L'initiative Les libraires conseillent répond à la demande des lecteurs avides de suggestions. Chaque mois, un comité formé d’une quinzaine de libraires établit, après moult discussions passionnées et passionnantes, une sélection de cinq livres. Essais, BD, romans jeunesse ou pour adultes, d’ici comme d’ailleurs, ces cinq livres sont mis de l’avant dans les librairies membres de notre réseau. Cette initiative est une belle occasion de promouvoir des livres jugés particulièrement remarquables, ainsi que de valoriser le rôle primordial de votre libraire. Voici la sélection de juillet qui met de l'avant le format de poche, pratique pour les vacances.

De si jolis chevaux
Cormac McCarthy (Points)

Il se passe quelque chose d’inusité à la lecture de n’importe quel livre de Cormac McCarthy : l’ambiance est tellement prenante, l’écriture si bien ciselée, qu’on se surprend au détour d’une page à lire à voix haute. Comme pour mieux éprouver chaque mot, chaque intonation. Le timbre de la voix descend naturellement d’un cran afin de s’ajuster à cet univers d’hommes d’un autre temps, rugueux et taciturnes. La réédition au printemps dernier de La trilogie des confins est l’occasion idéale d’éprouver ce phénomène. Particulièrement grâce à l’inoubliable De si jolis chevaux. Nous suivons dans ce premier tome John Grady Cole, un jeune texan de 16 ans qui grandit sur le ranch de son grand-père, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Le jeune homme a un don avec les chevaux, capable de débourrer même les plus sauvages. Sauf que le conflit mondial a propulsé les États-Unis vers l’industrialisation massive et la mécanisation à tout crin. Si les westerns ont de plus en plus la cote au petit écran, sur le terrain, le cowboy d’antan est une race d’homme qui se meurt. Quand la famille n’a d’autre choix que de se départir de leur ranch pour déménager en ville, John Grady enfourche sa monture et fugue vers le Mexique, l’ultime frontière pour une vieille âme de sa trempe.
Gabriel Guérin, Librairie Pantoute (Québec)

 


Le fil du vivant
Elsa Pépin (Alto)

Dans un Québec inondé, proche du cataclysme, Iona lutte entre ses instincts de mère louve fusionnelle et sa soif d’évasion. Elle se remémore son intense jeunesse dopée alors que Nils, son époux, se réfugie dans un pragmatisme forcené pour les mettre à l’abri avec quelques proches dans le manoir familial, en plein bois. Les visions s’affrontent et les liens s’effritent quand la rivière monte, bouleversant les corps, les certitudes et les éléments. Il est alors ténu, ce « fil du vivant » sur lequel marchent Iona et son entourage, équilibristes d’un quotidien sans filet. Avec une redoutable lucidité, le nouveau roman d’Elsa Pépin fait se toucher nos extrêmes, se lit dans l’urgence, se vit comme une déflagration. Du genre qui résonne longtemps.
Kareen Guillaume, Librairie Bertrand (Montréal)

 


Le corps lesbien
Monique Wittig (Minuit)

Vous trouverez dans Le corps lesbien de Monique Wittig un jeu du langage innovateur, autant dans la graphie que dans l’usage des pronoms. Un recueil aux frontières entre la poésie en prose, l’essai féministe et queer, ainsi que le récit intime : une lecture exigeante, mais captivante. La magie de ce livre réside dans la tension que Wittig réussit habilement à déployer entre l’aspect militantisme dans sa posture lesbienne, et la douceur de l’écriture dans l’interaction entre les parties des corps féminins. L’autrice glisse son propre langage dans l’écho des textes de la poétesse grecque Sappho, originaire de l’île de Lesbos : figure phare de la littérature lesbienne. Cette édition du Corps lesbien, initialement publié en 1973, vient souligner le cinquantième anniversaire de ce grand livre.
Marc-Étienne Brien, Librairie Les Deux Sœurs (Sherbrooke)

 


La décision
Karine Tuil (Folio)

À la suite des Choses humaines, le précédent roman de la géniale Karine Tuil, La décision se veut un laboratoire pour la morale et l’éthique en ces temps troublés. Avec la même finesse de pensée, l’infinie variation de nuances infimes et pourtant cruciales, elle nous démontre toute la complexité de la tâche des juges d’instruction antiterroristes. A-t-on le droit de suspendre la présomption d’innocence pour les citoyens français revenant de Syrie? Et si l’on répond par la négative, comment prévenir les risques d’attentats (sachant que les services de renseignement n’ont pas assez d’effectifs pour surveiller étroitement tous ces ressortissants)? Au cœur de ces questionnements cruciaux, une juge devra démêler amour, famille et travail alors que le drame plane au-dessus de la moindre terrasse, de chaque bar ou salle de spectacle. Un roman qui rappelle le formidable L’intérêt de l’enfant de Ian McEwan. Brillant, inlâchable et nécessaire!
Thomas Dupont-Buist, Librairie Gallimard (Montréal)

 


L’infini dans un roseau
Irene Vallejo (Le Livre de Poche)

Ah ce livre, ce formidable livre! L’infini dans un roseau est narré comme si nous étions accompagnés d’une amie, qui au travers des roseaux, nous livre la formidable histoire du livre et de l’écriture dans l’antiquité. Ce bouquin est vaste et étourdissant tellement moult informations vous guettent à chaque page. À la lecture de cet ouvrage, le livre que vous aurez entre les mains vous apparaîtra de plus en plus précieux, lourd en histoires et en millénaires d’évolution. Vous réaliserez la valeur des bibliothèques de l’Antiquité qui, grâce à elles, nous livrent des textes anciens, maintenant disponibles à des millions d’exemplaires autour du monde! Comme moi, savourez-le lentement, décortiquez-le et rêvez de ces époques qui ont façonné l’humanité. Vous passerez assurément, en sa compagnie, un formidable été littéraire!
Shannon Desbiens, Librairie Les Bouquinistes (Chicoutimi)