Quelque part dans les dédales d’un quartier de Québec dont les rues portent des noms d’oiseaux, les éditions FouLire célèbrent leurs vingt ans. Situées dans la coquette maison de Danielle Lajeunesse et d’Yvon Brochu, elles ont relevé depuis leurs tout débuts leur défi premier : faire lire les jeunes en leur offrant des romans humoristiques. Grâce à leur qualité, leur originalité et leur accessibilité, les 575 titres publiés chez FouLire ont établi la belle réputation dont jouit la maison, qui n’a pas tardé à prendre son envol dès l’année de sa création.

Ils forment un beau duo, ces deux moineaux qui se sont rencontrés il y a plus de cinquante ans, sur un terrain de tennis, à peine adolescents. C’est qu’ils sont complémentaires plutôt que similaires : la techno, l’active, la productive, c’est Danielle Lajeunesse; le contemplatif, le littéraire, l’amoureux des mots, c’est Yvon Brochu. Entre les deux, il y a une belle complicité et, surtout, un grand respect mutuel.

Les débuts
Lui a travaillé durant quinze ans au ministère des Affaires culturelles; elle a mis sur pied sa boîte de communication. Ils ont ensuite tous deux travaillé pour Héritage jeunesse — où ils soulignent l’importance qu’a eue Jacques Payette comme mentor —, puis chez Dominique et compagnie. Ils ont alors réalisé qu’un créneau restait à investir dans le panorama éditorial pour la jeunesse, « celui d’exploiter un humour qui fait appel à l’intelligence et à l’imaginaire », explique l’éditeur. « On voulait aider les parents et les enseignants à développer le goût de la lecture chez les jeunes. Concrètement. C’est pour ça qu’on est dans l’humour », renchérit-il. Un humour qui se trouve d’ailleurs à plusieurs niveaux : dans la narration, dans les quiproquos, dans le ton. Chaque auteur a son humour propre, mais tous savent s’inscrire dans la politique éditoriale de la maison.

Ainsi, dans les premières années, c’est avec le soutien des éditions MultiMondes, qui étaient également sises à Québec, qu’ils se sont lancés. Le premier titre publié chez FouLire a été Galoche chez les Meloche, signé par Yvon Brochu qui avait déjà à son actif plusieurs romans et pièces de théâtre ayant connu le succès. Le chien Galoche a immédiatement fait fureur. « Avec Galoche, ajoute l’auteur, j’ai touché à des sujets qui m’interpellaient beaucoup : les résidences de personnes âgées en perte d’autonomie ou l’Alzheimer par exemple. Par le biais de l’humour, on peut traiter de beaucoup de sujets avec espoir, dans un univers qui est alors moins dramatique. » De son côté, Danielle Lajeunesse a créé un site Web ludique autour de l’univers de Galoche, qui se décline maintenant en seize tomes. Précurseuse en ce qui a trait à l’exploitation des ressources du Web en édition, la maison a ensuite créé plusieurs sites pour accompagner chacune de ses séries. Car, oui, chez FouLire, la lecture se fait principalement en série. En soixante séries, pour être plus exact!

Sortir des sentiers battus
L’originalité dont parle l’éditeur se situe également dans les concepts de séries proposés, où plusieurs auteurs sont impliqués dans un même livre. Dans La joyeuse maison hantée, qui a ouvert le bal dès la seconde année d’existence de la maison, les auteurs inscrivent leur roman dans un univers commun établi. Dans Le trio rigolo, c’est autour d’un même sujet (Ma plus grande peur, Ma première folie, Mon premier voyage, etc.) que trois auteurs (Johanne Mercier, Reynald Cantin et Hélène Vachon) mettent chacun en scène leur personnage, qui revient ensuite d’un roman à l’autre, chacun dans une courte histoire. Trois « nouvelles » sont ainsi réunies dans chaque roman. D’ailleurs, cette série a récemment été rééditée, non plus par thématique mais par personnage (Laurence, Daphné, Yohann). « Ce sont de courts textes qui se travaillent bien en classe », mentionne l’éditeur qui a toujours gardé en tête son objectif de faire lire les jeunes.

