On l’a vue à l’animation de plusieurs émissions de télévision et de radio, sur la scène de Galas Juste pour rire, sur la patinoire de la Ligue nationale d’improvisation en tant que joueuse habile et aux côtés de Guy A. Lepage au rendez-vous dominical Tout le monde en parle. Cet automne, elle fait paraître Les carnets de voyages d’Anaïs Favron (Goélette), livre appelé à plaire aux gens qui ont envie de déplacements, peu importe le genre ou la destination convoitée. Tout compte fait, la lecture est aussi une façon de s’offrir une escapade et de partir à la découverte, curiosité devant, d’autres horizons.

Notre invitée a commencé tôt sa carrière de lectrice. Il faut dire que le prénom que ses parents ont choisi de donner à leur fille la prédestinait à l’amour des lettres. Fervents adeptes de littérature, ils ont été inspirés par Anaïs Nin (dans le cas de son frère, par Antonin Artaud). Cela laissait nécessairement présager un avenir prometteur en matière de livres. Encore toute jeune, la petite Anaïs lisait donc beaucoup, mais avait des goûts, disons, particuliers pour son âge : elle était fascinée par les témoignages d’enfants martyrs. « Aujourd’hui, si on avait la liste des livres que je lisais à 8-9 ans, on appellerait la DPJ », déclare-t-elle d’emblée. Même si son père et sa mère trouvaient étrange son intérêt pour les cas vécus troublants, ils n’effectuaient pas de censure, étant tout de même contents que leur fille s’adonne avidement à la lecture.

Sa passion des récits macabres, Anaïs Favron l’a toujours conservée, mais son éventail s’est diversifié. Dernièrement, Au pays du désespoir tranquille de Marie-Pierre Duval l’a marquée, un roman où l’on fréquente Marie, alter ego de l’autrice. Après s’être investi à fond de train dans sa vie professionnelle, le milieu de la télévision, le personnage est frappé de plein fouet par une dépression. Commence alors un long réveil truffé de remises en question. « Ce qui devait servir notre réussite sert maintenant notre aliénation. » À quel moment le point de bascule arrive-t-il? Le voit-on venir ou est-il souvent trop tard lorsqu’il se présente? « J’ai tout compris de ce livre-là, ça m’a beaucoup parlé », se rappelle Anaïs Favron, qui pouvait s’y reconnaître à plusieurs égards.

Du mordant
Dans un tout autre registre, Maple de David Goudreault, avec son angle décalé, a ravi notre lectrice. Par ailleurs, elle aime alterner entre des lectures très exigeantes et celles plus légères que l’on lit plus à distance. Mais une chose est sûre, quand un livre de Stéphane Dompierre apparaît sur les tablettes d’une librairie, elle s’en empare. Elle aime son côté corrosif et son œil avisé, que ce soit du côté de ses romans ou à travers ses essais empreints d’humour et d’un brin d’irrévérence. « J’aime ça quand c’est cru et trash », affirme sans ambages notre libraire d’un jour. C’est aussi une des raisons qui l’ont fait dévorer La reine de rien de Geneviève Pettersen. « Toutes les filles au gym sont plus belles que moi. Même les vieilles madames grosses qui font semblant de faire de l’elliptique parce que leur médecin de famille leur a dit qu’elles mourraient du diabète de type 2 si elles continuaient à rester assises sur leur cul. » Comme entrée en matière, difficile d’être plus franche.

Mais Anaïs Favron n’apprécie pas seulement les phrases scabreuses et les situations extrêmes. Elle adore les romans historiques qui la plongent dans une époque et lui donnent l’impression d’être transportée dans le temps. « Quand j’apprends des choses et qu’en plus je suis divertie par une histoire, j’ai l’impression d’avoir un deux pour un, explique-t-elle. Je vénère les auteurs qui écrivent ce genre de livres. » C’est ce qui s’est produit avec la trilogie Les accoucheuses d’Anne-Marie Sicotte, une incursion dans l’univers des sages-femmes du XIXe siècle qu’aussitôt terminée, elle est allée porter à une amie pour lui en faire profiter à son tour. Croiser des personnages et leurs coutumes, leurs valeurs, leurs motivations, inspire grandement l’animatrice, qui s’en abreuve pour ouvrir ses perspectives. Tout comme le font les voyages qu’elle entreprend et qui l’amènent à approcher différents modes de vie.

Les itinéraires imprévus
De ces traversées aux quatre coins du globe, elle a décidé d’écrire un livre, Les carnets de voyages d’Anaïs Favron, qui paraît cet automne. Pas tout à fait un guide, ce n’est pas non plus à proprement parler un récit, bien qu’elle y raconte quelques péripéties personnelles. Elle le propose davantage comme une manière de « semer l’étincelle du voyage ». Puisqu’elle a passé plusieurs années à la barre d’émissions consacrées au sujet, elle reçoit de nombreuses questions sur les réseaux sociaux qui lui donnent l’idée de rassembler celles qui sont les plus récurrentes et d’y répondre par le biais d’un livre. On y retrouve donc les meilleurs moments de l’année, ou même dans sa vie, pour entreprendre un voyage, les bavures à prévenir, des conseils pour rendre son séjour optimal, etc. En elle-même, l’écriture fut une véritable épopée, selon les dires de la grande voyageuse. L’idée a germé en 2018, le travail s’est fait l’année suivante pour se terminer en 2020, puis la pandémie est survenue. Ensuite, les départs et les arrivées de différents éditeurs à la maison qui héberge son projet l’ont obligée à modifier certains aspects selon qui dirigeait l’ouvrage. Plus les années passaient, plus son propre regard changeait, ce qui l’a aussi conduite à apporter des variantes, si bien que le livre de départ ne correspond plus du tout à ce qu’il est finalement devenu. Ce long processus pour qu’enfin il aboutisse sur les rayons des librairies et dans les mains des lecteurs et des lectrices fait en sorte que sa publication semble à l’autrice presque irréelle. Un peu comme les voyages, l’aventure peut être jonchée d’une multitude d’aléas, mais aura valu la peine.

Même si Anaïs Favron est une exploratrice du monde entier, par réflexe elle se tourne d’abord vers la littérature québécoise. Récemment, elle s’est intéressée à Là où je me terre de Caroline Dawson, un récit qui a beaucoup fait lire et dans lequel l’autrice raconte son parcours d’immigration, autre forme de périple, le voyage d’une vie celui-là. Même chose quand il s’agit de romans graphiques, parlant notamment de Vers d’autres rives de Dany Laferrière, qu’elle a eu la chance de côtoyer et dont elle admire l’intelligence et la simplicité.

Cette réunion demeure hypothétique, mais elle voudrait avoir l’occasion de rencontrer la Française Katherine Pancol pour discuter de sa trilogie Les yeux jaunes des crocodiles. « Je les ai dévorés, ces livres-là, s’exclame-t-elle. Je sais que c’est cliché, mais j’assume tout à fait les clichés. Il y avait du stock là-dedans, de l’action à chaque page, et je m’assoirais bien avec l‘auteure pour jaser. » Quant au livre le plus significatif d’Anaïs Favron, il nous était réservé pour la fin. Cadeau de son père alors qu’elle avait environ 12 ans, Le grand cahier d’Agota Kristof figure au sommet de son palmarès. Un roman dur où des frères jumeaux doivent apprendre à survivre dans un contexte de guerre, mais qui apporte d’importantes réflexions sur la nature humaine. Lui, elle le conserve précieusement dans sa bibliothèque et le relit au moins chaque décennie.

Photo : © Dominic Gouin

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