Portraits du jeune auteur en coureur de fond: Les filles

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Qui dit « jeune auteur » dit « nuits blanches » et soupe « ramen ». C’est que le parcours qui mène à une carrière d’écrivain fructueuse et accomplie est semé d’embûches. Au-delà du talent et de la volonté nécessaires, les artistes émergents ont cela en commun qu’ils doivent jongler avec l’intégration d’une discipline, un emploi de jour pour financer des litres de café et une connexion Internet indéfectible, sans compter les études, les dettes qui s’accumulent plus rapidement que les pages du manuscrit, l’isolement et les parents qui se demandent pourquoi ils n’ont pas fait médecin ou architecte… Ouf.

Malgré ces contraintes, la relève québécoise est plus vigoureuse que jamais. En voici la preuve: dix femmes et dix hommes à la plume tantôt soignée et élégante, tantôt acérée et déchirante. Nos libraires indépendants ont choisi les vingt jeunes auteurs à surveiller de près au cours des prochaines années.

Perrine Leblanc
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Perrine Leblanc est sans contredit la découverte littéraire de l’année. C’est pourtant par surprise que le succès de L’homme blanc a consacré l’auteure et son éditeur, Le Quartanier : soudain, première position des palmarès de vente, manchettes d’à peu près toutes les publications culturelles, Grand prix du livre de Montréal 2010, gagnant du Combat des livres 2011, éloges et critiques dithyrambiques… On s’arrache Perrine, quoi. L’homme blanc fera bientôt son entrée sur le marché étranger par la grande porte de l’édition française, chez nul autre que Gallimard, tandis que la belle termine son second ouvrage.

Marie-Renée Lavoie
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La blonde écrivaine originaire de Limoilou nous a séduits à la première lecture. Et avec les milliers d’exemplaires vendus de son roman La petite et le vieux, nous ne sommes apparemment pas les seuls. C’est que l’imagination de l’enseignante en littérature n’a de limites que celles du bonheur qu’elle nous fait vivre. Dans son deuxième ouvrage, à paraître chez XYZ, Marie-Renée Lavoie promet de verser dans le vitriol en mettant en scène une insomniaque au bout du rouleau. Dans ce roman fidèle à ce qui a fait le charme du précédent, il y aura des enfants, des chats, du pauvre monde et, surtout, une irrésistible envie d’être heureux.

Dominique Fortier
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Avec deux romans à son actif et un troisième en cours d’écriture, Dominique Fortier s’est confortablement installée dans le paysage littéraire pour y rester. L’ancienne réviseure se lançait dans la fiction en 2009 avec Du bon usage des étoiles (Alto), dont elle signe également le scénario pour son adaptation cinématographique en compagnie de Jean-Marc Vallée. Le suivant, Les larmes de saint Laurent, est dès sa sortie acclamé de toute part. On crie au génie! D’ici son prochain ouvrage, on retrouve sa griffe dans la traduction du roman de Linden MacIntyre, The Bishop’s Man, qui paraîtra en avril sous le titre La chambre de l’évêque, chez Libre Expression.

Olivia Tapiero
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À 19 ans, Olivia Tapiero débarque dans l’univers de la littérature québécoise comme une bombe dans un dortoir. Avec Les murs, récit caustique d’un suicide avorté, la jeune auteure remporte haut la main le prix Robert-Cliche du premier roman. Sur toutes les tribunes, on loue la justesse du ton, la maîtrise du propos concernant l’anorexie, la redoutable efficacité de l’écriture, bref, il s’agit bien de la révélation d’un talent. L’étudiante en littérature termine tout juste son deuxième roman qui paraîtra, si tout va bien, à l’enseigne de VLB l’automne prochain.

Zviane
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Elle a beau nous épater avec ses dessins depuis plusieurs années, c’est en 2010 que la bédéiste Zviane nous confirme son talent. Sylvie-Anne Ménard s’est fait connaître dans la communauté virtuelle grâce à son blogue La plus jolie fin du monde. Reçue en résidence d’artiste à la maison des auteurs d’Angoulême en 2009, elle remporte la même année le premier prix du concours de BD Hachette. Publié récemment chez Pow Pow, son magnifique Apnée est un album foudroyant comme une bulle d’oxygène au cerveau. L’ostie d’chat, tiré du Web-feuilleton éponyme qu’elle entretient avec Iris Boudreau, paraîtra en plusieurs tomes à l’automne chez Delcourt.

Sophie Bouchard
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Issue du milieu de la coopération internationale et de l’intervention sociale, Sophie Bouchard observe, analyse, anticipe et prend la parole d’une voix qui se fait entendre au-dessus du vacarme quotidien. Après Cookie (2008, La Peuplade), dénonciateur des malaises amoureux, elle nous livrait en 2010 Les bouteilles, récit d’une cruelle solitude « à boire jusqu’à l’ivresse ». La Saguenéenne quittera bientôt ses décors fluviaux afin de terminer son troisième roman, une histoire de béton et d’autoroutes, de transition, de transgenre. Démystifier la transsexualité, voici la tâche que s’est donnée l’écrivaine engagée.

Sandra Gordon
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On l’a comparée à Réjean Ducharme et à Charles Bukowski pour sa maîtrise étonnante de l’argot et son humour corrosif. La bloggeuse Sandra Gordon, dont l’impudique Cour à scrap déchire la Toile depuis quelques années, nous a surpris avec le politiquement incorrect Les corpuscules de Krause en 2010 (Leméac). Entre coups de gueule et gueules de bois, la nouvelliste à temps partiel s’attelle maintenant à « bâtir une charpente comme du monde » en vue d’écrire un second roman et à « bizouner » le spectre des faiblesses humaines à sa manière, toute délicate dans sa férocité.

Annie Cloutier
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Annie Cloutier en connaît un bout sur la conciliation travail-famille. La mère de trois garçons enseigne la sociologie tout en mettant la touche finale à son mémoire de maîtrise, qui porte incidemment sur les mères à plein temps. Et l’écriture, dans tout ça? La jolie globe-trotter faisait paraître récemment en format poche son récit de la réunification allemande, La chute du mur. L’auteure de Ce qui s’endigue planche désormais sur ce qui sera son troisième roman chez Triptyque, une histoire explorant les relations entre six belles-sœurs. Sacrée famille!

Véronique Marcotte
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À 11 ans, Véronique Marcotte dépose sur la table familiale son premier roman — 83 pages, simple interligne, recto-verso —, annonçant à ses parents la vocation de la gamine. Douze ans plus tard paraît Dortoir des esseulés, suivi de Les revolvers sont des choses qui arrivent et enfin de Tout m’accuse, mis en nomination pour le Prix des libraires en 2009. Selon L’actualité, elle fait alors partie des nouvelles voix qui secouent le roman québécois. La metteure en scène, toujours aussi fascinée par le cerveau et la santé mentale, fera paraître en 2012 De la confiture aux cochons, dont le thème, la mythomanie, convient parfaitement à son décor, le show-business.

Émilie Andrewes
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Elle n’a pas 30 ans et déjà, Émilie Andrewes a publié trois romans chez XYZ. La bachelière en anthropologie lançait le lecteur sur les montagnes russes de son inspiration baroque et de sa plume débridée dans Les mouches pauvres d’Ésope (2004), suivi d’Eldon d’or en 2006. Dans Les cages humaines (2010), c’est l’univers fascinant du marché aux oiseaux de Hong-Kong qui a titillé l’imagination de la belle. Quant à ses projets futurs, il aura fallu lui tirer les vers du nez pour qu’elle admette travailler en ce moment sur une éventuelle trilogie, dont le thème sera la captivité. À suivre.

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