« Faire des livres pour les moins bons lecteurs, donc, mais aussi des livres que les très bons lecteurs vont également aimer. C’est ça la clé », ajoute Danielle Lajeunesse. Vient alors l’exemple de la série Les aventures de Marie-P, signée par Martine Latulippe et illustrée par Fabrice Boulanger. L’histoire, un court roman d’enquête qui plaira aux bons lecteurs, possède des lettres qui se cachent dans les illustrations qui parsèment le livre. Une fois réunies, elles forment un mot qui donne un indice pour élucider l’énigme du roman. « Les enfants adorent! Un jeu comme ça, intégré au livre, ça peut être le petit déclic pour un jeune, la porte d’entrée vers la lecture », déclare l’éditrice.

François Gravel / Photo : © Martine Doyon

Autres concepts majeurs signés par Alain M. Bergeron, François Gravel, Martine Latulippe et Johanne Mercier : La bande des quatre, l’histoire de quatre jeunes apprentis moniteurs ayant travaillé dans un camp d’été, qui s’écrivent des courriels pour maintenir le contact tout au long de l’année scolaire. Tout y est en mode épistolaire rigolo! Suit la série La clique du camp où l’on retrouve, toujours au même camp, quatre jeunes campeurs qui sont sous la protection des apprentis moniteurs découverts dans La bande des quatre! Et finalement, c’est François Gravel qui propose une nouvelle minisérie mettant uniquement en vedette Jules, personnage de La clique du camp qui veut devenir écrivain. En résumé : vous avez aimé l’un des titres issus d’une de ces séries? Il y en a heureusement plusieurs autres qui découlent du même univers!

Un autre concept, et non le moindre, est celui sur lequel planche sans relâche Jocelyn Boisvert depuis des années : Les héros de ma classe. Une classe de vingt-quatre élèves… où chacun a son propre roman lui étant consacré. Ces livres ont la particularité d’être des ouvrages dont vous êtes le héros. Les lecteurs s’amuseront donc à trouver la bonne route narrative pour aider Jérémie à ne pas faire pipi dans ses culottes, pour soutenir Damien afin qu’il ne fasse pas un tour trop vilain pour le 1er avril, pour aider Mathieu à contrôler son fou rire lors d’un important examen, pour enquêter avec Mira sur son mystérieux admirateur secret ou encore pour secourir Amélie, perdue dans un salon du livre. Le prochain (et ultime) ouvrage qui verra le jour dans cette série mettra à l’honneur madame Anne, la prof… Les élèves n’auront qu’à bien se tenir cette fois!

Parlant de prof… FouLire a mis sur pied Le Coin des profs, un outil sur le Web dont plus de 14 000 enseignants ont déjà profité des « 1 450 activités gratuites faites avec chacune une touche d’humour », en lien direct avec l’un des ouvrages FouLire.

Parmi les autres concepts mis de l’avant chez FouLire, on doit souligner la série Mini Ketto où le processus de création entre auteur et illustrateur était ici inversé : une illustration de couverture, produite par le duo d’artistes Fil et Julie était présentée à un auteur, lequel devait ensuite inventer l’histoire. Par la suite, Fil et Julie réalisaient des illustrations intérieures en couleurs. Cela a donné lieu à Ludo et le record du monde d’Alain M. Bergeron ou encore à Le talent de Thalie de Martine Latulippe. Quant au concept des Bonzaï, il s’adresse aux jeunes de 5e et 6e année et 1re secondaire avec de courts romans entre 80 et 100 pages signés, entre autres, par Pierre-Alexandre Bonin, Patrick Isabelle et Jessica Wilcott. Tout comme Bonzaï, la collection Cactus se démarque, car elle offre des ouvrages qui ne sont pas des séries et où des auteurs reconnus comme Jimmy Poirier ou Émilie Rivard ont publié. D’ailleurs, le premier titre de cette collection, Il faut de tout pour faire un monstre, de Johanne Mercier, a été en lice pour le GG en 2021.

