Mise en forme
Mikella Nicol (Le Cheval d’août)
« Le fitness est tellement rempli de ses récits et de ses codes propres que je n’ai plus besoin des miens. Quelque part dans la brèche du langage en moi, celui des entraîneuses se fraie un chemin. » S’il oscille entre l’essai et l’autobiographie, Mise en forme demeure un roman auquel la majorité des lectrices et lecteurs pourront s’identifier. La quête du corps parfait, l’idée qu’avec un ventre plat et le fessier musclé aucun obstacle ne pourra se poser entre le bonheur et notre personne, cet idéal qui nous est présenté comme à portée de main. L’auteure Mikella Nicol brosse un portrait de son expérience avec l’industrie du fitness, à la fois contradictoire et salvatrice, elle déconstruit l’idée d’une supposée beauté universelle et surtout, elle nous rappelle qu’au lieu de chercher un sens à notre existence, on peut tout simplement savourer le fait d’être en vie.
Émilie Carpentier, Librairie Martin (Laval)
Le plein d’ordinaire
Étienne Tremblay (Les Herbes rouges)
Le dépanneur, lieu de passage par excellence, devient le théâtre d’un enthousiasmant premier roman qu’on dévore avidement. On s’attache instantanément aux personnages qui prennent vie sous la plume d’Étienne Tremblay. À travers les brumes de ses quarts de nuit, Mathieu traque l’ennui à coups de poésie, de réflexions, de nicotine, de caféine et de THC. Entre deux carillons de pompe, le narrateur se livre à d’innombrables scénarios visant à obtenir ce qu’il désire le plus : sortir avec sa collègue, la belle Val. Portrait éclatant d’un homme en devenir, et de toutes les inquiétudes qui le turlupinent, Le plein d’ordinaire dissèque avec brio l’insolente et angoissante période menant de l’adolescence à l’âge adulte. Un roman-néon qui sublime la nuit!
Cassandre Sioui, Librairie Hannenorak (Wendake)
Héroïnes et tombeaux
Daniel Grenier (Héliotrope)
Ambrose Bierce, journaliste, écrivain et rival littéraire de Mark Twain, s’engage à 71 ans au sein des forces révolutionnaires de Pancho Villa. Il laisse derrière lui une œuvre littéraire baroque et l’un des grands mystères des lettres américaines : au Mexique depuis deux mois, sa correspondance cesse du jour au lendemain et il disparaît sans laisser de traces le 26 décembre 1913. Victime anonyme de la folie des hommes? Un siècle plus tard, Alexandra Pearson entend bien élucider cette énigme lorsqu’elle se rend au Brésil afin d’acquérir un manuscrit oublié signé de la main de Bierce… Avec ce troisième roman, on saisit d’un coup toute l’ampleur et la profondeur de l’univers de Grenier. Où on pouvait croire que L’année la plus longue et Françoise en dernier avaient peu en commun, Héroïnes et tombeaux nous laisse entrevoir une fresque à grand déploiement comme il s’en écrit peu ici. Une telle entreprise requiert autant de souffle que de talent et comme en fait foi ce pavé de près de 400 pages, l’écrivain possède amplement les moyens de ses ambitions.
Gabriel Guérin, Librairie Pantoute (Québec)
Jaja la nuit
Valérie Boivin (Fonfon)
Albertine n’en peut plus! Les ronflements de sa sœur Jaja l’empêchent de dormir… Elle se tourne, se retourne, jusqu’à ce qu’enfin, le silence soit de retour. Mais… Une minute! Le silence? Où est donc Jaja? Dans cet album à l’atmosphère onirique, Albertine brave l’angoissante noirceur de la maison afin de retrouver Jaja, partie en aventure nocturne sans elle. La jeune fille croisera en chemin de surprenants invités, tous charmants et hauts en couleur. Pourront-ils aider Albertine à retrouver sa sœur? Cette histoire repose sur l’imagination des enfants, amplifiée par l’ambiance mystérieuse de la maison la nuit. En tant qu’adultes, on se retrouve transportés bien des années en arrière, dans une joyeuse mélancolie de notre jeunesse. Quant aux enfants qui lisent cet album, ils se reconnaissent certainement dans ce tourbillon d’imaginaire et de découvertes. Les illustrations de Valérie Boivin sont comme toujours des plus douces et agréables, elles vous donneront même envie de déguster un morceau de mozzarella et une slush aux fraises!
Émilie Carpentier, Librairie Martin (Laval)
Environnement toxique
Kate Beaton (Casterman)
Kate Beaton offre dans ce roman graphique un portrait lucide, mais sans complaisance des quelques années qu’elle a passées à travailler en Alberta, pour différentes compagnies pétrolières. Isolée, dans un univers masculin où les commentaires sexistes fusent à tout instant, la jeune femme tente de se faire une carapace et de survivre au pire. Installées au cœur des terres dérobées aux Autochtones, polluant sans vergogne, ces compagnies font peu de cas des conditions de travail de leurs employés, favorisant un climat malsain. Malgré tout, l’autrice et illustratrice nuance son récit, grâce entre autres à son coup de crayon qui donne vie au paysage magnifique et au ciel grandiose. Récit bouleversant, aussi poignant que captivant, Environnement toxique témoigne d’un quotidien laborieux, brut, mais non dénué d’une lumineuse remise en question.
Chantal Fontaine, Librairie Moderne (Saint-Jean-sur-Richelieu)
