L’arbre et le tout

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À voir fondre les objectifs et se raidir les refus, il devient tristement certain que Kyoto inscrira son protocole dans la liste des prévisions mensongères. Il y rejoindra le bogue de l'an 2000, l'abattement des impôts par le gouvernement Charest, le souci littéraire de Radio-Canada... L'écologie dans les discours, la pollution et le gaspillage dans les pratiques. Une rodomontade suivie d'un recul discret, mais quand même honteux.

Rien ne changera donc à moins que, corvéables à l’infini, les minuscules contributions au ras du sol contrebalancent l’incurie des pouvoirs publics et la voracité des conglomérats. Espoir fragile, cependant. Certes, l’environnement tire avantage de chaque feuille de papier épargnée, de chaque enveloppe réutilisée, mais l’empoisonnement de l’air, de l’eau et de l’espace ne sera freiné que si les pollueurs industriels, les pétrolières et les gazières, les fabricants d’automobiles et les multiplicateurs d’emballages sont mis au pas. Douteux.

Le monde de l’édition et de l’imprimerie, qui vit du papier, confesse mieux sa dépendance à l’égard d’une ressource rare. L’Homme qui plantait des arbres a montré ce qu’il fallait faire. Les éditeurs, plus qu’autrefois, endossent le slogan «Protégeons nos forêts». C’est le cas de Septentrion. Écosociété donne l’exemple depuis longtemps. «Depuis ses débuts, Écosociété a tenu à imprimer sur du papier contenant des pourcentages de fibres recyclées et post-consommation, variables selon la disponibilité du marché. Depuis 2004, le virage papier certifié Éco-Logo – 100 % fibres post-consommation entièrement traité sans chlore, est enfin possible. «De plus, afin de maximiser l’utilisation du papier, nos mises en page ne comprennent plus de pages blanches entre les chapitres», lit-on dans Non, je n’accepte pas, le premier tome des mémoires du fondateur de la maison, Serge Mongeau. Écosociété applique la même philosophie en se tenant à distance d’un Wal-Mart qui exploite (!) tous les types de ressources, humaines ou environnementales, d’ici ou d’ailleurs. On ne se surprendra pas de trouver chez Écosociété les textes de Laure Waridel, la dynamique avocate du commerce équitable (L’Envers de l’assiette, et Acheter, c’est voter).

Se soucier de l’environnement, c’est, en effet, englober dans sa préoccupation la forêt, l’air, l’eau, le paysage, l’être humain. Pour cela, civiliser l’auto en même temps que la presse rotative, les motoneigistes et le calendrier scolaire. Cornelius Castoriadis et Daniel Cohn-Bendit l’écrivaient déjà en 1981 (De l’écologie à l’autonomie, Seuil). Deux livres tout récents font voir, en tout cas, de lumineuse façon, comment les coupables de l’amiantose et de la silicose, en plus de tuer des dizaines de travailleurs, ont orienté durablement vers la droite le gouvernement de Duplessis et l’épiscopat québécois (Suzanne Clavette, Les Dessous d’Asbestos, et L’Affaire silicose). La pollution ne s’attaque pas seulement aux poumons, mais à la pensée. Qui ne respecte pas les arbres pratiquera d’autres mépris.

Mais, dira-t-on, la santé réclame tout l’argent disponible. Notons quand même ceci: la fluoration de l’eau coûte des millions, aide les alumineries à rentabiliser leurs déchets et n’apporte rien aux enfants (La Fluoration. Autopsie d’une erreur scientifique).

Oui à l’écologie, mais non à tout ce qu’elle implique.

Bibliographie :
L’Homme qui plantait des arbres, Jean Giono (texte) et Frédéric Back (ill.), Gallimard Jeunesse, 40 p., 31,50$
Les Dessous d’Asbestos, Suzanne Clavette, PUL, 594 p., 40$
L’Envers de l’assiette, Laure Waridel, Écosociété, 172 p., 19$
L’Affaire silicose, Suzanne Clavette (dir.), PUL, 452 p., 35$
La Fluoration, Gilles Parent, Pierre-Jean Morin et John Remington, Éditions Berger, 315 p., 39,95$

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