Créer du lien : Les auteurs québécois débarquent sur Wiki

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Créer du lien : Les auteurs québécois débarquent sur Wiki
À l’heure actuelle, les pages Wikipédia liées à du contenu québécois les plus visitées sont celles… de nos hockeyeurs. Sans rien enlever à ces athlètes, le milieu littéraire a retroussé ses manches et s’est mis à la tâche d’augmenter la découvrabilité de nos auteurs d’ici en créant la fiche de 480 d’entre eux dans Wikipédia. Le chrono est lancé : l’initiative intitulée Créer du lien aura terminé ce projet d’envergure, et surtout aux retombées énormes, d’ici un an.

Au téléphone, Frédérique Dubé, responsable du développement numérique chez Productions Rhizome, organisme qui chapeaute Créer du lien, m’explique l’essence de ce projet. Inspiré par ce que d’autres disciplines artistiques avaient mis sur pied, notamment le milieu des arts visuels et celui du cinéma, le milieu littéraire a reconnu son retard et a choisi de rétablir le tout. Oui, il allait inscrire la littérature québécoise sur la Toile à la hauteur de ce qu’elle mérite! Et le tout allait passer par l’ajout de contenu sur les plateformes Wikimédia, dont l’encyclopédie libre Wikipédia, la médiathèque Wikimedia Commons et la base de connaissance Wikidata.

Objectif : être vu pour être lu
« À l’heure des algorithmes, Wikipédia est notre meilleur atout pour rivaliser avec les géants du Web et offrir une place à nos créateurs sur la Toile », explique Tania Massault, directrice générale aux éditions Alto, qui participent au projet avec les dix autres partenaires que sont Wikimédia Canada, La poésie partout, l’UNEQ, les Éditions du Noroît, Kwahiatonhk!, Planète rebelle, La Quadrature, Culture Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches, Littérature québécoise mobile et LATICCE. Offrir au Web les métadonnées dont il a besoin et remplir les fiches Wikipédia, voilà « un moyen sûr et efficace de faire remonter les résultats dans les moteurs de recherche qui accordent un haut taux de crédibilité à ces plateformes », explique madame Dubé.

Effectivement, alors que le mot découvrabilité est au cœur de bien des préoccupations, le projet Créer du lien vient combler un vide immense. Cependant, on se pose cette question : pourquoi les autrices et auteurs eux-mêmes ne vont-ils pas se créer leur propre fiche? C’est que Wikipédia possède ses règlements et son code d’éthique, et qu’en ce sens nul n’a le droit de créer sa propre entrée. Le tout doit être fait par un tiers, et plusieurs sources doivent être amenées à l’appui de ce qui y est avancé. Autre critère de l’encyclopédie en ligne : un auteur ne peut avoir sa fiche que si deux de ses livres ou plus ont été publiés chez un éditeur reconnu et que ses livres, ou sa personne, ont eu un impact dans les médias. C’est donc là qu’entre en scène l’équipe de Rhizome, qui a notamment pour mission d’écrire ou de bonifier les 480 fiches, le tout en se fiant sur des sources crédibles et une recherche fouillée, et sans avoir recours… à l’auteur lui-même! Ce dernier étant considéré comme une source primaire par Wikipédia, il ne peut pas devenir l’objet de référence. Un beau casse-tête, donc, pour l’équipe des cinq wikipédistes qui scrutent les journaux, médias, encyclopédie, livres, émissions radio et autres sources fiables qui recensent déjà (mais bien peu parfois) nos lettres d’ici.