Comme une famille
« La grande chance qu’a eue FouLire, c’est d’avoir eu de grands auteurs et illustrateurs, qui nous ont témoigné leur confiance tout au long de ces vingt ans. Sans eux, rien n’aurait été possible! Et Yvon les a toujours beaucoup respectés », explique Danielle, qui mentionne qu’ils sont au nombre de vingt-quatre à tenir la plume et de vingt-cinq à se faire aller les pinceaux à avoir fait leur nid chez FouLire. Car une autre chose que Danielle et Yvon ont toujours respecté : l’œuvre de l’auteur mais également celle de l’illustrateur, et la petite magie qui opère lorsque les deux sont mariés à merveille. C’est pourquoi il a toujours été une priorité chez FouLire que ces deux créateurs se rencontrent afin de fignoler ensemble le concept. Ceci explique probablement la ligne graphique claire et efficace qui se détache de leurs différentes séries et collections.

Philippe Germain

Celui qui signe notamment les illustrations de la série Les héros de ma classe et La clique du camp, Philippe Germain, nous explique que travailler pour Danielle et Yvon, c’est vraiment travailler pour la « famille ». « Ils sont un peu comme papa et maman ours. Toujours là pour leurs petits.»  Il compare le rôle d’Yvon à celui d’un coach motivateur : « Je dirais qu’il est le Jacques Demers de l’édition. Toujours dans les encouragements, les compliments et la motivation. » L’illustrateur ajoute que « Danielle et Vonvon laissent toute la place à notre créativité et notre liberté ».

« Parmi leurs nombreuses qualités, Yvon et Danielle savent comment traiter leurs auteurs : ils se montrent si enthousiastes que ceux-ci finissent par croire qu’ils ont un peu de talent », nous confie à son tour et avec son humour habituel François Gravel, écrivain majeur des lettres jeunesse québécoises et qui est de la famille FouLire depuis 2008 avec Mes parents sont gentils mais… tellement mauvais perdants!

« J’avais un rêve un peu fou, quand on a lancé FouLire, dit Yvon Brochu. C’était de créer un certain sentiment d’appartenance de la part de nos créateurs à la maison d’édition. Ils nous font confiance, donc il ne faut pas les décevoir. » L’éditeur précise également qu’il doit beaucoup à ces pigistes qui gravitent autour d’eux, du comptable au distributeur, en passant par la réviseure, le graphiste, et sans oublier les agentes de promotion. Et tout ce beau monde a souvent eu l’occasion de fraterniser et de partager leur passion respective tant chez FouLire que lors d’événements festifs organisés en milieu scolaire.

« On a fait de l’édition à notre façon depuis vingt ans et on continue de faire ça à notre façon », résume Yvon Brochu, qui maintient cette capacité de faire apparaître un sourire aux lèvres des jeunes lecteurs.

 

Jocelyn Boisvert / Photo : © Emmanuelle Roberge

Ce qu’en pense un de leur auteur :
Lorsqu’Yvon et Danielle m’ont téléphoné pour me proposer d’écrire un roman de leur collection Mes parents sont gentils, mais…, jamais je n’aurais pu me douter que FouLire allait occuper une place aussi importante dans ma vie. Ma première expérience fut un charme et, une quarantaine de romans plus tard, c’est toujours un bonheur de collaborer avec eux! Au fil des ans, Yvon et Danielle m’ont offert un espace de création sans pareil. Je ne les en remercierai jamais assez. Écrire pour FouLire, c’est sauter à pieds joints dans un joyeux délire.
Jocelyn Boisvert, auteur de la série Les héros de ma classe, et de bien d’autres romans

 

Johanne Mercier / Photo : © Don Nocon

Ce qu’en pense une de leur autrice :
« FouLire, c’est une tempête d’idées avec un café chaud. Un projet. Une brioche. Un manuscrit. Puis le coup de fil d’Yvon qui vous donne envie d’écrire toute votre vie.

Quelques centaines de brioches plus tard, FouLire est toujours là. Solide, rigoureux, bienveillant. Une maison d’édition qui prend l’humour au sérieux. Mes complices depuis vingt ans. Des amis. »
Johanne Mercier, autrice de Gangster, La clique du camp, Brad et de bien d’autres romans et séries

Illustration : © Philippe Germain

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