable que le dating. Et à travers ses souvenirs de rencontres, de relations et d’émotions, allant de sa vie d’enfant à sa vie actuelle d’adulte, de la France au Québec, elle tisse une réflexion sur la notion de désir, sa définition, son apparition, son intensité, sa longévité et son importance dans notre société et dans nos vies. Car lorsqu’on n’est plus célibataire, comment entretenir ce désir, ardemment recherché? Et surtout, pourquoi le recherche-t-on avec autant d’avidité?
Guilaine Spagnol, Librairie La maison des feuilles (Montréal)

 

Le miraculé
William S. Messier (Le Quartanier)

C’est avec l’ombre d’un sourire aux lèvres que l’on découvre le texte de William S. Messier. Lui qui nous a habitués à la fiction avec Townships, Épique et Dixie nous invite cette fois-ci dans un récit plus personnel, truffé d’anecdotes de son enfance entre Granby et Cowansville. Ces histoires ont en toile de fond le fait bien réel que tout petit, il s’est cassé un os, et pas le moindre, et que celui-ci ne s’est apparemment pas réparé malgré les soins apportés. Il a donc vécu dix années à un iota de se sectionner à tout moment la moelle épinière, d’où le titre de Miraculé. Avec humour et une certaine candeur tout à fait charmante, il nous raconte donc une vie ordinaire, vécue dans l’insouciance, mais qui aurait bien pu mal se terminer. Son regard d’adulte, de père aussi, s’entremêle à ses souvenirs de gamin, et l’amène d’ailleurs à se questionner sur la fabrication de ses souvenirs, confrontés à la réalité. Un texte savoureux, un brin nostalgique d’une certaine innocence.
Chantal Fontaine, Librairie Moderne (Saint-Jean-sur-Richelieu)

 

Je regarde de la porno quand je suis triste
Sayaka Araniva-Yanez (Triptyque)

Dans une réalité où la technologie prend souvent le pas sur la création, réduisant le travail de l’artiste à celui de poser les bonnes questions à l’intelligence artificielle, Sayaka Araniva-Yanez ouvre jusqu’à ses chairs en offrande à ce matériau froid et dur qu’est l’avenir. « ce corps écorché est celui de la machine et le corps de la machine est le mien. j’insère mon pouce dans la fente entre son menton et sa clavicule, le miel murmure et s’étend sur mon poignet. » Si le sujet poétique d’Aravina-Yanez écoute de la pornographie quand elle est triste, on peut aussi affirmer qu’elle terre ses émotions au plus profond son corps pour ne pas risquer de se fragiliser devant cet·te amant·e machine dont la compréhension des besoins émotifs demeure variable. « je fleuve/dans l’écholie/mon dos craque/je vous écoute//à peine. » Ce qui, au fond, est très humain.
Anthony Lacroix, Librairie Boutique Vénus (Rimouski)

 

La terre maternelle
Anne-Marie Turcotte (XYZ)

Parions que vous tomberez aussi sous le charme de Dégelis, petite ville du Témiscouata aux abords de la Madawaska, et de sa communauté tissée serrée! Suivez la narratrice au gré des saisons et des époques, et partez à la rencontre de personnages dignes de légendes : draveur téméraire, contrebandier inventif, amoureux transis, femmes déterminées. Histoires de rang aux airs de contes, souvenirs de jeunesse et récits de travail d’été se succèdent joyeusement dans La terre maternelle, premier roman d’Anne-Marie Turcotte. Vibrant hommage aux racines familiales et au territoire, ce livre célèbre la beauté des lieux qui nous façonnent et de la langue maternelle qui y fleurit.
Cassandre Sioui, Librairie Hannenorak (Wendake)

 

Jouissive
Natalie-Ann Roy (Québec Amérique)

Avec Jouissive, Natalie-Ann Roy offre un recueil de nouvelles érotiques d’un point de vue féminin, dans lequel la sexualité est abordée de manière bienveillante et positive. Les vingt-quatre textes font entrer le lecteur dans l’univers des fantasmes de l’autrice, où se côtoient pratiques diverses, ouverture d’esprit et consentement. L’objet en tant que tel est magnifique avec ses superbes illustrations et ses « pauses sextos » sur fond orange. Une lecture parfaite pour qui voudrait passer un bon moment loin des stéréotypes et des mâles dominants, qui sont souvent monnaie courante dans ce genre littéraire.
Véronique Tremblay, Librairie Vaugeois (Québec)