Pour analyser les meilleurs vendeurs en librairie indépendante pour la période 2013-2017, nous avons demandé à l’équipe de Gaspard, le système d’information sur les ventes de livres au Québec, de nous fournir le top 20 des meilleurs vendeurs sur la période s’étendant entre 2013-2017. Nous vous proposons donc une version commentée de ce top des tops des quatre dernières années

1. Bescherelle : L’art de conjuguer (Hurtubise)
L’ouvrage qui vend annuellement 85 000 exemplaires – à une époque, cela tournait autour de 130 000 – cumule des ventes totales de plus de 2 millions d’exemplaires au Canada seulement. Et pourquoi le succès persiste-t-il en cette ère où le Web triomphe? Le vice-président d’Hurtubise, Arnaud Foulon, signale qu’il n’y a « rien de pire qu’une faute de conjugaison ici et là dans une lettre, une présentation PowerPoint ou un courriel. C’est pourquoi la pertinence d’une grammaire est toujours d’actualité aujourd’hui. Dans le cas du Bescherelle, la classification de la version papier est tellement simple qu’elle permet de trouver la réponse plus rapidement qu’avec les outils disponibles sur Internet. »

 

2. La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette (Marchand de feuilles)
Septembre 2015. La femme qui fuit fait son apparition en librairie avec un tirage initial de 2000 exemplaires. Rapidement, les libraires s’emballent, les lecteurs et les critiques sont séduits. Une première réimpression est enclenchée, puis une deuxième. Un mois après sa sortie, ce sont 12 000 exemplaires qui sont vendus. La tendance ne s’atténue guère, alors que les lecteurs le partagent avec leurs amis et leur famille, et que les récompenses se multiplient. Aujourd’hui, les ventes ont atteint 80 000 exemplaires au Québec, et déjà 70 000 en France après sept mois seulement. L’éditrice de cette pépite s’appelle Mélanie Vincelette, pilote des éditions Marchand de feuilles qui avaient vécu une vague similaire avec La fiancée américaine d’Éric Dupont. Comment explique-t-elle le succès de La femme qui fuit? « C’est un livre qui pique les lecteurs droit au cœur. C’est un livre brutal, vrai, incendiaire, mais aussi d’une beauté hypnotisante. La femme qui fuit, c’est l’histoire du Québec vue à travers le regard des peintres du Refus global, oui. Mais c’est aussi l’affirmation d’une cohorte de lectrices qui se sont reconnues dans ce livre. C’est un roman qui va chercher les lecteurs dans la faille où ils se brisent facilement : le rapport à leur mère. Le livre d’Anaïs Barbeau-Lavalette montre la force d’une voix littéraire féminine à une époque où on est peut-être tannées, en tant que femmes, de lire notre vie à travers le prisme de Bukowski, par exemple. Alors que toute notre vie on nous a appris à comprendre la vie à travers les récits d’écrivains masculins. »

Un tel succès implique une gestion logistique implacable. Quand doit-on décider de réimprimer? Comment calculer les prochaines étapes de ce phénomène incontrôlable? Mélanie Vincelette l’admet : « Il faut être rapide. Hachette Canada, notre diffuseur, fait partie de l’architecture du succès de La femme qui fuit. Ils sont imbattables. Ils ont aidé de concert avec les libraires à construire cette cathédrale. »

Et Anaïs Barbeau-Lavalette dans tout cela? Elle n’en revient toujours pas. « La fille d’Anaïs venait tout juste de naître quand nous avons commencé le travail d’édition sur le livre », confie Mélanie Vincelette. « Je rencontrais Anaïs avec Mishka dans son landau dans un café de la rue Saint-Zotique pour discuter. Je me souviens que les premiers mots que j’ai dit ont été : “C’est magistral.” Elle m’a répondu : “Je crois que ça va intéresser seulement les gens de ma famille, car c’est trop personnel.” On pourrait donc dire qu’elle a maintenant une grande, très grande famille.

 

3. En as-tu vraiment besoin? de Pierre-Yves McSween (Guy Saint-Jean éditeur)
Le Québec avait clairement besoin d’un livre consacré aux finances personnelles et à la consommation : les 150 000 exemplaires vendus le démontrent bien. L’éditeur du livre, Jean Paré, admet que c’est la première fois dans sa carrière qu’il est témoin d’une telle fulgurance. Comment explique-t-il le succès? « Pierre-Yves est un personnage particulier – jeune comptable aux cheveux longs, chroniqueur aimé du public, drôle, hyper accessible – qui a fait un livre qui ne ressemble à rien. Il a réussi à créer un phénomène et a amené plusieurs personnes à changer quelque chose dans leur vie. Comme éditeur, c’est formidable de vivre le moment où un livre part en orbite et provoque un impact social majeur. » Et dire que plusieurs auraient a priori trouvé ce sujet peu attirant…

 