Des auteurs, mais quels auteurs?
À ce jour, un seul article sur un auteur québécois s’est mérité une étoile dorée, la plus haute distinction donnée sur Wikipédia : celui sur Émile Nelligan. Les curieux qui iront lire la fiche réaliseront à quel point l’étendue des informations est vaste, pertinente, bien argumentée et neutre. L’objectif des rédacteurs de Créer du lien n’est cependant pas un tel article pour chacun des 480 auteurs choisis. La tâche nécessiterait des années. Mais allez voir la page de Mireille Gagné ou encore celle de Mathieu Arsenault, et vous aurez une idée du rendu souhaité. Tout l’essentiel y est, rendu de façon professionnelle et complète. Actuellement, 30% du projet a été mis en ligne — principalement dans le volet « bonification de fiches ». On parle notamment des entrées sur Claude Gauvreau, Hélène Dorion, Anne Hébert, Joséphine Bacon, Marie Uguay, Marjolaine Beauchamp, Jimmy Beaulieu, Naomi Fontaine et Samuel Archibald, pour n’en nommer que quelques-uns.

Le choix des auteurs mis à l’honneur a été fait par les partenaires littéraires susmentionnés, qui les ont sélectionnés parmi celles et ceux qui gravitent autour de leur organisation : « Le projet constitue une chance inouïe pour nos autrices et auteurs, car cela va améliorer leur présence en ligne. On le répète souvent, mais publier un livre ne garantit pas une visibilité, encore moins dans le temps, sachant que la plupart des titres sont gardés moins d’un an en librairie. Or pour être lu, il faut en premier lieu être découvrable. Avoir des articles Wikipédia à jour sur leurs œuvres, et plus globalement sur notre littérature québécoise, va augmenter la découvrabilité de notre culture. »

Mais alors, que peuvent faire les autres auteurs québécois qui n’ont pas eu la chance d’être du lot des sélectionnés? Frédérique Dubé les invite à aller déposer leurs métadonnées sur Wikidata, « une base de données remplie de nourriture pour robots », illustre-t-elle. À force de nourrir les algorithmes avec des informations comme le sexe ou le genre, le pays de citoyenneté, le nom, la date et le lieu de naissance, l’occupation ou les prix reçus, les moteurs de recherche prioriseront de plus en plus les pages qui les recensent. « Ce n’est pas très sexy, mais les robots en mangent et c’est très accessible », argue-t-elle. Le prix à gagner? De la visibilité supplémentaire.

Wikipédia, mais pas que
Créer du lien organise également des ateliers citoyens Wiki-Litt en ligne, en présentiel ou mixtes, afin d’inviter la population à rallier le mouvement et à faire rayonner la culture d’ici. Les prochains événements sont ceux du 8 décembre (incluant une diffusion en simultané sur le Web), en présence de l’écrivaine Nadine Walsh, et la suivante sera le 12 janvier, avec Claire Varin à la Maison des écrivains. Au menu : causerie avec les autrices suivie d’un atelier plus pratique! On souligne aussi les midis-conférences, en direct de la page Facebook de Rhizome, dont le prochain, le 26 janvier à 12 h 30, portera sur « La découvrabilité numérique appliquée aux arts et à la culture ».

Frédérique Dubé nous parle également des « Tapis rouges », cette initiative pour alimenter Wikimedia Commons en photos de qualité des auteurs. Et pas seulement des 480 choisis, mais bien de tous les auteurs qui souhaiteront se prêter au jeu des Photobox lors des différents salons du livre du Québec, dès 2022. Avoir une photo libre de droits sur Wikipédia, ça aide les médias, et notamment la revue Les libraires, à propager la nouvelle si un auteur remporte un prix, fait un bon coup, s’illustre à l’international…

Du côté plus technique, Créer du lien collaborera avec l’UNEQ et des experts en découvrabilité, en modélisation et en téléversement de données pour verser automatiquement les données de L’île — le site de l’UNEQ qui récence déjà plusieurs auteurs québécois — sur Wikidata. Et, finalement, le dernier volet du projet consistera à créer une passerelle entre le site Web de Rhizome et les plateformes Wikimedia afin d’implémenter des contenus mis à jour en temps réel et évolutifs (par exemple, des biographies des écrivains québécois), passerelle qui sera mise gratuitement à la disposition des partenaires et de la communauté.

Bref, les efforts déployés sont grands et serviront le milieu littéraire d’ici, les étudiants de demain, les curieux friands de Wikipédia, les journalistes culturels et tous les lecteurs des talents d’ici!

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