À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

Ce matin-là
Gaëlle Josse, J’ai lu, 218 p., 13,95$
À 32 ans, en apparence épanouie, forte, active et efficace, Clara est épuisée de tout gérer. Un matin, elle s’effondre, incapable d’aller travailler. « Clara, la vaillante, vacillante. Une lettre en plus qui dit l’effondrement. Une lettre qui se faufile au milieu de la vaillance, la coupe en deux, la cisaille, la tranche. Une lettre qui dessine une caverne, un trou où elle tombe, un creux, une lettre qui l’empêche de retrouver celle qu’elle était, entière, debout. » Cette chute l’obligera à arrêter cette course effrénée, à réfléchir à son parcours pour comprendre où elle s’est perdue. Après, il faudra se reconstruire, dénouer les fils de son existence pour se réinventer, trouver un sens à sa vie. Malgré le sujet sombre, ce roman enveloppant — dédié « à ceux qui tombent » — nous réconforte, parce qu’on peut s’y reconnaître.

 

Ton absence n’est que ténèbres
Jón Kalman Stefánsson (trad. Eric Boury), Folio, 844 p., 18,75$
Un homme se réveille dans une église de la campagne islandaise et ne se souvient de rien. Ni qui il est, ni ce qu’il fait là, ni où il va. C’est à partir de ce néant que Jón Kalman Stefánsson construit un roman renversant, autant par sa forme que par son essence. Au gré des gens que le narrateur rencontre et qui semblent le connaître se déploient les désirs et les malheurs des uns, les joies et les failles des autres, édifiant en un majestueux déferlement un livre aux innombrables embranchements. Si un accident décime une famille, si certains sont meurtris par les pertes et les déceptions, si l’on n’est jamais à l’abri de la foudre touchant nos têtes, une lueur continue à nimber sur toutes choses, filtrant les ombres et allumant des éclaircies. Ici, il faut tout embrasser, la mort, la nostalgie et la beauté d’un instant, comme les rêves brisés qui fourbissent des visées insoupçonnées.

 

Notre part de nuit
Mariana Enriquez (trad. Anne Plantagenet), Alto, 816 p., 27,95$
Lauréat de plusieurs prix, dont le Prix des libraires du Québec, ce roman singulier nous happe grâce à son souffle envoûtant. Alors qu’il vient de perdre sa mère dans des circonstances étranges, Gaspar traverse l’Argentine, au temps de la dictature et de la corruption, avec son père Jules, qui aimerait annihiler le pouvoir que son fils semble avoir hérité — et dont Jules ne peut pas se défaire — afin de le soustraire du joug d’une obscure société secrète qui s’intéresse à la vie éternelle. Habitée d’ésotérisme, de fantastique et de fantômes, cette épopée nous plonge dans la noirceur de l’âme humaine, mais aussi dans une histoire de filiation et d’amour indéfectible alors qu’un père et son fils tentent d’échapper à la fatalité.

 

La pièce
Jonas Karlsson (trad. Rémi Cassaigne), Babel, 188 p., 14,50$
Cet ouvrage déstabilise, et c’est là que réside toute sa qualité. On est plongé dans la vie de bureau du narrateur, Björn, un être profondément antisocial, voire psychorigide, qui a soif de progression hiérarchique. Bureaucrate exemplaire, il déplore que son talent ne soit pas reconnu dans cet open space où ses collègues ne sont pas à la hauteur. Puis, il découvre une pièce inoccupée, entre l’ascenseur et les toilettes. Il s’y sent calme et y passe beaucoup de temps à fomenter son plan de carrière. Mais voilà, le tout ne serait pas aussi intéressant si, bien vite, le lecteur ne comprenait pas que, cette pièce, il semble le seul à la voir. Avec une saveur kafkaesque et un humour grinçant certain, ce roman suédois nous plonge dans une grande réflexion sur le conformisme et l’exclusion.

 

Les agents
Grégoire Courtois, Folio, 314 p., 17,75$
« Notre bureau, c’est notre vie. » Ce roman dystopique met en scène des agents rivés à leurs écrans, qui s’occupent de faire tourner un monde qui se déroule hors des hautes tours de bureaux où ils passent leur vie, un monde qui se déroule donc sans eux. Mais ils préfèrent cet univers austère et impitoyable où le travail prend toute la place plutôt que le chaos et l’inconnu de la rue; ils ne vivent que pour leur travail et pour conserver leur poste. Si un agent disparaît, il est vite remplacé. Voilà une œuvre dérangeante, sombre, dense et oppressante où l’aliénation du travail est poussée à son paroxysme, rendant l’existence dépourvue d’humanité et de sens.

 

État de terreur
Louise Penny et Hillary Rodham Clinton (trad. Lori Saint-Martin et Paul Gagné), Flammarion Québec, 544 p., 18,95$
État de terreur, c’est une histoire haletante qui fait écho à l’actualité et qui est impossible à lâcher. Succédant à un gouvernement inadéquat à la Maison-Blanche, la nouvelle secrétaire d’État, épaulée par sa conseillère et meilleure amie, se retrouve au cœur d’une course contre la montre pour tenter de déjouer un complot terroriste après des attentats en Europe. L’écrivaine Louise Penny a pu compter sur les connaissances de la célèbre politicienne et ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton pour échafauder un thriller politique fascinant qui nous plonge avec grand réalisme dans les coulisses du gouvernement américain et des affaires internationales.

 

Autopsie d’un drame
Sarah Vaughan (trad. Alice Delarbre), Le Livre de Poche, 512 p., 15,95$
L’écrivaine derrière Anatomie d’un scandale — adapté en série télévisée sur Netflix — s’intéresse à nouveau aux drames psychologiques dans Autopsie d’un drame, un roman abordant la maternité, la charge mentale et les faux-semblants. Cette fois, Jess, une mère au foyer dévouée, attire les soupçons de son amie Liz lorsqu’elle arrive à l’urgence pédiatrique avec son bébé de 10 mois qui a subi un traumatisme crânien. Les explications fournies par Jess pour justifier la blessure de sa fille sont nébuleuses et éveillent les soupçons de Liz, qui travaille justement aux urgences à ce moment-là, et qui remet en doute la version de son amie, qu’elle n’est plus certaine de si bien connaître. Et si ce n’était pas un accident? Et si les apparences parfaites de la famille de Jess cachaient quelque chose?

 

Éloge du magasin : Contre l’amazonisation
Vincent Chabault, Folio, 256 p., 15,50$
Grâce à de nombreuses enquêtes sociologiques, cet ouvrage explique ce qui se joue sur le plancher des commerces : qu’est-ce que les gens viennent chercher, quel est le lien d’attachement du client au commerce, quel est le rôle social du magasin, quelle place occupe-t-il chez l’individu et en quoi un commerce peut-il façonner l’identité d’un quartier? Car force est d’admettre que malgré la puissance des grands commerçants en ligne, les petits commerces de quartier ont toujours pignon sur rue et plusieurs tirent encore leur épingle du jeu. Après tout, apprend-on dans cet ouvrage, chaque individu consacrerait en moyenne deux heures quarante par semaine à des achats hors de chez lui : c’est un temps non négligeable!

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