4. 3 fois par jour (t. 1) de Marilou et Alexandre Champagne (Cardinal)
C’est en 2013 que l’aventure « 3 fois par jour » prenait forme alors que Marilou et Alexandre Champagne lançaient un blogue culinaire au graphisme ultra léché, rapidement suivi par des dizaines de milliers de passionnés. Le succès n’a fait que grandir depuis : livres de recettes de grande qualité, émission de télévision, magazine, site transactionnel… Le premier livre a été un succès colossal, avec plus de 200 000 exemplaires vendus, et des droits vendus dans plus de sept pays. Pour l’éditeur Antoine Ross Trempe, un succès d’une telle ampleur a des répercussions énormes : « Pour une petite maison d’édition comme la nôtre, un best-seller comme celui-là signifie que des dizaines d’autres projets d’édition peuvent voir le jour grâce aux ressources générées, permettant ainsi à des auteurs, mais aussi à des dizaines d’autres collaborateurs (photographes, correctrices, graphistes, coordonnatrices, etc.) de travailler dans le domaine du livre. »

 

5. Fifty Shades of Grey (t. 2) : Cinquante nuances plus sombres d’E. L. James (Lattès)

 

6. Fifty Shades of Grey (t. 1) : Cinquante nuances de Grey d’E. L. James (Lattès)
D’abord autopubliée sur le site Internet de l’auteure, cette romance érotique inspirée par la série « Twilight » a créé une déferlante planétaire impossible à prévoir. Traduit en 52 langues et vendu à plus de 125 millions d’exemplaires sur la planète, ce livre n’a pas laissé indifférents les lecteurs d’ici.

 

7. Une aventure d’Astérix (t. 36) : Le papyrus de César de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad (Albert René)
Uderzo et Goscinny n’auraient jamais pu concevoir un tel succès pour la série qu’ils ont créée à la fin des années 50… encore moins 60 ans plus tard. Avec plus de 370 millions d’albums vendus sur la planète – 130 millions dans les pays francophones – et des traductions en 111 langues, le ciel ne leur est certainement pas tombé sur la tête! Au Québec, les ventes sont stables pour chaque nouveauté de cette série maintenant signée Jean-Yves Ferri et Didier Conrad.

 

8. Harry Potter et l’enfant maudit de J. K. Rowling (Gallimard)
Harry Potter, c’est l’histoire Cendrillon du milieu éditorial international. Après avoir essuyé des refus de plusieurs éditeurs, J. K. Rowling accepte l’offre de la maison d’édition Bloomsbury qui publie 500 exemplaires des premières aventures d’Harry Potter. Rapidement, le succès est au rendez-vous et la planète « livre » s’emballe. Les ventes globales de la série se chiffrent à 420 millions d’exemplaires dans 140 pays – 30 millions en français – et ont fait de J. K. Rowling la première écrivaine milliardaire de l’histoire. Pour Florence Noyer, directrice générale de Gallimard Limitée, diffuseur québécois de la série, « le phénomène Harry Potter est quasiment devenu intemporel, car il frappe chaque génération de lecteurs depuis près de 20 ans. Les lecteurs suivent les aventures d’Harry Potter et grandissent avec le personnage. Il n’est donc pas étonnant que ces lecteurs aient suivi Harry Potter à l’âge adulte dans le dernier tome paru en 2016. Harry Potter et l’enfant maudit est certainement la pièce de théâtre qui s’est la plus vendue au monde… »

 

9. La liste de Jérémy Demay (Un monde différent)
Malgré un tirage initial de 8000 exemplaires, c’est plus de 85 000 exemplaires de La liste qui ont été écoulés. Un succès surprenant, qui s’explique de plusieurs façons selon l’éditeur Michel Ferron. Selon lui, il faut noter l’écriture accessible de Demay, les chapitres courts et le sujet universel (la dépression) qui touche bien des gens aujourd’hui, mais également le contexte idéal de la publication, le marketing imposant et le caractère très grand public de l’ouvrage. Anecdote intéressante, c’est Jérémy Demay qui a insisté pour conserver le titre La liste, alors que l’éditeur le trouvait plutôt banal et sans message clair. Comme quoi…

 

10. Famille futée (t. 2) de Geneviève O’Gleman et Alexandra Diaz (La Semaine)
Une émission de télévision, des livres, des magazines, deux filles attachantes, du contenu pratico-pratique : tous les ingrédients sont rassemblés pour un succès phénoménal, et c’est bien ce que l’aventure Famille futée représente avec des ventes de plus de 350 000 exemplaires pour les deux premiers ouvrages combinés. Les gens veulent bien manger, simplement, et on voit bien que le duo O’Gleman-Diaz répond bien aux attentes.

