Photo : © Philippe Matsas

Osvalde Lewat / Les Aquatiques (Les Escales)
Ce premier roman est écrit par une autrice qui ne porte heureusement pas de gants blancs. Dans Les Aquatiques, elle nous immerge dans l’Afrique subsaharienne contemporaine, dans un pays imaginaire, le Zambuena, gangrené par la corruption, les politiques patriarcales et les hommes sans scrupules qui sont au pouvoir. On y rencontre Katmé, femme de position choyée, qui aura un moment de grande lucidité lorsque son ami se fera arrêter pour homosexualité. Femme puissante, personnage fort et nuancé, Katmé devra choisir entre ne rien faire ou quitter sa position d’épouse d’homme riche et aider son ami, c’est-à-dire remettre tout en question. C’est écrit avec réalisme et humour, ce qui en fait une lecture aussi agréable que pertinente. Il a récemment remporté le Grand Prix panafricain de littérature.

 

Photo : © Brice Toul

Maryse Condé / L’évangile du nouveau monde (Buchet Chastel)
L’Homme déborde de contradictions. Voilà ce que constate Maryse Condé dans ce qui s’avère, de son propre aveu, son tout dernier roman puisqu’elle est fragilisée par la maladie. Il s’agit d’un hymne au combat contre les inégalités et le racisme ainsi qu’un appel à de meilleures conditions des femmes et à la liberté (ce que l’autrice a défendu toute sa vie, d’ailleurs), le tout écrit par le truchement de l’histoire d’un messie nouveau : un fils de Dieu métis, au teint foncé et aux yeux gris-vert, qui n’est pas insensible aux charmes féminins. Un homme qui a la foi et qui tentera de faire changer les choses, les hommes, dans un désir de tolérance et d’harmonie. La seule solution salvatrice : l’amour et la fraternité.

 

Françoise Ega / Lettres à une Noire (Lux)
On plonge ici dans un récit intime doublé d’un manifeste poignant contre l’esclavage des temps modernes, grâce au journal d’une Martiniquaise qui demeure à Marseille et qui est employée — exploitée, plutôt — comme domestique. Ce texte, écrit dans les années 1960, est celui d’une femme qui témoigne de son expérience auprès de patrons et patronnes utilisant moult prétextes pour tenir captives des esclaves-ménagères (le coût du voyage à rembourser, les frais de subsistances, etc.) et qui n’ont aucune considération pour elles. Les humiliations sont nombreuses, les tâches s’avèrent ardues, et ces filles, lorsqu’elles en remplacent d’autres, doivent porter le prénom de la remplacée. Qu’est-ce donc que cette horrible place octroyée d’un accord tacite par la société à ces filles des Antilles, qui débarquent par centaines chez des bourgeois blancs? Remuant.

 

Photo : © Jean-Marc Carisse

Edem Awumey / Noces de coton (Boréal)
Edem Awumey, romancier basé à Gatineau dont on ne se lasse de mentionner que son second roman Les pieds sales a été en lice pour le prestigieux prix Goncourt, revient avec un huis clos où un planteur de coton ruiné prend en otage un journaliste berlinois. C’est alors le prétexte pour que se déploie la narration en divers chemins, tous reliés par le diktat de multinationales sans scrupules envers les travailleurs agricoles, de l’Afrique aux États-Unis, mais aussi de l’Inde, l’Ouzbékistan, le Bangladesh et la Russie. C’est un roman bouleversant sur l’horreur que certains osent faire porter à d’autres, c’est un vacarme assumé envers l’oppression qui perdure en Afrique, qui déshumanise les habitants au nom de l’enrichissement des déjà riches. Mais c’est lyrique et porteur d’espoir, comme Awumey sait toujours faire.

 

Photo : © Julie Artacho

Chloé Savoie-Bernard / Sainte Chloé de l’amour (L’Hexagone)
L’exploration à laquelle nous convie la poète Chloé Savoie-Bernard en est une autour de la mysticité religieuse (très jeune, la narratrice souhaitait devenir une sainte qui pardonne à son cousin, à son père et à « ceux qui disent oui mais on ne peut plus rien dire »), mais aussi une exploration de l’identité — face à soi et à l’autre —, de la solitude des femmes, de celles amères ou de celles qui « à la fiction préfère[nt] l’enquête », et une dénonciation de tous ces possibles tués par des gens qui « ne cherche[nt] pas tout à fait ça ». C’est une lecture où l’on partage la colère, la tristesse et la frustration de l’autrice, et dont on ressort en se désolant de voir notre société encore si arriérée.

 

Photo : © Lorna Doumbe

Laura Nsafou / Nos jours brûlés (Albin Michel Jeunesse)
L’histoire de cette autrice de talent (Comme un million de papillons noirs) se déroule en 2049, alors que le soleil a disparu et que les humains doivent affronter la pénombre perpétuelle, les espèces nocturnes qui se sont multipliées et la rareté de la nourriture. Elikia et sa mère sont en revanche convaincues que la disparition de l’astre est en lien avec celle d’une ancienne cité où les habitants possédaient des pouvoirs… Elles se mettront en quête de restituer le soleil, ce qui ne se fera pas sans heurt ni appel à la magie. Une grande épopée dans un univers dense et ô combien bien décrit, où les traditions, philosophies et messages à l’humanité sont partagés avec beaucoup de tact, ce qui en fait un ouvrage d’une belle richesse. Dès 14 ans

 

Photo : © Pedro Ruiz

Gary Victor / Treize nouvelles vaudou (Mémoire d’encrier)
« Dans ce recueil, Gary Victor a réussi le pari de convoquer le mystère sans tomber dans le piège de la sensation ou de l’exotisme. Si la peur et l’angoisse nous encerclent de nouvelle en nouvelle, c’est sans doute parce que l’auteur nous rappelle que la nature humaine est un puits sans fond » : ça, c’est Alain Mabanckou qui l’écrit en préface de Treize nouvelles vaudou. On suit depuis longtemps cet auteur de Port-au-Prince, qui a été comparé à Poe et à Maupassant, pour ce talent qu’il a de jouer avec les codes du fantastique et de nous entraîner, de façon brillante et passionnée (et parfois drôle!), au cœur de la société haïtienne, dans ses méandres politiques et sociaux. Un univers qu’il décortique sous nos yeux avec brio.

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