De la fiction bien réelle

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« Notre seule vérité possible doit être invention (…) »

 Marelle, Julio Cortazar

Tandis que le livre La belle affaire sera lancé ce soir dans le téléroman Yamaska, il se retrouvera réellement dès demain dans les librairies de la province. Ça se trouve à être le premier roman de William Harrison (personnage du téléroman interprété par Normand D’Amour) qui est en réalité écrit par un vrai écrivain, François De Falkensteen, qui signe son premier vrai roman. Vous suivez?

C’est simple, le faux écrivain lancera un vrai livre que vous pourrez vraiment acheter et tenir entre vos mains. Mieux, vous pourrez être au courant des tourments que suscitera ce roman dans l’entourage de l’auteur-personnage. Car même s’il s’agit d’une œuvre de fiction, comme plusieurs écrivains William Harrison s’est inspiré de sa vie pour l’écrire (vie inventée par les scénaristes Anne Boyer et Michel d’Astous), et le père et la femme de ce dernier se reconnaîtront sous des aspects peu flatteurs, ce qui lui vaudra maints reproches.

Et qu’en penseront les véritables lecteurs, c’est-à-dire vous et moi? Nous qui sommes à la fois voyeurs et participants, quel parti choisirons-nous de prendre? Quelle qualité littéraire recèlera ce roman, fiction par définition, né d’une autre fiction?

Plus que jamais, nous avons besoin de brouiller les pistes entre ce qui existe et ce qui est fabulé. Plusieurs écrivains ont poussé le jeu très loin, nous emmenant dans des récits parallèles, quantiques et métatextuels, ne nommons que l’écrivain argentin Jorge Luis Borges qui tenta sans cesse d’amenuiser les frontières du réel et de la fiction. Et voilà que les scénaristes de nos téléromans quotidiens font la même chose, ils veulent introduire une part tangible dans notre vie à partir d’une histoire inventée. L’humain a besoin de fiction, elle est ce qui le construit, le définit. Elle calme nos peurs en donnant un sens à ce qui est flou, indéterminé, mystérieux, incontrôlable. C’est Romain Gary qui disait : « Rien n’est humain qui n’aspire à l’imaginaire ». Il avait bien raison.

Source: LaPresse

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