 

11. Le passager de Patrick Senécal (Alire)
Patrick Senécal a vendu plus d’un million d’exemplaires de ses livres depuis le lancement de 5150, rue des Ormes en 1994. Le passager, initialement publié chez Guy Saint-Jean éditeur en 1995, puis repris chez Alire en 2003, est un livre qui est massivement lu en milieu scolaire. C’est ainsi que plus de 120 000 exemplaires ont été achetés au fil des ans, et que le rythme se maintient à plus de 8000 exemplaires annuellement. Louise Alain, directrice commerciale chez Alire, souligne que Le passager est une porte d’entrée plus soft à l’univers de Senécal : « Si ce court roman est trop intense à leur goût, il y a fort à parier que l’exploration de son œuvre s’arrêtera là, du moins pour ce qu’il publie chez Alire. » Pour expliquer le succès plus global de Patrick Senécal, Louise Alain souligne que « l’auteur comprend instinctivement les rouages du thriller et sait comment “doser” ses effets pour maintenir le lecteur en éveil constant. »

 

12. L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante (Gallimard)
L’aventure Ferrante en est une d’exception. Campée dans l’Italie des années 50 et greffée autour de deux amies, cette saga historique est soutenue par une plume magistrale, originale. Florence Noyer, directrice générale de Gallimard Limitée, est aussi émerveillée de ce phénomène éditorial, de cette « vraie contagion de lecture » : « L’écriture est ample et l’histoire ne cède jamais à la facilité. La série nous emporte dans un univers romanesque riche et singulier. Il s’agit d’un plaisir brut de lecture. » L’anonymat de l’auteur – qui signe sous un pseudonyme – a peut-être nourri le mythe, mais il s’agit d’abord et avant tout d’un livre chouchou porté par les libraires, qui l’ont mis entre les mains de nombre de clients, et qui lui ont décerné le Prix des libraires du Québec en 2016. Florence Noyer croit que « la plupart des libraires ont été emportés par le plaisir de lecture et, en ce sens, ils ont été des passerelles importantes ». Au Québec, plus de 60 000 exemplaires ont été vendus de ce premier tome.

 

13. Fifty Shades of Grey (t. 3) : Cinquante nuances plus claires d’E. L. James (Lattès)

 

14. Rendez à ces arbres ce qui appartient à ces arbres de Boucar Diouf (La Presse)
Ce titre vendu à 57 000 exemplaires a changé la vie du biologiste, humoriste, conteur et animateur Boucar Diouf .Mais comme il le raconte bien, cela a aussi bouleversé le quotidien de sa famille : « Depuis que j’ai écrit ce livre qui donnait la parole à un arbre appelé la Mère, sa vie a changé. En effet, quelques Québécois et Québécoises touchés par l’histoire sont allés faire sa connaissance dans nos champs au Sénégal. Une des visiteuses a même mangé avec mes parents et a partagé avec eux quelques perles de sagesse de notre vieux baobab. Une incompréhension qui a amené ma mère à croire que j’avais fondé une secte au Québec. Il a fallu s’assoir avec elle pour tout préciser. »

 

15. L’agent Jean! (t. 1) : Le cerveau de l’apocalypse d’Alex A. (Presses Aventure)
Cette série de bandes dessinées, un succès-surprise signé Alex A., n’en finit plus de séduire les jeunes lecteurs. Il suffit de voir les files interminables d’admirateurs qui souhaitent rencontrer le créateur lors des salons du livre… Pourtant, Alexis Lavogiez, directeur de production et de logistique chez l’éditeur Presses Aventure, rappelle que le succès ne fut pas immédiat : « Alex A. a fait énormément de tournées et d’animations dans les écoles afin de se faire connaître. De son côté, l’équipe de Presses Aventure, qui a toujours cru très fort au projet, a beaucoup investi pour promouvoir l’auteur et sa série. » Le travail a porté ses fruits, car plus de 100 000 exemplaires du premier tome et autant du deuxième ont trouvé preneur. La série, elle, approche le million de ventes au Canada seulement. Impressionnant succès, donc, pour ce petit personnage au panache déluré.

 

16. Astérix (t. 35) : Astérix chez les Pictes de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad (Albert René)

 

17. Vi de Kim Thúy (Libre Expression)
La douce Kim Thúy a bouleversé toute la scène littéraire en 2010 avec son premier roman. En plus de remporter le prestigieux Prix du Gouverneur général, Ru a été le livre le plus vendu au Québec cette année-là! Depuis, la Québécoise d’origine vietnamienne n’a cessé de nous séduire avec ses récits uniques et bouleversants. Vi s’inscrit dans cette reconnaissance monstre que Kim Thúy reçoit : depuis sa parution, plus de 60 000 exemplaires ont été vendus au Québec et les droits ont été cédés en allemand, en anglais, en finnois, en italien, en roumain et en suédois, en plus d’une sortie distincte en France. Pour la vice-présidente Édition au Groupe Librex, Johanne Guay, le succès tient d’abord du talent, mais également de ce je-ne-sais-quoi très inspirant : « Je pense que ce qui la distingue est son propos si positif, sa spontanéité, sa disponibilité et sa générosité. Elle est aussi très active sur les réseaux sociaux. Kim Thúy est une femme attachante qui ne tient rien pour acquis et qui remet cent fois sur le métier. Je crois que c’est là sa plus grande force. Elle nous oblige tous à nous dépasser, et de façon si élégante. »

 

18. Le Petit Larousse illustré (Larousse)

 

19. L’agent Jean! (t. 2) : La formule V d’Alex A. (Presses Aventure)

 

20. Famille futée (t. 1) de Geneviève O’Gleman et Alexandra Diaz (La Semaine)

 
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