Je ne vous apprends rien : la littérature jeunesse est vaste et nous offre de multiples possibilités pour ouvrir la discussion avec les enfants, pour stimuler leurs réflexions. L’humour et le plaisir sont une façon d’y arriver, plusieurs livres en témoignent! Laissons un peu notre sérieux de côté et voyons ce que le rire peut nous apporter. Les ouvrages présentés ici explorent tous un même thème : celui de la liberté.

D’emblée, il est opportun de souligner le travail éditorial des éditions Fonfon, qui ont fait de la rigolade la ligne directrice de leur collection « Histoires de rire ». Le dessin trop mignon, petit dernier de la maison, combine les talents de l’autrice Roxane Brouillard (que Mon chien banane nous a révélée en 2020 chez Les 400 coups), et de l’illustratrice Cathon (que l’on connaît pour les Mimose & Sam, entre autres). On y rencontre Martin, un jeune garçon qui adore le dessin. Il est d’ailleurs l’expert pour dessiner les choses les plus adorables qu’on peut imaginer. Alors que l’ennui le gagne en classe, il réalise un dessin aux effets insoupçonnés : l’illustration parvient à figer de ravissement chaque personne qui la regarde! Tout le monde y passe : les professeurs, la directrice, la police et, pourquoi pas, les pompiers! Les enfants se retrouvent libérés de toute autorité. Le cadre scolaire de même que l’ordre public laissent place à un chaos qui, au final, ne peut pas durer éternellement… La drôlerie de l’album réside dans l’absurdité de la situation, tout comme dans les illustrations volontairement burlesques. Après la lecture, pourquoi ne pas discuter avec les enfants de l’art et de ce qu’il peut nous communiquer comme émotions? Le dessin est un mode d’expression qui n’a pas d’âge, d’autant plus qu’on l’expérimente bien avant l’écriture.

Il est à noter que pour ajouter au plaisir, les éditions Fonfon offrent un espace créatif gratuit en ligne qui permet aux jeunes lecteurs d’imaginer leurs propres histoires en s’inspirant des univers de plusieurs livres de leur catalogue : à découvrir sur atelierfonfon.com!

L’éditeur français Little Urban fait aussi œuvre utile pour les jeunes lecteurs. Fondé en 2015, il offre un catalogue qui se démarque indéniablement par sa qualité. Amélie Graux y présente son plus récent album, Libres : Le jour où j’ai délivré les animaux. Le livre fait suite à Animal : Le jour où je suis devenu loup, où un enfant nommé Simon décidait de troquer la vie humaine pour une vie sauvage, à l’apparence beaucoup moins compliquée. Les deux titres se lisent de façon parfaitement indépendante, on y retrouve simplement les mêmes personnages et un drôle de renversement de situation. Dans ce nouvel opus, après une visite au zoo avec sa famille, le jeune Simon prend une décision des plus sérieuses : il décide de libérer les pauvres animaux de cette vie morne en cage. Projet impossible? Que nenni! Il suffit d’élaborer le plan adéquat… La naïveté des parents de Simon est tout simplement savoureuse; ils ne se rendront compte de rien! La façon totalement improbable dont les choses se déroulent, mise en scène par les personnages expressifs (à outrance!) de l’illustratrice, garantit un plaisir de lecture qui ne demande qu’à être partagé. En effet, l’univers graphique d’Amélie Graux est reconnaissable entre mille. Ses illustrations au crayon ont un style qui se prêterait parfaitement à la bande dessinée! Les traits prononcés de ses personnages, avec leurs yeux, leur nez et leur bouche judicieusement disproportionnés, suffisent à nous mettre le sourire aux lèvres. Ils interpelleront particulièrement les petits, ce qui permet de proposer cette lecture dès l’âge de 3 ans. Il est ensuite possible de réfléchir sur le phénomène des animaux en captivité et de troquer l’humour pour la philosophie le temps d’une discussion.

Le roman Un oiseau dans la classe, publié chez Bayard Jeunesse, mène vers les mêmes pistes de réflexion. « Elle n’y pouvait rien, la vue de tout ce qui était si fragile, si éphémère, tout ce qu’un rien pouvait déchirer, l’émouvait immédiatement […]. Elle l’a recueilli dans sa main. Elle sentait, sous les plumes, palpiter le cœur minuscule. Elle ne pourrait jamais sauver le monde, OK! Mais cela, au moins, était magie à sa portée: cet oiseau, elle allait le sauver. » L’autrice Jo Hoestlandt donne vie à une enseignante sensible et proche de ses élèves, qui saisit les opportunités du quotidien pour enrichir son enseignement. C’est donc ainsi qu’un matin, cette dernière ramène en classe un oiseau blessé. Tous les élèves se mobilisent pour prendre soin du fragile volatile. Ils vont même jusqu’à lui faire la lecture à tour de rôle! Consciencieusement, ils tiennent un journal afin de documenter le rétablissement de l’animal, jusqu’au jour où, miracle, ce dernier se remet à voler! Mais alors, lui faut-il une cage spacieuse et confortable, ou plutôt un retour à la vie sauvage? Et la liberté, qu’est-ce que c’est exactement? Peut-on être libre juste « à moitié »? La fin du roman est une invitation à se remettre en question et propose une réelle ouverture à la discussion.

Au-delà de cet aspect, l’écriture de l’autrice est quasi chantante : c’est tout à fait le genre de livre qu’on a envie de lire à haute voix. On y perçoit régulièrement un humour intelligent et surtout, une réelle considération pour les jeunes lecteurs qui sont ici jaugés avec le sérieux qu’ils méritent. Le ton est léger et agréable, mais ne néglige pas la beauté des récits écrits avec soin. Ponctué des douces illustrations d’Irène Bonacina, le roman rappelle à plusieurs égards le Petit Nicolas de Sempé et Goscinny. À souligner que pour les auteurs et autrices en herbe, il est possible de télécharger grâce à un code QR à la fin du livre un document contenant « Les petits ateliers d’écriture de Jo Hoestlandt ». Six ateliers ludiques s’y retrouvent, où l’autrice a misé sur le plaisir et les joies que peut apporter l’écriture.

En définitive, ne boudons pas notre plaisir : l’humour et la légèreté peuvent aussi servir des propos intelligents. Et ils ont le pouvoir d’être rassembleurs et à la portée de tous!

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