Marie Gagnon : Chronique d’une mort annoncée

88
Publicité

L’écrivaine Marie Gagnon a un parcours atypique (itinérance, vols de livres, séjours en prison) qui ressemble à celui de ses personnages : une vie d’errance et de marginalité. Jadis accro à l’héroïne, elle a connu l’univers qu’elle raconte avec justesse dans son sixième livre, La mort du pusher (XYZ), un roman touchant et dur, au cœur de la dépendance, de la déchéance et de la solitude.

Quelle a été l’étincelle de départ de votre roman La mort du pusher?
Ma vie d’errance est l’étincelle de départ de mon roman. Aussi, Jos, mon pusher de l’époque tué par les siens il y a quelques années et dont j’ai voulu décrire les derniers mois de vie. Je fus témoin de cette fin, témoin du calvaire vécu par cet homme durant les derniers mois; il savait qu’il y avait un contrat sur sa tête, il savait qu’il allait y passer. Je voulais dire la force d’un homme qui se sait condamné et se questionne sur ce qu’il est. La mort du pusher est un livre qui puise dans la réalité; seuls les noms et quelques lieux ont été modifiés.

Dans vos livres, vous vous intéressez aux marginaux. Qu’est-ce qui vous inspire dans la nature humaine? Et particulièrement chez les marginaux?
Chez beaucoup, leur force et leur grandeur incomprises; leurs vies si étrangères à celles des gens ordinaires qu’on les dirait d’une autre espèce. Cette différence est trop souvent perçue avec mépris et hargne.

Que représente l’écriture pour vous? 
L’écriture? Ma passion de toujours. Comme je suis détentrice d’une maîtrise en littérature, et ce, avant ma vie d’errance, il est important que l’on comprenne que je suis d’abord et avant tout une écrivaine et non pas une femme qui, ayant vécu une existence marginale, décide tout d’un coup de se raconter. L’écriture m’apporte toutes les joies possibles, surtout celle de mettre en scène des personnages que l’on croise chaque jour dans la rue sans les connaître! De faire comprendre des âmes et des cœurs, des souffrances et des grandeurs. J’écris pour exprimer ma perception de la vie.

J’imagine qu’il faut vraiment aimer la littérature pour voler des livres. Parlez-moi de ce besoin de livres. De quelle façon la littérature a-t-elle été marquante pour vous?
Je volais des livres pour les revendre et l’argent servait à ma consommation d’héroïne. Bien entendu, je gardais quelques bouquins sous la manche, car lire a toujours été ma drogue première. Les livres sont des âmes d’auteurs que l’on effeuille, des parcelles de vies partagées, des rencontres avec l’inconnu et le plus beau moyen d’évasion au monde.

Dans La mort du pusher, on retrouve des personnages d’Emma des rues et Des étoiles jumelles, dont Emma. Considérez-vous ce personnage comme votre alter ego? 
Emma est certes mon alter ego, et sa quête d’absolu est la mienne. C’est comme si j’étais incapable de vivre dans notre monde; j’ai soif de grandeur, de pureté et de beauté…

Quels sont vos projets d’écriture?
J’ai terminé un recueil de nouvelles et commencé deux romans; l’un sur la guerre des gangs à Montréal; l’autre, une œuvre fantastique qui me permettra d’exprimer par le biais d’un univers créé de toute pièce ma vision de notre univers.

 

La mort du pusher
Jos, un pusher issu d’une famille de mafieux, apprend qu’il y a un contrat sur sa tête. Grâce à Emma, une ex-junkie, la seule qui peut l’aider, il se cache avec son frère Fredo dans l’appartement du peintre Guido Molinari afin de planifier sa fuite en Sicile. Tout en ne pouvant se fier à personne, pas même à son frère, Jos doit trouver le moyen de partir et, d’ici là, de se procurer de la drogue sans se faire repérer par la mafia.

 

Photo : © Julie Artacho

Publicité