Dieu en cause?

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De manière à protéger le libraire de manifestations violentes, je précise que ce topo sur Dieu n'est ni une caricature, ni un texte irrespectueux. Je suis simplement frappé du nombre de bouquins qui, dans nos sociétés théoriquement sans religion, parlent de Lui. Certains méritent d'être lus ou relus pour éclairer l'actualité.

Gerald Messadié, qui a causé un séisme d’intensité 10 à l’échelle vaticane en 1988, n’a pas cessé depuis d’aggraver son cas. Dans L’Homme qui devint Dieu, Messadié proclame que l’homme Jésus a été clandestinement descendu de la croix avant sa mort. Il ne ressuscita pas, car il fut soigné et guéri, mais il jugea prudent de s’éloigner. Cela laissait à Messadié du jeu pour présenter le reste du scénario : Les Sources (L’Homme qui devint Dieu, tome 2, 1989), L’Incendiaire. Vie de Saül apôtre (1991), Jésus de Srinagar (1995), L’Affaire Marie-Madeleine (2002). Les deux premiers bouquins présentent une démonstration serrée, plausible, presque concluante. Ceux-là sont à lire ; la suite a dû lasser Dieu lui-même.

Le Christ païen de Tom Harpur, déjà cité dans un précédent billet, fêle lui aussi l’auréole de l’homme Jésus, mais avec d’autres outils. Harpur ne trouve aucune trace d’un Christ historique; en outre, les évangélistes furent plutôt lents et inventifs. De plus, ils avaient peu à dire, car l’Égypte avait déjà raconté Lazare, la croix, la résurrection… Lecture de type protestant : troublante.

Comme la droite étasunienne veut réintroduire à l’école le récit biblique de la Création en six jours, rappelons que l’intelligent design n’a pas, je répète, n’a pas démoli Darwin et son évolution. Lire ou relire Cyrille Barrette sera utile (Le Miroir du monde. Évolution par sélection naturelle et mystère de la nature humaine). Si cela ne suffit pas, qu’on retourne à Messadié. Dans Les Cinq Livres secrets dans la Bible, il explique pourquoi la Genèse offre deux déluges pour le prix d’un et dispense la lumière avant qu’arrive le soleil… De quoi renvoyer à leur folklore les « créationistes » étasuniens.

Toujours caustique et documenté, Jean Forest rappelle, dans La Terreur à l’occidentale, que la coercition catholique a terrorisé le monde longtemps avant ses rivales. A-t-on renoncé à cette pédagogie gagnante?

Le Moine et le Philosophe présente un long échange entre Jean-François Revel, à l’incroyance affichée, et son fils Mathieu Ricard, docteur en biologie moléculaire, qui a bifurqué pour devenir moine bouddhiste. Le père, qui dut être assez accaparant pendant l’adolescence du fils, ne cesse d’évoquer tout ce qu’il sait de la philosophie occidentale, la discussion est dense, courtoise, éclairante. Revel note au sujet de l’offensive musulmane contre le bouddhisme qu’il s’agit « d’un des rares exemples d’une religion — appelons-la  » religion  » pour la commodité du terme — qui a été balayée du théâtre géographique où elle avait vu le jour ». La douceur serait-elle suicidaire? Dans un autre contexte, on lira avec intérêt et un agacement croissant The End of Faith (Norton, 2004). Sam Harris s’y attaque avec verve aux dégâts causés aux États-Unis par la foi et la détestation des infidèles. Le bouquin, toutefois, délaisse souvent son objectif pour vanter la « mansuétude » (!) d’Israël à l’égard des Palestiniens.

Dieu est peut-être mort, mais son testament ne se laisse pas oublier.

Bibliographie :
L’Homme qui devint Dieu, Gerald Messadié, Le Livre de Poche, 887 p., 15,50 $
Le Moine et le Philosophe, Jean-François Revel & Mathieu Ricard, Pocket, 410 p., 12,95 $
Le Christ païen. Retrouver la lumière, Tom Harpur, Boréal, 296 p., 27,95 $
La Terreur à l’occidentale (deux tomes), Jean Forest, Triptyque, coll. Controverses, 266 p., et 298 p., 22 $ et 23 $
Le Miroir du monde. Évolution par sélection naturelle et mystère de la nature humaine, Cyrille Barrette, MultiMondes, 340 p., 29,95 $
Les Cinq Livres secrets dans la Bible, Gerald Messadié, JC Lattès, 600 p., 39,95 $

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