Boucar Diouf est un communicateur qui n’a pas son pareil et qui captive son public aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. Dans son tout dernier livre, La face cachée du grand monde des microbes (Éditions La Presse), il vulgarise, de main de maître encore une fois, le monde vaste et complexe des micro-organismes. Il en fait son terrain de jeu et nous amène à regarder d’un autre œil l’incroyable aventure qu’est la vie sur Terre, jamais banale sous la loupe du scientifique conteur.

La face cachée du grand monde des microbes, ViggÀ notre époque, les sources d’informations se multiplient à l’infini, si bien qu’il peut être difficile de s’y retrouver parmi toutes les données, parfois contradictoires, auxquelles nous sommes confrontés. Comment peut-on se prémunir contre la désinformation?
Je crois que beaucoup de personnes ont découvert avec cette pandémie qu’il n’existe pas de vérité sacrée et immuable en recherche scientifique. Même dans les sciences dites exactes, une vérité demeure une référence jusqu’à ce qu’une autre vienne la corriger ou la remplacer. Dans ce contexte, apprendre à vivre avec le virus, c’est accepter qu’un grand pas en avant peut être suivi d’un petit pas en arrière. Ce qu’on considère comme des données contradictoires n’est très souvent que l’expression de cette évolution normale de la découverte scientifique. Pour ce qui est de la lutte contre la désinformation, l’offensive doit venir de la part des scientifiques. Il faut que les chercheurs embrassent la vulgarisation et trouvent de nouvelles et de meilleures façons de communiquer leur travail au grand public. Ils doivent devenir des porteurs de lanterne pour éloigner le maximum de personnes de cette pénombre qui envahit Internet et les médias sociaux.

D’où vient votre envie de partager vos connaissances et votre regard sur le monde?
Le désir de partager mes explorations scientifiques et mon regard sur le monde vient d’abord du besoin irrépressible de communiquer qui m’habite depuis l’enfance. Pour moi, chaque audience est une opportunité de thérapie par l’expression. J’écris et présente des spectacles avant tout pour me faire du bien. J’ai grandi avec des anciens qui étaient des maîtres de la parole. Par leur bouche, j’ai découvert la puissance du verbe. Flanqué par la nature d’un cerveau à la fois rationnel et rêveur, j’adore mélanger les sciences et les arts pour essayer de faire raisonner plus largement les savoirs. Mon besoin de partager la connaissance vient aussi du grand intérêt que j’ai toujours eu pour les sciences sociales. Construire des ponts entre les sciences sociales et les sciences pures est au centre de ma démarche artistique, mais aussi de tous mes projets de livres et d’émissions.

Puisqu’il y a quelque chose à apprendre de chaque situation, au-delà de la crise sanitaire mondiale qui amène avec elle son lot d’épreuves, quel enseignement primordial peut-on retenir de cette pandémie?
Le virus nous a rappelé qu’on a besoin des autres et que le confinement est éprouvant pour les animaux hautement sociaux que nous sommes. Il nous a appris aussi que le meilleur système de défense contre une pandémie repose sur la solidarité à tous les niveaux d’une société. Je crois enfin que cette épreuve planétaire est là pour nous rappeler la nécessité de réinterroger la place de notre espèce dans la biosphère. Au-delà des vaccins à ARNm, toute solution durable doit tenir compte de la crise environnementale et de l’érosion de la biodiversité dont nous sommes les premiers responsables.

En tant que biologiste, qu’est-ce qui vous fascine le plus dans cette science du vivant?
Les sciences du vivant sont thérapeutiques pour mon cerveau, mon cœur et mon « âme ». Ce sont de hauts lieux de poésie. De la petite cellule au plus gros organisme vivant, on trouve des tableaux que la nature a mis plus de 3,5 milliards d’années à fignoler. Raconter l’histoire de ces créations me procure un grand bonheur.

Photo : © Jean-François Lemire

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